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Lutte contre la corruption : Le gouvernement s’en mêle

La corruption touche des pans entiers de l’économie et mine de nombreux secteurs. Des associations dénoncent, de plus en plus fort, cette gangrène qui ronge la société. Face aux tollés provoqués par des ONG, comme Transparency international, le gouvernement a donné jusqu’ici le sentiment de l’immobilisme vis-à-vis de ce fléau.

Aujourd’hui, il cherche à organiser la riposte. Le Premier ministre en personne a décidé de passer à l’offensive. En effet, Driss Jettou a réuni hier 19 avril plusieurs de ses ministres, particulièrement les départements concernés par la lutte contre la corruption: la Justice, l’Intérieur, la Modernisation des secteurs publics, l’Education nationale, l’Equipement et le Transport, les Finances, la Santé et la Communication. L’objectif est d’établir un plan d’action pour lutter contre ces pratiques condamnables, devenues monnaie courante dans la vie de tous les jours. Chacun des ministres a donné son avis. Ils doivent tous se revoir prochainement pour étudier, amender et valider la dernière mouture de la stratégie. Selon une source proche du dossier, le gouvernement est déterminé cette fois-ci à s’attaquer sérieusement à ce fléau.
Ce n’est pas facile surtout que le problème a été banalisé depuis longtemps avec une absence d’action du gouvernement à l’exception de sorties médiatiques routinières pour sensibiliser les enfants à l’école. A part la déclaration de patrimoine, restée sans effet, et des annonces de moralisation de la vie publique sous le gouvernement d’alternance, rien de concret n’a été entrepris.

Aujourd’hui, la stratégie du gouvernement se base sur la convention des Nations unies de lutte contre la corruption, signée par le Maroc en 2003 et adoptée par l’avant-dernier conseil de gouvernement. Elle sera présentée dans un prochain conseil des ministres avant sa ratification par le Parlement. Ce document comporte une batterie de mesures concrètes et opérationnelles qui vont de la prévention à l’incrimination en passant par la coopération internationale. Le gouvernement compte créer un organe de prévention, de suivi et de lutte contre la corruption. Cette structure jouira de l’indépendance nécessaire pour lui permettre d’exercer efficacement ses fonctions à l’abri de toute influence indue. Le gouvernement mettra à sa disposition les ressources matérielles, le personnel spécialisé et la formation nécessaire. C’est cet organe qui mettra en application les politiques de prévention et de lutte contre la corruption.
Incontestablement, le traitement de ce dossier n’est pas facile. Et pour cause: la corruption agit dans le noir et l’opacité. D’où la difficulté d’apporter les preuves. Mais une chose est sûre et les ministres l’ont reconnue lors de leur réunion: il y a des secteurs qui sont plus touchés que d’autres comme la justice, le transport et les différents contrôles dans le secteur, la santé et les «corps sensibles et exposés», pour reprendre l’expression d’une source proche du dossier. Il est impératif donc de trouver des réponses efficaces et pragmatiques dont celle qui consiste à ne pas poursuivre celui qui dénonce la corruption contrairement au texte en vigueur où le corrupteur et le corrompu encourent la même peine. Outre les dénonciations, il est question de créer un numéro vert pour recevoir les plaintes des citoyens ayant fait l’objet de pression pour verser des pots-de-vin.

La sensibilisation est également dans le pipe. Pour cela, le gouvernement compte augmenter la diffusion des connaissances relatives à la prévention de la corruption. Cette disposition est nécessaire mais insuffisante. Il est impératif d’aller plus loin en actionnant la justice pour prendre les sanctions qui s’imposent. Le gouvernement ne compte pas se limiter au traitement des symptômes mais agir aussi sur les causes de certaines formes de la petite corruption. Pour éviter au citoyen de mettre la main à la poche pour s’épargner les tracasseries administratives, la complexité des procédures administratives, la multiplicité des documents… doivent être simplifiées. La grosse corruption ne sera pas épargnée, particulièrement celle qui se nourrit des marchés publics.
Cependant, pour être efficace, il est vital de mettre en place un système d’évaluation périodique des instruments juridiques et des mesures administratives en vue de rectifier le tir s’ils s’avèrent inadéquats dans la pratique.

L’idée-phare d’une politique de prévention et de lutte contre la corruption sera de favoriser la participation de la société dans ce combat pour la bonne gestion des affaires publiques et la transparence.

Il est donc possible de combattre la corruption par un arsenal juridique de ce type. Mais il faut aussi une dose de courage et surtout la volonté politique pour sévir contre ces pratiques souterraines qui polluent l’environnement de l’investissement et sapent les institutions et les valeurs démocratiques.

Reste à savoir si le plan d’action, dont les dispositions concrètes ne sont pas encore détaillées, débouchera sur des garde-fous réellement dissuasifs. Seul un changement radical des mentalités et des pratiques de l’Administration est de nature à garantir que les valeurs de la citoyenneté prévalent dans le rapport avec les services de l’Etat. En attendant que la démocratie s’impose dans ces rapports, il faut espérer que cette stratégie dépasse la simple volonté de mise en conformité de la législation nationale avec les normes internationales en la matière.


Recouvrement de fonds

L’un des points saillants de la convention des Nations unies est le recouvrement d’avoirs. Ainsi, dans les pays en développement, la corruption à un niveau élevé constitue un pillage du patrimoine national. Pour remédier à cela, des mesures prises dans la convention portent sur la prévention et la détection de transferts internationaux d’avoirs illicitement acquis et le recouvrement de biens.


Coopération internationale

La coopération peut jouer entre les pays pour ce qui est des enquêtes et des poursuites pénales. Ils sont tenus de s’accorder une entraide judiciaire aux fins notamment de recueillir et transmettre des témoignages et d’extrader l’auteur de l’infraction. Ils doivent aussi prendre des mesures pour aider à localiser, geler, saisir et confisquer le produit de la corruption.

Mohamed CHAOUI
Source : L'Economiste

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