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France : Brice Hortefeux sous le feu des « antiracistes »

Une vidéo mise en ligne le jeudi après-midi par Le Monde secoue la France entière. On y voit le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, faire une déclaration alors qu’on lui présentait un jeune militant de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), Amine Benalia-Brouch, « né en France de mère portugaise et de père algérien » d’après l’AFP. Les propos du ministre dont la démission est demandée par la gauche, sont taxés de « racistes » et « anti arabes », mais le mis en cause s’en défend… et finit presque par se contredire. Décryptage.

L’affaire remonte au 5 septembre dernier lors de l’université d'été des Jeunes UMP, à Seignosse dans les Landes. Brice Hortefeux pose pour des photos avec Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale et Amine. Tous sont filmés. Alors que tout le monde plaisantait sur les caractéristiques des auvergnats, une sympathisante du Parti présidentiel lança : « Amine, il est catholique. Il mange du cochon et boit de l'alcool ». Une femme non visible sur les images ajouta que « c'est notre petit Arabe… ». C’est alors que l’ex-ministre – très controversé – de l’Immigration entre en scène. Le successeur de Michèle Alliot-Marie, déclare : « il ne correspond pas au prototype. Il en faut toujours un. Quand il y en a un ça va. C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes ».

Les mots de Hortefeux suscitent une levée de boucliers à gauche, dans les milieux associatifs et au sein de l’opinion publique. Entre sa publication en ligne hier (à 16 heures) par Le Monde.fr sur Dailymotion et ce matin, elle a été visionnée près de 500 000 fois. Y a-t-il eu un vrai dérapage ? Non, selon le ministère de l’Intérieur. En voulant se justifier, le « porte-flingue de Sarkozy », comme le surnomme la presse hexagonale, et son cabinet continuent d’être au centre de la polémique. Un communiqué de son département parvenu à la rédaction du Monde, « dénonce une vaine et ridicule tentative de polémique ». Le texte informe que la phrase « C'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes » fait « référence aux très nombreux clichés qu'il venait de prendre avec la délégation auvergnate ». En revanche, le texte ne précise pas si le mot « cliché » est à prendre dans le sens de « photographie » ou de « stéréotype », écrit Le Monde.

Sur la chaîne i-télé, Brice Hortefeux a justifié le sens du communiqué. Selon lui, il venait de se livrer à une intense séance photographique avec « la communauté auvergnate », puis qu'un jeune homme lui demande une dernière photo. Comme il était sur le point de quitter les lieux, il ne voyait pas d’inconvénients pour prendre une photo, mais que ça devenait problématique si c'était pour en prendre plusieurs.

Mais auparavant, sur la radio RTL, le ministre donnait une autre version : « alors que j'arrivais à la sortie, un jeune m'arrête et me demande une photo. J'ai simplement dit, en parlant des Auvergnats : « Quand il y en a un, pas de problème. C'est quand il y en a plusieurs que ça peut poser des problèmes', parce que je venais de les quitter à l'instant ». Dans cette tentative de sauver ce qui peut encore l’être, il ne fait pas mention de photographie mais d’Auvergnats. Pour la première, il avait l’intention de partir, alors que dans la seconde il arrivait déjà à la sortie. Des explications qui ne convainquent pas, eu égard aussi aux antécédents en la matière de l’ancien ministre du Travail.

Le 15 janvier 2009, jour de la passation de pouvoirs au ministère du Travail et des Affaires sociales avec Xavier Bertrand. Brice Hortefeux déclara, d’après Rue89.com, devant des journalistes, à propos de la chargée de la Politique de la Ville, Fadela Amara : « c'est une compatriote, même si ce n'est pas forcément évident, je le précise. ». Lors de cette même université d’été à Seignosse, la photographe de Rue89 a surpris un échange entre Hortefeux et quatre jeunes Noirs voulant se prendre en photo avec lui. « Monsieur Hortefeux, une petite photo pour la diversité ? », demandaient-ils. Réponse de l’intéressé : « D'accord, d'accord, mais vite alors. Parce que la diversité, j'ai déjà donnée il y a quelques années ».

Le militant à l’origine de tout ce remue-ménage n’arrange guère la situation, même s’il essayait de défendre le vice-président de l'UMP. Interrogé par Le Monde.fr, il a répondu : « ça a été entièrement sorti du contexte. Mon secrétaire départemental blaguait avec le ministre parce qu'il parle auvergnat et c'est de là que c'est parti. (…). Je suis arabe mais il m'a tout à fait respecté, ce n'était pas du tout mal placé. Et je ne considère pas que c'est un dérapage ». Seul problème, le jeune militant, donne des explications différentes en fonction des médias. Sur France info, il précise : « Quand M. Hortefeux dit « il ne correspond pas au prototype » ou « quand il y en a un, ça va », il ne s'adressait pas du tout à moi, mais à une autre personne – qu'on ne voit malheureusement pas sur la vidéo – ». Et sur RTL, il dira que la formule du ministre faisait référence aux photos que ce dernier venait de prendre. Ce vendredi matin : rebelote. Amine postait un nouveau démenti sur Internet. On ne sait plus à qui se fier.

La démission du ministre est demandée par la gauche. Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste, juge « honteux et inqualifiables » les propos de Brice Hortefeux. Les Verts parlent d’un « racisme banal, bête et méchant ». Les associations de défense des droits de l’Homme sont aussi montées au créneau. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) qualifie de « racistes » les propos controversés de Hortefeux, SOS Racisme évoque un « profond malaise », selon la même source.

Hormis Amine, le seul soutien majeur à Hortefeux est venu du gouvernement, comme on pouvait s’y attendre. Pour François Fillon sur TF1, Brice Hortefeux « est victime d’une campagne de dénigrement qui est assez scandaleuse ». Quant au ministre de l'Environnement, Jean-Louis Borloo, réagissant sur RTL à propos de cette polémique, il a déclaré « j'ai vu la vidéo. J'ai entendu aussi Brice et j'ai surtout entendu le jeune qui est quand même celui qui est le mieux placé pour savoir ce qu'il a ressenti et franchement que la polémique est déplacée ».

Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Le préfet Paul Girot de Langlade a été « mis à la retraite d'office », le 9 septembre sur ordre de Brice Hortefeux. Ce préfet était sous enquête judiciaire depuis la mi-août pour « injures publiques à caractère racial ». Il aurait déclaré à l’époque à l'aéroport d'Orly: « On se croirait en Afrique, il n'y a que des noirs ici ». Réagissant sur France Info à propos de la vidéo de Brice Hortefeux, il affirma qu’il n'était pas « le plus raciste des deux ».

Video: Quand Brice Hortefeux dérape



Ibrahima Koné
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