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Al Adl Wal Ihsane recrute des imams en Espagne

La Jamâa lance une grande campagne pour la formation d'imams marocains en Espagne, au moment où l'encadrement religieux des MRE préoccupe sérieusement nos sécuritaires.

Al Adl Wal Ihsane fait de nouveau parler d'elle. Cette fois, en Espagne. L'association de Abdessalam Yassine vient en effet d'organiser «une session de formation» au profit de pas moins de 50 imams des mosquées de Murcie en Espagne, région où la Jamaâ est particulièrement présente. C'était les 13, 14 et 15 juin et cela s'est déroulé sous le regard passif du conseiller religieux de l'ambassade du Maroc en Espagne, Mustapha Rahmouni. Il s'agit de la deuxième fois où le mouvement islamiste mène une telle campagne, après une première session tenue en mars dernier. Objectif déclaré : répandre la bonne parole au sein des imams, et les inciter à éviter certains concepts extrémistes de l'islam comme le jihad, qui risquent de prêter à confusion. Nous sommes, ainsi, clairement dans l'encadrement du discours et de l'orientation des mosquées, dont bon nombre sont d'ailleurs gérées par des membres d'Al Adl Wal Ihssane. Ceci, dans une région comptant près de 50.000 Marocains. «Ce genre d'initiative fait de plus en plus peur au gouvernement espagnol. N'oublions pas que l'Espagne a déjà fait les frais de l'intégrisme islamique, sans oublier le Maroc qui tolère la Jamaâ, sans vraiment la porter dans son cœur», analyse Kamal Rahmouni, président de l'Association des travailleurs marocains en Espagne. Toute en confirmant l'information, Fattahallah Arsalane, porte-parole de la Jamaâ, tient à nuancer ses propos. «Nous ne sommes que partie prenante à ces formations, au même titre que nombre d'associations locales de Marocains résidant en Espagne». Il s'agit notamment de la Fédération islamique de Murcie, dont le président n'est autre que Saïd Mendi, imam à Carthagène, mais surtout gendre de Ali Abbadi, homme clef de la Jamaâ, connu pour être très proche de Abdessalam Yassine et pour l'étendue de son influence dans l'Oriental. Ali Abbadi était d'ailleurs présent à la première session, ce qui fait planer le risque d'une «infiltration» de la fédération islamique de Murcie par le mouvement de Yassine. Du côté des officiels marocains, on considère que «la Jamaâ empiète sur un domaine d'intervention de l'Etat», l'encadrement religieux de la communauté marocaine établie à l'étranger figurant désormais parmi les priorités des départements concernés. Il y a quelques semaines, les représentations diplomatiques (ambassades, consulats,...) ont d'ailleurs été chargées de fournir une liste nominative des MRE qui occupent la fonction d'imam, de prêcheur ou de président d'association religieuse. Le motif invoqué est de leur proposer des formations (modérées) au Maroc. L'autre, et principal, enjeu est de «lister» les différents intervenants de la chose religieuse, à des fins proprement sécuritaires. Une approche qui a d'ores et déjà montré ses limites, et c'est peu dire.

Aujourd'hui, la main mise d'Al Adl sur les mosquées de Murcie est par exemple établie. La crainte est que le mouvement puisse étendre sa zone d'influence au-delà de cette région. Toute la question est de savoir combien pèse la Jamaâ en Europe, notamment en Espagne. Al Adl Wal Ihsane a réussi à consolider ses liens avec d'autres organismes islamiques en Espagne, tel le centre islamique de Valence et le bureau de la ligue islamique pour le dialogue en Espagne. Elle joue ainsi un rôle qui aurait dû être assuré par le Maroc. «L'association est une composante essentielle de la société marocaine, où elle est bien représentée. Il est donc logique qu 'elle ait des prolongements dans la communauté marocaine de l'étranger», dit, serein, Arsalane. Ceci étant, elle a depuis longtemps joué la carte de l'intégration dans les pays d'accueil. Ainsi, et en terme d'organisation, toute «section» de l'association est totalement indépendante. «Si nous sommes tous d'accord quant aux grandes orientations et aux fondements de la Jamaâ, chaque entité essaye de répondre aux impératifs et besoins formulés dans le pays d'accueil», explique encore Arslane. Pour lui, «l'ère des travailleurs marocains à l'étranger est révolue. Nous sommes devant une nouvelle donne. Celle-ci veut que la communauté marocaine à l'étranger soit constituée d'abord et avant tout de citoyens des pays d'accueil, ayant des origines marocaines». Le discours est bien élaboré, les actions lancées. Le tout, sous le regard passif des représentations diplomatiques du Maroc en Espagne. Cela pose le problème du contrôle religieux de la communauté marocaine résidant en Europe. Même le président du très officiel Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, Driss El Yazami, l'avait souligné en parlant de déficit en la matière et de la nécessité de «protéger la communauté marocaine de l'extrémisme religieux». Une enveloppe financière de 120 millions de DH a même été allouée au conseil dans ce sens. En attendant que cette prise de conscience se traduise par des projets concrets, le département de tutelle, à savoir le ministère délégué chargé de la communauté marocaine à l'étranger, chapeauté par Mohamed Ameur, se lance sur le front identitaire, par la création prochaine de cinq centres culturels marocains en Europe, en partenariat avec les pays d'accueil. Parmi les espaces culturels figure le centre maroco-flamand Darkoom, qui sera inauguré au début de l'année prochaine, a annoncé le ministre, ajoutant que l'Espagne et la France seront également dotées de pareilles structures. Egalement en projet, la création d'un conseil des oulémas, spécialement dédié aux MRE.

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Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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