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Yasmina Baddou part en guerre contre les maux du système de soins au Maroc

De prime abord, gérer le ministère de la santé ressemble à une mission impossible. Le secteur souffre en effet de nombreux maux et est au centre d’une grande tension sociale. Mais, maintenant qu’elle y est, Yasmina Baddou, ministre de la santé, qui a reçu les journalistes de La Vie éco mardi 18 mars, se dit «optimiste».

Si son département a élaboré une Stratégie 2008-2012, la ministre de la santé avoue cependant n’avoir pas de baguette magique. Sa stratégie, qui vise l’amélioration de l’état de santé de la population, de l’offre de soins, du financement, de l’offre de médicaments, est largement inspirée des études et des diagnostics déjà réalisés par les services du ministère et surtout de la Vision 2020 élaborée par le ministre sortant, Cheikh Biadiallah.

L’état des lieux du secteur révèle de nombreuses faiblesses : difficultés d’accès aux soins pour les démunis et pour les populations rurales, inégalité de l’offre de soins entre les régions, mauvaise gestion des hôpitaux, insuffisance des ressources humaines, absence d’une politique du médicament et inexistence de coordination avec le secteur privé. Mais Yasmina Baddou a des priorités : la réduction du taux de mortalité infantile et du taux de mortalité maternelle, la lutte contre la corruption, la mise en place d’une politique du médicament et, enfin, la lutte contre certaines pathologies (cancer, diabète, tuberculose, insuffisance rénale terminale ainsi que les maladies transmissibles). Depuis l’annonce de la Stratégie 2008-2012, 18 commissions d’expertise ont été constituées et ont planché sur chacun des volets de ce programme. Aujourd’hui, plusieurs commissions ont bouclé leurs travaux et ont même rendu leur copie. Les conclusions seront discutées et validées par la ministre avant d’être déclinées en plans d’action qui seront progressivement annoncés au public.

Les médecins privés bénéficieront d’incitations pour s’installer à la campagne
La mise en œuvre se fera progressivement puisque la stratégie s’étend sur les cinq prochaines années. Et la ministre affirme avoir les moyens de sa politique. «Le problème réside dans le management», diagnostique Mme Baddou. Et de préciser que «le budget du ministère n’est pas insuffisant, comme cela est souvent affirmé. C’est le quatrième budget en importance après ceux des ministères de la défense, de l’intérieur et de l’éducation nationale. Et avec 8 milliards de dirhams de budget alloués au département pour 2008, il est possible de faire beaucoup de choses». Sans oublier, poursuit-elle, que cette enveloppe connaîtra une hausse annuelle régulière, outre le fait que le département bénéficie de plusieurs dons et prêts accordés par des organismes et ONG internationaux.

Pour en revenir à l’aspect managérial, un mouvement est en préparation aussi bien au niveau de l’administration centrale qu’au niveau des hôpitaux et centres hospitaliers universitaires. Mme la ministre a même demandé aux différents responsables de lui soumettre leurs CV et leurs références afin de pouvoir cerner les compétences dont le secteur dispose et de décider des affectations des responsables, aussi bien médecins qu’agents administratifs.

Au-delà des ressources humaines, les changements porteront également sur le mode de gestion et d’organisation. «Nous sommes le seul ministère où il y a une forte centralisation, ce qui nuit parfois à la bonne gestion. L’objectif de la stratégie est de décentraliser en créant des organismes publics autonomes de gestion», explique la ministre de la santé.

Tous ces réajustements permettront, espère-t-on, de gagner la confiance du citoyen. Et c’est ce que souhaite réussir Yasmina Baddou. «Ceci ne peut se faire qu’à travers l’amélioration des conditions d’accueil et d’hospitalisation des patients, l’amélioration des services d’urgence et la disponibilité du médicament», souligne Mme Baddou.

La ministre est par ailleurs très sensible à la question de la maternité sans risque et de la néonatalogie. Et c’est là le premier chantier du ministère de la santé qui ambitionne de ramener le taux de mortalité maternelle de 227 à 50 décès pour 100 000 et le taux de mortalité infantile de 40 à 15 décès pour 1 000 naissances. Pour y arriver, les investissements se feront essentiellement dans les équipements, notamment pour la mise en place de centres spécialisés de référence dotés de couveuses, l’aménagement de services de réanimation et enfin la mise en place d’un parc d’ambulances pour le transfert des patients.

Au-delà de ces actions, Mme Baddou préconise un partenariat avec le privé qui permettra une meilleure prise en charge des mamans ainsi que des nouveaux-nés. L’accent sera mis sur le monde rural où les taux de mortalité infantile et maternelle sont les plus élevés. Il est en effet prévu d’y créer des centres de santé dotés des ressources humaines et des équipements nécessaires, tout comme il est prévu de mettre en place des unités mobiles qui se déplaceront dans les régions les plus éloignées. Les médecins privés seront également sollicités et encouragés, moyennant des incitations fiscales, à s’installer en milieu rural. Un premier pas vers le partenariat avec le secteur privé.

Assouplissement de la procédure pour les autorisations de mise sur le marché
Un partenariat qui est en passe d’être développé avec l’association des néphrologues en vue d’améliorer l’offre en soins destinée aux personnes souffrant d’insuffisance rénale. «Aujourd’hui, nous travaillons sur un accord avec l’association qui permettra la prise en charge de 9 000 dialysés par le secteur privé. Le financement sera assuré par le ministère», annonce Yasmina Baddou.

Outre l’accès aux infrastructures, la stratégie vise aussi à faciliter l’accès aux médicaments. C’est pourquoi la mise en place d’une politique du médicament constitue un autre chantier prioritaire de la stratégie. Le plan d’action vient d’ailleurs d’être bouclé par la commission en charge de ce dossier. «La politique du médicament ne sera pas faite unilatéralement par le ministère puisqu’il y a une large concertation avec l’industrie pharmaceutique ainsi que les pharmaciens. Cette démarche permettra de tenir compte de divers intérêts», précise Mme Baddou. On ne pourra avoir les détails de la future politique du médicament, mais l’on retiendra que l’accent sera mis sur le développement du générique et sur la modification de la procédure de fixation du prix du médicament. L’objectif de cette politique étant d’assurer l’accessibilité du médicament pour la population, la ministre est favorable, dans le cadre de la mise en place de la carte sanitaire, à l’introduction du numerus clausus et au droit de substitution aujourd’hui revendiqués par les pharmaciens.

Toujours dans le registre de l’accessibilité du médicament, la stratégie 2008-2012 prévoit un assouplissement des procédures d’octroi des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour les nouveaux médicaments qui nécessitent actuellement plusieurs mois d’attente, d’une part, et, d’autre part, un assainissement du circuit de distribution du médicament. «Il faut un délai moyen de deux années pour que les différents hôpitaux du pays soient livrés en médicaments à partir du centre de Berrechid. C’est anormal. Il s’agit, une fois encore, de problèmes de management. Il faut remédier à cela», déclare la ministre de la santé qui promet une mise à niveau des pharmacies d’hôpital. Elle tient à préciser que cela mettra fin à des pratiques anormales existant aujourd’hui, notamment l’achat des médicaments ainsi que des consommables par les patients.

Aziza Belouas
Source: La Vie Eco

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