Menu

La guerre du Rif aux « Cortes »

Plusieurs intellectuels marocains avaient sollicité des responsables espagnols l'ouverture d'une enquête sur les dépassements qu'avait connus la guerre du Rif. Des députés espagnols ont fini par présenter un projet de loi.

C'est une initiative unique en son genre. Sous l'impulsion d'un collectif d'intellectuels marocains, un groupe de députés catalans a déposé aux « Cortes » (Parlement Espagnol), le 7 septembre dernier, une proposition de loi relative à la reconnaissance des responsabilités de l'Etat Espagnol dans la guerre du Rif et la réparation des dommages consécutifs à l'usage d'armement chimique. L'histoire remonte à février 2004. Un groupe d'universitaires organise un colloque international sur l'utilisation des armes chimiques pendant cette guerre. Il en sort que l'Etat espagnol, au début du 20ème siècle fut le protagoniste d'une guerre d'agression contre la population rifaine sans distinction de son caractère militaire ou civil, utilisant systématiquement dès l'an 1921, comme vengeance à la suite du désastre d'Annoual, des armes non conventionnelles prohibées en vertu du Traité de La Haye ratifié en 1919 à Versailles. De surcroît, en 1925, en pleine offensive militaire avec armement chimique, l'Espagne, qui avait souscrit aux accords de Versailles, adhéra au Protocole de Genève sur la prohibition des armes chimiques et bactériologiques. Ces dernières années, des études espagnoles dédiées à la recherche historique, comme celles de Juan Pando, Maria Rosa De Madariaga, Carlos Lazaro et Angel Vinas, en utilisant les sources documentaires des archives militaires espagnoles, ont confirmé l'emploi de ces armes par l'armée espagnole dans le nord du Maroc, durant la période comprise entre 1921 et 1927, dans le but d'en finir avec le mouvement indépendantiste rifain mené par Abdelkrim Khattabi.


Le précédent allemand

Les conclusions de ces études avaient déjà été avancées par les chercheurs allemands Rudibert Kunz et Rolf-Dieter Müller dans leur œuvre « Gaz toxique contre Abdelkrim. L'Allemagne, l'Espagne et la guerre du gaz dans le Maroc Espagnol », édité à Fribourg en 1990. C'est dans ce contexte que le groupe parlementaire « Esquerra Republicana », à l'initiative du député Joan Tarda I Coma et de la députée Rosa Maria Bonas I Pahissa, a mis en avant ladite proposition de loi. En clair, les députés demandent au gouvernement espagnol de reconnaître la responsabilité de l'Etat pour les actions militaires menées par l'armée contre la population civile du Rif sur ordre de son autorité suprême, le roi Alfonso XIII, durant les années 1921-1927. Ils proposent également d'engager l'organisation et la célébration d'actes de réconciliation, de fraternité et de solidarité avec les victimes, leurs descendants et l'ensemble des rifains, comme forme d'expression de la demande de pardon par l'Etat espagnol. Autre requête : faciliter le travail de recherche des historiens et de tous ceux qui s'intéressent à l'approfondissement de la connaissance des faits historiques au moyen de la consultation des archives militaires. Dans le même registre, la proposition de loi appelle à la révision des annotations, références et chapitres relatifs aux campagnes militaires menées à terme par l'armée espagnole contenus dans les musées, monuments, casernes militaires, livres, manuels militaires, qui occultent l'usage d'armes chimiques ou tronquent la vérité historique. De plus, elle demande une contribution, dans le cadre de la coopération hispano-marocaine à la réparation des dommages collectifs et à la compensation de la dette historique à travers la réactivation et la multiplication de plans de coopération économique et sociale dirigés vers l'ensemble du territoire du Rif, et spécialement aux provinces de Nador et d'Al-Hoceima. Finalement, les députés Catalans souhaitent doter les hôpitaux du Rif, et spécialement ceux des provinces de Nador et d'Al-Hoceima, d'unités sanitaires spécialisées dans le traitement oncologique qui contribue à minorer les hauts pourcentages de maladies cancérigènes. Bref, un projet de loi ambitieux à même de rétablir une regrettable vérité historique.

Source : Le Journal Hebdo

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com