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Hicham Mandari et Driss Basri primés par Nabil Benabdallah

C’est un véritable camouflet qui a été infligé à l’ensemble des médias nationaux, à l’opinion publique et à l’Etat à l’occasion de l’attribution, la semaine passée à Skhirat, du Grand Prix national de la Presse, organisé pour la seconde année consécutive par le Ministère de la Communication que dirige M. Nabil Benabdallah.

Une gifle magistrale donc parce que le jury, constitué pour l’occasion par le Comité d’organisation, placé sous la responsabilité POLITIQUE du ministre porte-parole du gouvernement, n’a trouvé mieux à faire que de primer deux journalistes appartenant d’une part à la même publication, et auteurs, d’autre part, d’articles qui, en vérité, ne méritaient nullement une telle consécration, décernée de surcroît au nom de Sa Majesté le Roi.

Car, s’il y a effectivement entière liberté de jugement pour tout jury indépendant, il est des choix qui résonnent comme des insultes. C’est sans doute pour cela qu’à l’annonce des lauréats du Grand Prix pour la presse écrite, membres de la rédaction de l’hebdomadaire Al Ayam, le présentateur et la présentatrice se sont bien gardés de préciser quels étaient les sujets des articles, enquêtes et autres analyses ainsi reconnus comme les meilleurs de l’ensemble de la production journalistique nationale pour l’année écoulée. Une " enquête " sur feu Hicham Mandari et un entretien avec Driss Basri ont donc retenu l’attention d’un jury composé d’éminents confrères, et notamment M.Abdelkrim Ghallab, doyen de la presse écrite nationaliste, Mustapha Iznasni, ancien patron de la presse RNI, membre fondateur de l’OMDH, Saïd Jdidi, hispanophone et hispanophile distingué, responsable des émissions dans la langue de Cervantès à la RTM ou encore Hassan Rachidi, directeur local de la sulfureuse Al Jazeera.

Sans critiquer encore une fois le principe même de la liberté de choix de ce jury, on se demandera s’il fut pour autant responsable, pertinent et opportun dans une conjoncture profondément marquée par une dérive sensationnaliste et très peu éthique de la presse écrite marocaine. Car, en vérité, avec l’approbation, la caution et sous la responsabilité du Ministre de la Communication, c’est une démarche particulièrement critiquable d’une partie de la presse qui a été valorisée, au détriment d’approches moins spectaculaires, sans doute, mais plus professionnelles, plus responsables, plus justes aussi. Car, quel est le journaliste, marocain ou étranger, qui pourrait se targuer d’une véritable enquête sur feu Hicham Mandari, escroc de haut vol, faussaire, mythomane et usurpateur ?

Cet individu, recherché par nombre de polices, a fini sa vie face contre terre, assassiné d’une balle dans la tête sur un parking andalou. Telle est la seule certitude, étayée par des faits patents et vérifiés, dont pourrait faire état un journaliste. Le reste, tout le reste, tel que l’ont écrit plusieurs publications, nationales ou étrangères, n’est qu’hypothèses, conjectures, rumeurs ou commentaires subjectifs. N’a-t-on pas dévoyé le sens et la portée d’une distinction voulue par le Souverain et destinée à asseoir au Maroc une presse libre et responsable à la fois en gratifiant l’auteur d’une telle production ?

Quant à l’entretien avec M. Driss Basri, ancien ministre de l’Intérieur, qui séjourne en France pour " raisons médicales ", était-il vraiment indiqué de mettre en exergue sa véritable logorrhée, qui se répand un peu partout, d’Espagne en Algérie, de France aux tabloïds nationaux, lorsqu’il se prend aujourd’hui à jouer à l’opposant frustré, oubliant sans doute son premier devoir d’ancien haut commis de l’Etat, celui de réserve ?

En toute franchise, il apparaît à de nombreux professionnels du secteur, qui n’osent peut-être pas l’écrire ou le dire, que la cuvée 2004 du Grand Prix national de la Presse a pris le tour d’une mascarade et d’une injure à la fois. Mascarade parce que l’opinion publique n’a pas eu connaissance des œuvres "primées", (y compris dans la catégorie photographies de presse où l’élu, du Groupe L’Economiste-As Sabah, est récompensé pour la seconde année consécutive alors que les relations entre les dirigeants de ce groupe et le ministère de la Communication sont devenues quasiment "institutionnelles"…).

Injure, parce qu’en reconnaissant la primauté de la presse sensationnaliste sur toutes les autres, M.Benabdallah, qui se targue pourtant d’avoir exercé quelques temps, le métier de "patron de presse", encourage directement les dérives contre lesquelles quelques titres seulement se battent depuis plusieurs années, en toute responsabilité et indépendance, sans servir la soupe à quiconque, sans recherche d’avantages, de prébendes, de primes et autres "reconnaissances"!

M. Benabdallah, qui est issu d’un parti où le courage ne manquait point à certaines époques, n’aurait pas dû cautionner et avaliser la démarche de son jury. Il eût été plus sage de sa part, plus responsable politiquement et plus indiqué, pour l’ensemble de la profession, de ne pas attribuer de prix à la presse écrite pour 2004, plutôt que d’accepter les choix que l’on peut considérer comme déplacés, d’un jury sous sa tutelle.
C’est, en tout cas, l’opinion franche et directe de l’auteur de ces lignes !

Fahd YATA
Source: La nouvelle Tribune

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