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France: Amnesty critique le traitement des violences policières

Amnesty International dresse un réquisitoire contre les autorités françaises, qui accorderaient une "impunité de fait" aux forces de police. Dans un rapport qu'elle devait présenter mercredi 6 avril, l'organisation de défense des droits de l'homme tire un bilan très critique du traitement disciplinaire et judiciaire des violences policières, trop rarement et trop faiblement sanctionnées, selon elle. Amnesty s'est concentrée sur une quinzaine de cas très graves, survenus entre 1991 et 2005.


"Ces dernières années, l'usage imprudent d'armes à feu entraînant la mort est heureusement devenu moins fréquent dans les rangs de la police et de la gendarmerie, indique le rapport. Cependant le nombre de plaintes pour mauvais traitements de la part des policiers, dont le point de départ est souvent un contrôle d'identité qui s'est terminé violemment, a au contraire augmenté."

En 2004, les violences policières illégitimes alléguées dont a été saisie la "police des polices" ­ l'inspection générale de la police nationale (IGPN) ou l'inspection générale des services (IGS) ­ ont augmenté de 18,5 %. Il s'agit de la septième année de hausse consécutive (Le Monde du 10 mars).

Selon Amnesty, le phénomène s'explique, en partie, par la position du ministère de l'intérieur sur la "reconquête" de certaines banlieues qui seraient devenues des "zones de non-droit". Un discours pris au pied de la lettre par les policiers, qui "se considèrent comme une force engagée dans un conflit contre un ennemi", assure l'organisation.


RECOURS À LA FORCE


Amnesty critique l'utilisation abusive des principes de "légitime défense" et d'"état de nécessité" pour justifier le recours à la force. Le 25 février, le ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin, avait déjà appelé les forces de l'ordre à "proportionner l'usage du recours à la force". Pour empêcher les mauvais traitements en garde à vue, l'organisation souhaiterait notamment qu'un avocat soit présent dès le début des interrogatoires, et que ceux-ci soient tous filmés. Elle regrette que la consultation d'un médecin ne soit pas systématique. Amnesty voudrait que les victimes puissent directement saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), sans passer par un parlementaire, comme c'est le cas aujourd'hui.

Surtout, l'association réclame la création d'un organisme indépendant, qui "devrait à terme remplacer" les instances disciplinaires internes. Tout mauvais traitement, acte de torture ou de cruauté ferait l'objet d'une investigation.

Enfin, Amnesty s'interroge sur le traitement judiciaire des plaintes à la suite de violences policières alléguées : les représentants du parquet joueraient trop souvent "le rôle d'avocats de la défense". La durée excessive des informations judiciaires et la faiblesse des peines prononcées, même lorsque les violences ont été formellement établies, contribuent "à cette situation d'impunité de fait".

Amnesty demande à la chancellerie de donner des instructions pour raccourcir les délais de traitement, citant le cas d'un lycéen de 18 ans, Aïssa Ihich, mort d'une crise d'asthme en mai 1991 au commissariat de Mantes-la-Jolie (Yvelines) après avoir été frappé à terre par des policiers. L'affaire a été jugée dix ans plus tard.

Piotr Smolar
Source: Le Monde

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