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Entretien avec l’ambassadeur du Maroc au Sénégal à l'occasion de la visite royale

A l’occasion de la visite officielle de sa Majesté Mohamed VI à partir de mardi prochain, l’ambassadeur du Maroc au Sénégal a bien voulu accorder un entretien au journal Le Quotidien. Son Excellence Moha Ouali Tagma a passé en revue l’état de la coopération maroco-sénégalaise, tant au plan économique que diplomatique. Quelques sujets brûlants comme la récente brouille diplomatique intervenue entre Rabat et Abidjan ont été évoqués dans cet entretien.

Sa Majesté Mohamed VI sera l’hôte du Sénégal dans quelques jours. Pouvez-vous revenir sur les raisons d’une telle visite ?
C’est une visite d’amitié et de travail que Sa majesté Mouhamed VI rend à son grand ami et frère, son Excellence Me Abdoulaye Wade et au peuple sénégalais. Cette visite se situe dans le cadre normal des consultations régulières entre sa Majesté le roi et le président Wade. Les deux chefs d’Etat auront l’occasion de passer en revue l’état des relations entre les deux pays qui, au plan politique, sont plus qu’excellentes. C’est aussi un signal fort qui est donné aux partenaires du secteur privé pour concrétiser les chantiers qui sont déjà ouverts. Sa Majesté le roi et le Président Wade vont aussi s’entretenir des problèmes du Continent et de la sous-région. Car il y a une grande convergence de vue entre les deux diplomaties qui sont très actives sur la scène internationale. Les deux présidents ne manqueront pas d’échanger leurs points de vue sur la prochaine conférence sur le Dialogue islamo-chrétien qui aura lieu au Sénégal, ainsi que sur tous les sujets dont ils ont un intérêt commun.

Qu’est-ce qui vaut au Sénégal le privilège de recevoir Sa Majesté pour la troisième fois en aussi peu de temps ?
Tout simplement, je dirais le sentiment de fraternité et la sincèrité qui existent entre les deux peuples. Vous savez, les relations entre le Maroc et le Sénégal datent de plus de mille ans et on parle même d’une histoire d’amour entre les deux peuples. Les Marocains se sentent chez eux quand ils sont au Sénégal et cela est réciproque pour les Sénégalais qui se rendent au Maroc. Donc, j’estime qu’il est tout à fait normal que les deux chefs d’Etat se voient régulièrement et fréquemment.

On a remarqué que les Marocains sont devenus, ces dernières années, parmi les plus importants investisseurs étrangers privés au Sénégal, avec notamment la compagnie Air Sénégal International. Quels sont les autres axes forts de ce partenariat ?
C’est vrai, on assiste depuis quelque temps à un regain d’intérêt en ce qui concerne les investissements au Sénégal. La coopération Sud-Sud entre les deux pays, dont la compagnie Air Sénégal international est l’un des fleurons, témoigne de l’excellence de nos relations. Mais il y a aussi d’autres domaines de coopération envisagés. Le partenariat entre le Sénégal et le Maroc est une démonstration de ce que peuvent faire deux pays du Sud, malgré la modestie de leurs moyens. Cette coopération peut être plus importante en termes de qualité, comparativement aux partenaires du Nord. Ceci peut s’expliquer d’abord par la proximité culturelle. C’est à peu près le même niveau de développement, les mêmes réflexes et le même environnement. Je pense que la réussite d’Air Sénégal international va ouvrir la voie à d’autres types de coopération dans d’autres domaines pour le plus grand bénéfice des deux peuples. Notamment, dans le domaine des transports maritimes, des télécommunications ou dans le domaine agricole.

Concernant les domaines que vous venez de citer, comment le Maroc peut-il concrètement renforcer sa coopération avec le Sénégal ?
En ce qui concerne les transports maritimes, vous savez que les hommes d’affaires des deux pays appellent de leurs vœux, depuis un certain nombre d’années, l’ouverture d’une ligne de transport maritime ainsi qu’avec d’autres pays de la sous-région. Je pense que les deux gouvernements détiennent là, l’occasion de la création d’un armement mixte pour donner une nouvelle impulsion aux échanges économiques.

