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"Dewinter, viens débattre avec nous"

La ministre déléguée aux Affaires étrangères est prête à répondre à Filip Dewinter. Les extrémistes flamands lancent une campagne contre l'émigration, au Maroc.

ENTRETIEN

Ministre déléguée aux Affaires étrangères du gouvernement de Driss Jettou, Nouzha Chekrouni est chargée des Marocains résidant à l'étranger (MRE).

Que pensez-vous de l'intégration de la communauté marocaine en Belgique?

Cette communauté a subi une mutation profonde depuis les années 60, elle compte aujourd'hui une élite avec des intellectuels et des politiques qui ont un rôle important. La Belgique est l'un des pays où les Marocains ont pu accéder à des postes de conseillers communaux, de parlementaires ou de membres du gouvernement: c'est un signal très fort qui démontre la souplesse du système d'intégration. Vous avez de grands atouts, avec l'organisation du culte par exemple. L'Exécutif des musulmans reconnaît l'islam comme une composante de la société belge.

Il y a des nuances entre la situation en Flandre, par exemple, et ailleurs en Belgique....

La question de la migration est aujourd'hui perçue à différents degrés. Parfois, ça et là, on fait des amalgames simplistes entre islam, culture arabe et terrorisme...

C'est comme ça que vous percevez la situation en Belgique?

Non: un peu partout en Occident. Aujourd'hui, on assiste à un retour à la sérénité; les problématiques sont beaucoup plus profondes que ces analyses simples. Se posent les questions de l'acceptation de l'autre et de la différence, mais aussi de l'égalité des chances.

L'immigration est brandie comme un épouvantail par certains hommes politiques flamands...

Ils jouent avec les peurs, avec les ignorances. On utilise l'immigration comme bouc émissaire car cela touche facilement la conscience. Ce n'est pas sécurisant de voir des gens débarquer avec des visages différents, des cultures différentes.

Filip Dewinter, du Vlaams Belang, va venir au Maroc vous expliquer que la Belgique n'est pas «le CPAS de la terre». Qu'en pensez-vous?

Le Maroc est une terre d'accueil où les gens peuvent venir en touriste... Nous sommes un pays qui a fait le choix de la démocratie de façon irréversible. Donc, la question de la liberté d'expression est fondamentale. La libre circulation des personnes est un principe auquel je suis attachée avec beaucoup de conviction...

Vous allez débattre avec lui?

Débattre, c'est toujours formidable car rien ne règle mieux les problèmes que le dialogue. Mais je le dis: la migration reste un droit! Si elle doit respecter certains droits des Etats, ne nous leurrons pas: la question de la migration est l'avenir de l'humanité. L'Europe aura besoin de migration pour continuer sa croissance... Il faut être cohérent. Les hommes politiques doivent avoir une vision à long terme et ne pas prendre de décisions par démagogie, sous peine d'offenser nos sociétés.

Vous comptez donner une leçon de tolérance à M. Dewinter?

Si le débat peut apporter aux uns comme aux autres... Nous avons des choses à leur expliquer; nous n'avons aucun complexe et nous sommes fiers de notre culture. Nous sommes fiers de ce que nous sommes en train de faire, le chemin que nous empruntons vers la démocratie. Nous avons aussi notre mot à dire...

Quel conseil prodigueriez-vous aux Marocains d'Anvers, une ville où le VB fait 33pc des voix?

De continuer à mobiliser pour contrer la haine et la xénophobie, les extrémismes raciaux, linguistiques ou sexuels. Ce n'est pas un problème qui touche seulement les Arabes, les Marocains ou les musulmans; c'est un problème qui doit interpeller tous les Belges.

Les règles de droit ne sont pas toujours respectées au Maroc. Votre pays a récemment été pointé pour les conditions inhumaines dans lesquelles il rapatriait les candidats réfugiés subsahariens...

Tout à fait injustement! Ces Subsahariens viennent pour partir en Europe; nous n'avons aucun moyen pour faire face au phénomène. Les rapatriements étaient volontaires, nous n'avons pas mis les menottes aux gens.

Donc, les images de Subashariens menottés et abandonnés dans le désert étaient fausses?

S'il y a eu quelques dérapages, je ne vais pas revenir là-dessus. Nous avons procédé à ces rapatriements sans recevoir l'aide de personne, je me demande où est restée la solidarité internationale. Nous n'avons pas de leçon à recevoir, nous nous démocratisons à notre rythme.

Source:La Libre Belgique

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