Menu

USFP : El-Yazghi malgré tout

Même s'il est loin de faire l'unanimité au sein de l'Union socialiste des forces populaires, le premier secrétaire a été reconduit sans difficulté dans ses fonctions le 18 juin, à l'issue du congrès du parti. Il était le seul candidat...

Pour la première fois depuis que l'Union nationale des forces populaires s'est transformée en Union socialiste des forces populaires (USFP), en 1975, les portraits de ses figures historiques (Mehdi Ben Barka, Omar Bengelloun, Abderrahim Bouabid...) n'ont pas été affichés en arrière-plan de la tribune. Lors de l'ouverture du VIIe congrès du parti, qui s'est déroulé du 10 au 12 juin 2005 à Bouznika, une station balnéaire à 40 kilomètres de Rabat, ils ont été remplacés par le seul portrait du roi Mohammed VI.
Sous une tente immense, dressée pour la circonstance au complexe Moulay-Rachid, le congrès s'est ouvert le 10 en fin d'après-midi par l'intervention de Mohamed el- Yazghi, premier secrétaire de l'USFP et ministre de l'Aménagement du territoire. Parmi les invités, Sâad Eddine Othmani, secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste, représenté au Parlement). Une présence politiquement très symbolique, car, au lendemain des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, El-Yazghi avait exigé, au cours d'une émission télévisée, que ce parti présente des excuses au peuple marocain.

Deux ans plus tard, la présence du leader du PJD a été perçue comme une « victoire » de l'islamisme « participatif » contre ceux qu'on appelle les « éradicateurs », représentés essentiellement par le courant El-Yazghi. Mais la formation islamiste reste, sur le plan électoral, un redoutable concurrent de l'USFP. Comme le parti socialiste, le PJD recrute son électorat parmi la classe moyenne citadine. Chaque fois que l'occasion se présente, El-Yazghi n'hésite pas à lui dénier tout monopole du thème religieux : « La Commanderie des croyants, qui est le référentiel religieux au Maroc, garantit la stabilité du pays et son originalité, puisqu'elle unit la religion et l'État et sépare en même temps la religion de la politique », a-t-il affirmé lors de son intervention.

À l'égard de la monarchie, Mohamed el-Yazghi projette la position de son parti dans la période qui suivra les législatives de 2007 : « La logique du consensus et de l'accord était nécessaire pour tourner la page du passé et construire une base nouvelle... Il n'est plus acceptable ni productif que nous restions prisonniers d'une transition permanente, ni que notre pays soit soumis à l'expérimentation perpétuelle. »

Concernant la réforme constitutionnelle, le point de vue de l'USFP n'a pas changé : « Les réformes constitutionnelles, politiques et organisationnelles concernent principalement l'institution du Premier ministre, la formation du gouvernement, les affectations aux postes supérieurs civils, ainsi que la deuxième Chambre du Parlement... » Rien de plus.

Un incident s'est produit au moment où El-Yazghi s'apprêtait à conclure sa communication. Un des fondateurs du parti et ancien membre du bureau politique, Mohamed Lahbabi, s'est levé et, désignant Mohamed el-Yazghi, s'est adressé à l'assistance en ces termes : « Comment pouvez-vous écouter l'homme qui a mené le parti à la catastrophe ? Où est la jeunesse du parti, où sont ses intellectuels ? »... Saisi aussitôt par le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaa, le vieux militant a été conduit en dehors de la tente.

L'absence de l'ancien Premier ministre Abderrahmane Youssoufi a par ailleurs fait l'objet de diverses interprétations. Cette figure emblématique de l'USFP ayant annoncé son retrait définitif de la vie politique, certains y ont vu une indifférence à l'égard de tout ce qui se passe désormais au sein du parti. D'autres, en revanche, ont perçu cette absence comme un signe de défiance à l'égard de « l'adversaire de toujours », El-Yazghi.

L'élection du conseil national (CN) était une phase préalable, mais cruciale. Composé de 150 membres élus par plus de 2 500 congressistes, le CN élit le bureau politique qui, à son tour, désigne le premier secrétaire. Mohamed el-Yazghi était le seul candidat à ce poste, car l'accession d'Abdelouahed Radi à la présidence de la Chambre des représentants avait écarté ce rival potentiel. L'objectif de ce dernier ne pouvait être que l'affaiblissement du courant El-Yazghi au sein du parti.

Objectif atteint : dans la liste des nouveaux membres du CN, El-Yazghi a été classé au 12e rang, et tous ses proches ont subi des revers politiques marquants. Ainsi, Driss Lachguer, membre du bureau politique sortant, président du groupe parlementaire et proche d'El-Yazghi, s'est contenté de la 36e place, alors que l'actuel directeur de cabinet du ministre de l'Aménagement, Mohamed Benabdelkader, n'a même pas été élu.

L'élection du CN a pris plus de deux jours, les opérations de dépouillement ayant été conduites de façon très minutieuse. Celle du bureau politique, elle, n'a eu lieu que le samedi 18 juin. Elle s'est déroulée dans des circonstances particulières. Selon un membre du bureau politique désireux de garder l'anonymat, « Fathallah Oualalou [le ministre des Finances] a contacté tous les membres du BP, dont moi-même, vendredi en fin d'après-midi. Il nous a invités chez lui. Deux personnes étaient absentes : Larbi Ajjoul et Khalid Alioua. Nous avons pu dégager un consensus de manière à ce que les membres actuels du BP qui se sont portés candidats restent en place, et que les autres [Badia Skalli, Mohamed Bouzoubaa et Mohamed Karam] soient remplacés. »

Le lendemain, le CN reconduisait effectivement tous les membres de l'ancien bureau politique qui étaient candidats. Mohamed el-Gahs, ministre de la Jeunesse et ancien « protégé » d'El-Yazghi, ainsi que Mohamed Boubekri (proche d'El-Yazghi) faisaient leur entrée au bureau. Le même jour, les membres du nouveau BP élisaient le premier secrétaire de l'USFP. Un certain Mohamed el-Yazghi.

Omar Brouksy
Source : Jeune Afrique

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com