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Sarkozy empiète sur les plates-bandes de Le Pen


En attaquant le système judiciaire, le ministre français de l'Intérieur est allé trop loin

Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont rappelé à l'ordre Nicolas Sarkozy en mettant l'accent sur le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs et le respect de l'indépendance de la justice. Cette réaction du Président de la République et de son premier ministre fait suite au tollé dans le monde judiciaire suscité par les déclarations fracassantes de Sarkozy à l'adresse des magistrats responsables de la libération conditionnelle d'un récidiviste présumé.

Et de Villepin de préciser que "Comme dans tout Etat de droit, les magistrats ont vocation à appliquer la loi. C'est ce qu'ils ont fait (...) Dans l'affaire de l'assassinat de Mme Crémel, c'est un collège de magistrats qui a été amené à se prononcer, il l'a fait sur la base de la loi avec des avis d'experts. La responsabilité de ces magistrats n'est pas en cause".
La technique est vieille comme le monde chez les politiciens soucieux de se gagner des voix dans l'électorat conservateur: s'en prendre au système judiciaire, quand, par malheur plus que par erreur, il ne parvient pas à empêcher un condamné de commettre un forfait atroce.

Aux Etats-Unis, on se rappelle l'usage qu'avait fait George Bush père, dans sa campagne électorale de 1988, d'une permission de sortie, qui se révéla meurtrière, accordée à un détenu par son adversaire démocrate Michael Dukakis.
En réclamant des sanctions pour le juge qui a remis en liberté, en toute légalité, l'assassin présumé de Nelly Crémel, tuée au début du mois en Seine-et-Marne, Nicolas Sarkozy se place clairement du côté du populisme. Rognant sur les terres traditionnelles de l'extrême droite.

C'est sur son prétendu «parler vrai», sur sa langue simple, parfois crue et son mépris du «politiquement correct» que le ministre a bâti une partie de son succès dans l'opinion publique. Sur le fond, Nicolas Sarkozy opère toutefois un net virage à droite. Sa fonction de chef de l'UMP explique en partie ce tournant.
Pour gagner le parti, avant de s'attaquer à l'Elysée, il multiplie les phrases qui font mouche du côté de l'électorat conservateur. Avec un certain impact, assurent ses conseillers.

Du côté des syndicats de magistrats : émotion et indignation.
Toutefois, le Premier ministre français a pris soin de ne pas donner complètement tort au ministre de l'Intérieur, qui avait suscité une première polémique en début de semaine en affirmant vouloir "nettoyer au Karcher" la cité des 4000 à La Courneuve, où un enfant de onze ans a été tué par balles la semaine dernière .
En déplacement vendredi dans une école de police de Seine-et-Marne, le ministre de l'Intérieur a souligné qu'une démocratie ne pouvait vivre "la peur au ventre" et que les Français attendaient des "résultats" dans la lutte contre l'insécurité.

En effet, deux jours après sa nomination au début du mois de juin, Nicolas Sarkozy s'en va à Perpignan à la suite des violences entre communautés maghrébines et tziganes qui ont provoqué la mort d'un Franco-Algérien. Et là devant tout le monde, il explique que « son travail, c'est de débarrasser la France des voyous et annonce la réapparition de la tolérance zéro. »
Il faut dire que toutes ses sorties sont motivées par plusieurs atouts. Le premier étant que Sarkozy contrôle l'appareil de l'UMP donc sa force de frappe électorale et qu'il est décidé à faire désigner le candidat à l'élection présidentielle par des militants qui lui sont dévoués.

Sous sa casquette de l'UMP, il peut prendre ses distances avec la politiques sociale préconisée par Chirac et suivie par le premier ministre. Il ne s'en prive pas. Il annonce la fin du modèle social français pour cause de décrépitude et lorgne du côté du social-libéralisme à la Tony Blair. Et semble se désintéresser de l'échec probable du énième plan pour l'emploi lancé par Dominique de Villepin.
Nicolas Sarkozy se souvient des 19% de suffrages de Jacques Chirac au premier tour des présidentielles de 2002. Il se souvient aussi des 4,5 millions de voix de Jean-Marie Le Pen. Et il sait qu'une partie des électeurs du centre droit se porteront en 2007 sur François Bayrou, qui est lui aussi candidat déclaré.

Il applique la méthode – et le verbe, quoique de manière moins truculente – de celui qui l'a porté, avec Jacques Chirac, sur les fonts baptismaux de la politique, Charles Pasqua. Ce dernier a toujours proclamé que la droite devait faire revenir les électeurs de l'extrême droite dans son giron.

Voici donc un ministre président de parti moins soucieux des succès du gouvernement que d'une campagne commencée tambour battant à 21 mois du scrutin. Nicolas Sarkozy a déjà plusieurs coups d'avance sur ses adversaires.
Des coups payés par le budget du ministère. Et qui ne seront pas décomptés sur les frais de la future campagne financée par l'Etat. Rien ne pourra l'arrêter. Sauf les électeurs, bien sûr.

Mustapha Moulay
Source: LE MATIN

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