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« Omar m'a torturé »

Omar Hadrami est rattrapé par son passé. D'anciens détenus marocains dans les camps du Polisario affirment avoir été suppliciés par l'actuel wali de Settat. Ils veulent le poursuivre en justice.


« Omar Hadrami m'a sauvagement torturé et je suis décidé à porter plainte contre lui. Et en aucun cas, je ne lui pardonnerai ce qu'il m'a fait endurer », nous affirme Noureddine Ratmi décidé, un ancien prisonnier militaire marocain à Tindouf, libéré en septembre 2003.

En effet, cet ancien rescapé décrit un épisode de son calvaire dans les camps de Lahmada, les yeux baissés : « En juillet 1987, pour avoir essayé de voler un paquet de cigarettes de sa voiture, Omar Hadrami m'a torturé pendant 15 jours. 15 jours où il m'a fait subir les plus abominables des supplices. Les mains et les pieds ligotés par un fil de fer, il s'amusait, chaque matin, à introduire ma tête dans un bassin plein d'urine, jusqu'à l'asphyxie. Le goût de sa pisse me reste encore dans la gorge », nous confie, Noureddine, visiblement toujours sous le choc de cette persécution.


« ce sera la même chose au Maroc »

Noureddine dit se souvenir du visage, de la voix et encore des mots que lui a lancés, alors, l'ancien directeur des centres de sécurité à Tindouf « Tout en m'humiliant, Hadrami me répétait à chaque fois cette phrase : " je vais te faire la même chose, ici et au Maroc", je n'ai pas encore saisi le sens de ces propos ». En fait, Noureddine Ratmi, comme d'ailleurs Abdeslam Roubal, Souibeh, accusent nominalement Omar Hadrami. Ces trois anciens prisonniers veulent aussi comprendre comment des personnes comme lui ont été reçues au Maroc en héros, comment ils ont pu bénéficier de toutes les largesses matérielles et morales, comment ils continuent à jouir de postes de responsabilité dans le Maroc de la nouvelle ère. "« C'est le comble de l'impunité et de l'humiliation. Je n'en crois pas mes yeux. Comment un type qui m'a meurtri dans ma chair et mon âme soit libre de ses gestes et porte de surcroît le titre de « wali »…. J'en suis consterné », s'emporte Noureddine.

En fait, Nourerddine, Abdeslam et Houssein ont du mal à croire que leurs tortionnaires d'hier soient leurs « dirigeants » d'aujourd'hui. « Nous, qui avons payé un prix cher à la patrie, nous sommes aujourd'hui remisés aux oubliettes après avoir subi les pires exactions. Mais je vais défendre jusqu'au bout ma dignité et réhabiliter mon honneur bafoué par un traître qui était à la solde des Algériens », jure Nourreddine, les larmes aux yeux. « Je ne connais pas ces messieurs. Et je n'ai jamais torturé personne. Tous les officiers marocains qui étaient détenus à Tindouf vous affirmeront cela », se défend, très embarrassé, Omar Hadrami. L'actuel wali de Settat soutient qu'il n était pas un bourreau ou un mercenaire mais plutôt un militant qui défendait à un moment donné une cause à laquelle il croyait. Il affirme que des officiers algériens auraient endoctriné ceux qui l'accusent aujourd'hui. « Au contraire, j'ai fait 7 mois de prison individuelle parce qu'on m'a accusé de conspiration avec les détenus marocains. Même en étant de l'autre camp, j'avais de fortes amitiés avec la plupart des prisonniers, notamment les officiers. Je jouais souvent avec eux au foot et j'ai même obtenu qu'ils regardent les matchs de l'équipe du Maroc lors de la coupe du Monde de football, Mexico 1986. Je pense que ces anciens détenus ont un problème de mémoire. Je suis sûr qu'ils se trompent d'homme », se défend Hadrami.

Noureddine Ratmi rejette catégoriquement les démentis de Hadrami. Il persiste et signe : « C'est bel et bien Omar Hadrami qui m'a torturé. Ma mémoire est encore bonne, Dieu merci. Elle est malheureusement encore habitée par son visage, sa voix et le goût de son urine ». Noureddine soutient aussi qu'il a vu Hadrami, en guise de châtiment, traîner derrière sa voiture, les mains liées, ses amis Omar, Salah et Bibi, tous les trois disparus à Tindouf. Avec ces témoignages accablants, le scandale humanitaire des prisonniers marocains libérés de Tindouf pourrait très probablement prendre une tournure judiciaire et sortir ainsi du cadre politique du conflit.


D'autres anciens dirigeants seront poursuivis

L'association des fils de martyrs et prisonniers du Sahara affirme vouloir incessamment porter plainte contre tous les tortionnaires des prisonniers marocains, auprès de la Cour internationale Pénale à Rome (lire interview de son secrétaire général, pages 30-31). L'association des fils de martyrs et prisonniers du Sahara a dressé une liste de tous les tortionnaires aussi bien appartenant au Polisario que les Algériens. Ainsi, parmi les anciens dirigeants du Polisario qui sont rentrés au Maroc, l'association compte poursuivre en justice, en plus d'Omar Hadrami, Ibrahim Salem, Haddou Nafiae, Lahbib Ayoub, Ibrahim Hakim.

Elle a recueilli des témoignages de plus de 250 ex-détenus attestant qu'ils ont effectivement été torturés à Tindouf. Dans sa plainte, l'association va s'appuyer également sur le rapport de la fondation France-Libertés, publié en Juillet 2003. Ce rapport d'enquête, extrêmement détaillé, sur le sort de ces prisonniers revient sur « les exécutions sommaires », « le travail forcé » et « les tortures », infligés par les anciens et les actuels dirigeants du Polisario à ces prisonniers. Il rappelle aussi qu'à l'état de délabrement physique et psychologique avancé des prisonniers répond « la totale impunité » de leurs tortionnaires. Renforcée par les témoignages des rescapés eux mêmes,confirmée par les observations des ONG, l'accusation de « crime contre l'humanité » perpétrée par les tortionnaires du Polisario semblent reposer sur des bases solides.

« Une enquête internationale et un procès à Rome sur ce sujet va révéler beaucoup de vérités surprenantes que personne ne soupçonne aujourd'hui », met en garde Hadrami. Qui menace-il par ces propos ? Détient-il des secrets qui risque d'indisposer le régime marocain ? En tous les cas, ses mises en garde ne semblent nullement dissuader Noureddine Ratmi, plus que jamais décidé à aller jusqu'au bout. « Vous savez, ce que j'ai vécu pendant 2 ans à Jbel Lekhal, à la frontière entre l'Algérie et le Mali, est inhumain. J'étais devenu comme un animal. Deux ans sous le joug de la torture et de l'exclavagisme. C'est avec nous que la patrie doit être "clémente, miséricordieuse" ».

Source: Le Journal Hebdo

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