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La France et le Maroc en guerre contre la drogue

Dominique de Villepin en visite de travail à Fès pour renforcer la coopération entre les deux pays en matière de lutte contre les trafiquants.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En 2003, quelque 78 tonnes de résine de cannabis ont été saisies en France, dont 63 tonnes, soit 82%, provenaient du Maroc. Une simple goutte d'eau dans les quelque 3 000 tonnes de résine produites annuellement dans le royaume.

Cette réalité a été au coeur de la visite de travail effectuée à Fès, lundi et mardi par le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, qui souhaitait se féliciter de la coopération dans le domaine de la lutte antiterroriste et souligner le chemin à parcourir dans le domaine du trafic de stupéfiants et de l'immigration clandestine. Le Français était venu en force avec la présence du directeur général de la police nationale, Michel Gaudin, du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, Stéphane Fratacci, et du directeur de la surveillance du territoire, Pierre de Bousquet de Florian. Côté marocain, le ministre Mostapha Sahel était accompagné d'Hamidou Laânigri, directeur général de la sûreté nationale (DGSN, équivalent de la DGPN), et du directeur de la DGST (équivalent de la DST), Ahmed Harari.


Au-delà des formules diplomatiques, le souffle des attentats de Casablanca en 2003 et de Madrid en mars dernier a visiblement marqué la rencontre. Français et Marocains ont notamment insisté sur une réalité : longtemps contrôlées par des organisations distinctes, les filières de terroristes, celles de trafiquants de drogue et celles des trafiquants de chair humaine se fondent de plus en plus. Pour le ministre de l'Intérieur marocain, le trafic de drogue «finance le terrorisme» et menace ainsi la sécurité du pays. «Nous savons en effet que les terroristes se financent en partie par le trafic de drogue, confirme un officiel français, et les djihadistes recherchés emploient, eux, les filières d'immigration clandestine pour entrer en Europe.»

Ce constat une fois dressé, un écueil menaçait toujours la réunion. Sans que nul n'en souffle mot, Français et Marocains étaient conscients de deux réalités : la culture du cannabis fait vivre aujourd'hui, outre les trafiquants et intermédiaires corrompus, de nombreux paysans. Son éradication brutale risquerait fort de devenir un facteur de déstabilisation. Autre vérité : la lutte contre l'immigration clandestine, et notamment contre l'immigration de transit qui voit des populations subsahariennes passer par le Maroc vers l'Europe, demande des moyens énormes et suppose un réel soutien de l'Union européenne.

Visiblement conscients de ces pesanteurs, Dominique de Villepin et Mostapha Sahel ont décidé de privilégier les avancées pragmatiques, accompagnées d'un calendrier serré. Pour mieux lutter contre le trafic de cannabis, mais aussi contre celui de la cocaïne qui, débarquée en Afrique noire, remonte parfois vers l'Europe via le Maroc, les deux pays vont procéder à l'échange d'officiers de liaison spécialistes de la lutte contre les stupéfiants. Le policier français de l'OCRTRIS sera installé à Tanger. Par ailleurs, 167 Français ou Franco-Marocains détenus au Maroc pour trafic de stupéfiants vont être interrogés par des policiers français pour tenter de retrouver des filières d'approvisionnement. Le général Laânigri dénonce «les réseaux de trafiquants et de blanchiment d'argent» comme l'adversaire principal. Un adversaire souvent installé en Espagne, notamment à Malaga, ou en France, sur la Côte d'Azur. A terme, Madrid devrait rejoindre Rabat et Paris dans un projet de plate-forme antidrogue méditerranéenne. Même démarche en matière d'immigration clandestine avec l'échange de policiers et l'engagement que la France se fera l'avocat du Maroc auprès de l'Union européenne pour obtenir les fonds et les techniques nécessaires à une meilleure surveillance des frontières. Dès la première quinzaine d'octobre, deux réunions bilatérales réuniront des experts dans ces deux domaines. Seul bémol de la réunion : prévue depuis 2002, une législation antiblanchiment n'a toujours pas été adoptée deux ans plus tard. La délégation marocaine a toutefois assuré qu'elle ne devrait pas tarder à l'être.

Jean Chichizola
Source : Le Figaro

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