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Droits de l'Homme. L'AMDH hausse le ton

La présentation de son rapport 2007 sur les droits de l'homme a été l'occasion pour l'association d'insister sur l'existence de cas de viols à Sidi Ifni.

Rien ne va plus sur le registre des droits de l'homme. C'est ce dont d'aucuns seraient convaincus à la lecture du rapport 2007 de l'AMDH sur la situation des droits de l'homme au Maroc. Un rapport devenu une tradition sur laquelle l'association a veillé depuis 1995 et une situation pour le moins alarmante, au vu des violations citées. Déjà effrayantes, celles-ci ne seraient qu'une partie de toutes les irrégularités enregistrées tout au long de la période objet du rapport, à savoir l'année2007, mais aussi le premier semestre de 2008. Présidente de l'AMDH, Khadija Ryadi a d'ailleurs commencé son discours parles événements de Sidi Ifni. «Ceux-ci montrent, si besoin est, à quel point les acquis réalisés ces dernières années sont précaires et comment le retour en arrière peut s'opérer, du jour au lendemain, avec l'impunité dont bénéficient les auteurs de pareils crimes pour fil conducteur», a d'emblée affirmé la présidente. Pour l'AMDH, il ne fait aucun doute, malgré les discours rassurants, que des abus sexuels ont été commis par les forces de l'ordre. «Nous n'avons pas encore fini les décryptages des témoignages que notre section à Tiznit à recueillis dès le lendemain des événements du 7 juin, mais nombre de ces témoignages affirment que des abus physiques, sexuels et psychologiques ont bel et bien été commis», persiste Khadija Ryadi, devant un parterre constitué de journalistes de tous bords, de la SNRT à Al-Jazeera, en passant par les médias espagnols et les supports écrits nationaux.

Sur le registre des droits politiques et civils, l'association n'a pas manqué de revenir sur les élections de 2007 : persistance de l'utilisation de l'argent, faible participation, manque de légitimité du Parlement. .. «Le tout dans le cadre de lois et de règlements, la Constitution en premier lieu, ne permettant nullement le plein exercice d'une démocratie digne de ce nom», lit-on dans le rapport. «Le plus inquiétant sur ce même volet politique reste à nos yeux le maintien de la politique d'enlèvements et de détentions arbitraires», dit Ryadi, citant pas moins de 7 cas en 2007 et 8 autres, juste au cours des premiers mois de 2008. Tout aussi dangereux, les arrestations, jugements et emprisonnements au nom de l'atteinte aux sacralités. Aux 17 membres de l'AMDH qui en ont fait les frais (entre 1 et 4 années de prison), s'ajoutent 6 habitants de Youssoufia, dont Ahmed Nasser, décédé dans la prison de Settat et désormais hissé au rang de martyr des conditions désastreuses de détention dans les prisons marocaines. L'AMDH met en valeur, sur ce volet, les «nombreux» cas de suicide dans ces centres (l'Observatoire des prisons parle de 13 suicides en l'espace de 4 mois en 2007). La cause en est la surpopulation, les abus de pouvoir en tout genre et la torture, ainsi que la prolifération de la drogue et de la corruption dans le milieu carcéral. L'association cite à ce titre pas moins de 15 groupes et individus ayant été mis en prison pour des raisons politiques, de l'ingénieur Fouad Mourtada à Rouqia Abouali, en passant par les détenus de la Salafia et les prisonniers sahraouis. Sans oublier les six dirigeants politiques arrêtés lors du démantèlement du réseau Belliraj.

S'agissant des libertés, le rapport relève le recul enregistré en citant le maintien en détention du journaliste Mustapha Hormatallah et les amendes «faramineuses» auxquelles nombre de supports sont condamnés, groupes Al-Massae et TelQuel en premier. Ceci, «en plus de la veille imposée à certains titres avant parution, les menaces proférées contre les imprimeurs et les harcèlements dont les journalistes en couverture des sit-in et autres manifestations sociales font l'objet», résume le rapport. Egalement passées en revue, les interdictions de se constituer en association auxquelles des groupes comme Al Adl Wal Ihssane ont droit, ainsi que les campagnes menées contre les homosexuels (cas de Ksar El Kébir) et leur condamnation à la prison, «sachant que l'identité sexuelle fait partie intégrante de la liberté individuelle et que, de ce fait, elle ne prête à aucune poursuite», précise Ryadi. Pour elle, la justice n'est qu'un instrument, la Constitution ne garantissant pas son indépendance.

Droits économiques et sociaux : tout reste à faire

«Si certains acquis, bien que précaires, ont pu être atteints quant aux droits politiques, tout reste à faire sur les plans économique, social et culturel», a résumé Abdelilah Benabdesslam, vice-président de l'association, parlant de ces composantes essentielles des droits de l'homme. Il en veut pour preuve la position qu'occupe le Maroc dans le classement mondial du développement humain (126 en 2007 contre 123 en 2006). Egalement cité, le drame de l'usine de Rosamor, «qui en dit long sur la situation de précarité absolue dans laquelle se trouvent les travailleurs et le non-respect du droit de travail, aussi défaillant soit-il. Résultats : des morts par dizaines et ce n'est que la partie visible de l'iceberg».

Même volet, autre secteur, celui de la santé. «Les programmes fusent, mais le droit à la santé semble être le parent pauvre de leurs objectifs. Sinon, comment peut-on permettre que des citoyens puissent mourir devant les hô­pitaux parce qu'ils n'ont pas de quoi payer la visite ? Comment, et alors que la couverture médicale est loin d'être généralisée, peut-on faire payer des Marocains sans ressources ?», s'interroge Benabdesslam. Le même constat d'incohérence est relevé au niveau du logement, dont les projets manquent de vision d'ensemble et de mise en relation avec les revenus des citoyens et de l'enseignement, dont l'échec quantitatif et qualitatif n'est plus à démontrer.

Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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