Mais avec l’annulation par le pouvoir sénégalais des travaux du groupe Chaabi qui voulait investir dans l’immobilier, cette coopération a connu quand même quelques ratés. Quelle appréciation faites-vous de ce problème ?
Il y avait au départ un projet de la part d’un privé marocain qui est le groupe Chaabi, très connu au Maroc. Son projet n’a pas pu aller à terme à cause certainement de problèmes liés au foncier. Je pense que ces investisseurs auront l’occasion de revenir au Sénégal pour un projet identique. Le gouvernement sénégalais, conscient du préjudice qu’a subi ce groupe ne manquera pas, j’en suis persuadé, de lui offrir une occasion de revenir au Sénégal pour qu’on puisse fermer cette parenthèse. Cet épisode n’a pas découragé les investisseurs privés marocains qui ont considéré cela comme une mésaventure qui peut d’ailleurs arriver sous toutes les latitudes. Vous savez, quand on entreprend un projet, la réussite n’est pas forcément inéluctable, mais ce n’est pas une raison pour que d’autres ne puissent pas réussir. D’ailleurs, tous les projets marocains en cours au Sénégal sont des projets postérieurs à l’épisode Chaabi. C’est la meilleure preuve que cela n’a pas découragé le partenariat privé entre les deux pays.

Est-ce qu’il est envisagé durant cette visite de parler de la communauté tidjane qui se sentirait un peu marginalisée par le nouveau pouvoir ?
Je n’ai pas le sentiment qu’il existe une différence de traitement entre telle ou telle communauté au Sénégal. Le Maroc entretient d’excellentes relations avec toutes les confréries présentes au Sénégal, et je rends visite à tous les khalifes généraux du pays. Je vais aussi bien à Touba qu’à Tivaoune pour assister aux différentes cérémonies religieuses. Pour vous donner un exemple, lorsque Serigne Mourtada Mbacké est décédé au Maroc, c’est Sa Majesté en personne qui a mis à la disposition du Sénégal un avion spécial pour le rapatriement de sa dépouille et j’ai personnellement assisté aux funérailles du Cheikh à Touba. Quant à nos relations avec la tidjaniya au Sénégal, elles datent de très longtemps et tout le monde sait la profondeur des liens qui nous unissent.

Sur un autre plan, la presse s’est faite l’écho d’une brouille diplomatique entre Rabat et Abidjan, avec le rappel de l’ambassadeur du Maroc en Côte d’Ivoire. Pouvez-vous nous dire ce qui s’est réellement passé ?
Ce que je sais, c’est que le ministère des Affaires étrangères du royaume du Maroc a publié un communiqué dans lequel il rappelait les faits. La constante est que nous avons reçu une délégation ivoirienne qui a demandé la médiation de Sa Majesté le roi Mohamed VI dans le cadre du processus de réconciliation en Côte-d’Ivoire. Nous avons fait état de cette demande de médiation qui a fait, à notre grande surprise, l’objet d’un démenti de la Présidence ivoirienne. Notre réaction a été, somme toute, logique et normale, pour rappeler au gouvernement ivoirien, les liens d’amitié qui existent entre les deux pays. Nous attendons des explications de la part des autorités ivoiriennes sur ce que je qualifierais de malentendu. Nous sommes de bonne foi. Nous avons reçu une délégation dans laquelle il y avait l’ambassadeur de Côte-d’Ivoire à Rabat, ce qui prouve que cette visite avait un caractère officiel. Mais pour une raison que nous ignorons, la Présidence de la République de Côte d’Ivoire a cru bon de se rétracter. Donc, c’est aux Ivoiriens d’apporter des explications et des éclaircissements.

Barka BA et Abdoulaye DIENE
Source : LeQuotidien.sn

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