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Espagne - Régularisation des sans-papiers... ou des patrons?

Samedi 7 mai s'achevait en Espagne l'opération de dépôt des dossiers de régularisation des travailleurs immigrés, lancée il y a trois mois par le gouvernement que préside le socialiste Zapatero. Selon son ministre du Travail, quelque 700000 sans-papiers devraient être régularisés, à peu près autant que les immigrés régularisés en Espagne en quinze ans.

Avec les lois en faveur des femmes battues ou le mariage des homosexuels, cette régularisation fait partie des gestes que le gouvernement Zapatero met en avant pour apparaître différent de son prédécesseur de droite, Aznar, et présenter à l'électorat de gauche le profil d'un homme de dialogue et de progrès. Mais cette régularisation est, tout autant que celle des travailleurs immigrés qui vont en bénéficier, celle des patrons qui les employaient jusque-là de façon illégale.

Selon la procédure prévue, le travailleur concerné devait en effet présenter un contrat de travail de six mois, un casier judiciaire vierge, un certificat de domicile et une preuve de présence en Espagne avant le mois d'août 2004. Ces documents n'étaient pas si évidents à réunir, puisqu'ils dépendaient de la bonne volonté de différentes personnes: les autorités du pays d'origine, l'employeur, la municipalité de leur résidence.

Il y avait donc bien des difficultés légales à franchir. Certaines municipalités, sensibles aux arguments du parti de droite d'Aznar, qui dénonçait cette mesure en y voyant une invitation aux immigrés à venir en Espagne, n'ont pas joué le jeu pour les certificats de résidence.

L'accord de l'employeur n'était pas non plus évident. Les porte-parole du patronat étaient favorables, mais pas certains patrons individuels. On avait dénombré, dans les quinze premiers jours de l'opération, 58000 licenciements de travailleurs sans papiers parallèlement à 48000 candidatures à la régularisation.

La moitié des bénéficiaires de celle-ci sont des ressortissants d'Amérique latine, chassés par la dégradation économique et sociale du continent sud-américain ces dernières années, notamment des Equatoriens et des Colombiens. On trouve ensuite des Roumains (16% environ) et des Marocains (près de 10%).

Le ministre du Travail s'est félicité de cette opération en expliquant qu'il ne resterait en dehors de celle-ci que cent mille sans-papiers. Mais il en ne prend en compte que la prévision du gouvernement, qui est de 800000 sans-papiers régularisables, et passe ainsi sous silence le fait qu'il reste un million de sans-papiers non régularisés car ils ne rentraient pas dans le cadre juridique prévu.

Cette régularisation massive est évidemment bienvenue pour ceux qui vont en bénéficier, il reste le problème de tous ceux qui en sont écartés. Le gouvernement, qui a refusé de prolonger les délais, affirme qu'il n'y aura plus de telle opération. Les non-régularisés seront encore donc plus marginalisés et privés de recours.

La majorité des travailleurs restés sans papiers continuera donc de subir la même exploitation forcenée. Ce sera le cas, par exemple, de nombreux ouvriers agricoles, d'Andalousie et d'ailleurs, ou bien du personnel de maison, des ouvriers du bâtiment et des employés de l'hôtellerie-restauration. Même si ces catégories sont celles où l'on compte le plus de travailleurs régularisés, ce sont aussi celles où on continuera à rencontrer de très nombreux travailleurs en situation irrégulière, car les employeurs de ces secteurs continueront à recourir sans vergogne à ces pratiques pour tirer vers le bas les conditions d'exploitation de la main-d'oeuvre. Des pratiques révoltantes qui n'ont pas seulement cours en Espagne.

Jacques FONTENOY
Source: Lutte Ouvrière

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