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Sawa pas si bien que ça…

La radio américaine cartonne avec sa (bonne) musique, Mais elle échoue quant à sa mission de propagande.


Radio Sawa est la radio la plus écoutée au Maroc. AC Nielsen , leader mondial dans l’évaluation des médias, a mené son enquête du début d’année et livré son verdict : Sawa est la reine des ondes dans les deux plus grandes villes du pays, Rabat et Casablanca. À tel point que la concurrence se fait sérieusement de la bile. Dans les semaines à venir, RFI compte renforcer sa présence en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en relançant RMC-Moyen-Orient. Antoine Schwartz, PDG de RFI, ne cache pas qu’il doit faire face à « la grosse concurrence de certaines nouvelles radios arabophones comme l’Américaine Sawa ». De fait, BBC, RFI et Radio Monte-Carlo n’attendent que le OK de la HACA (Conseil supérieur de la communication audiovisuelle) pour se tailler une place au soleil sur les ondes FM au Maroc. On s’attendrait dès lors à un satisfecit de la part de Washington pour le bon boulot effectué par l’équipe Sawa. Eh bien non…


On veut de la propagande, pas de l’ambiance (…)
Le 12 octobre dernier, l’inspecteur général du département d'Etat américain a publié un rapport accablant sur Radio Sawa. Il estime qu’elle a échoué dans la mission pour laquelle elle a été mandatée et s'est plutôt préoccupée d’établir son audience à travers ses émissions musicales. Engagés par l'inspection générale du département d'Etat, deux panels indépendants formés d'experts en langue arabe ont signalé que cette chaîne mise essentiellement sur l'ambiance mais ne réussit pas à faire évoluer les mentalités et les opinions. Le rapport souligne également que le volet informations ne représente que 25% de la grille de Radio Sawa. Décryptage : Sawa s'est contentée de gagner de l'audience au lieu de se préoccuper de modeler son audience. Or sa capacité d’influence était sa raison d’être.
Pour être encore plus clair, si Sawa cartonne au Maroc, c’est qu’elle a la meilleure programmation musicale. La station passe alternativement un tube arabe et un tube occidental avec un flash news très light. Les news, notamment sur les points chauds, la Palestine et l’Irak pour ne pas les citer, on les écoute ailleurs. Ou plutôt, on les regarde ailleurs. Dans les embouteillages de Casablanca, un chauffeur de taxi blanc qui n’écoute que Radio Sawa confie : « Elle programme de la bonne musique, mais pour les informations, je préfère regarder les chaînes satellitaires arabes ». On se plaît donc à écouter Usher ou Nancy Ajram, mais on se fout de ce que peuvent raconter un George Bush ou un Colin Powell. Ça se résume un peu à ça, Sawa pour les Marocains. Pour autant, peut-on conclure que la radio, créée à l’instigation de l'administration Bush - et dotée d'un budget annuel de 22 millions de dollars !-, a échoué à remplir sa mission ? Le groupe consultatif auteur du rapport du département d’Etat estime que oui. C'est pourquoi il préconise que les États-Unis investissent plutôt dans des centres de recherche, des universités ou des bibliothèques. Dès sa parution, le rapport a suscité beaucoup de critiques, notamment de la part de l’agence gouvernementale BBG (Broadcasting Board of Governors), responsable de la ligne éditoriale de Radio Sawa. Ils accusent les syndicalistes de VOA ( la Voix de l’Amérique) d’être derrière le coup, Radio Sawa ayant remplacé la VOA en langue arabe. Déjà en juillet, plus de 400 employés de la VOA ont envoyé une pétition au Congrès accusant Sawa et son pendant télévisé, la chaîne Al Hurra, de pomper son budget sans pour autant obéir aux mêmes standards éditoriaux.
Le débat fait donc rage entre inconditionnels et opposants de Sawa. Les deux parties sont toutefois d’accord sur un point : l’importance de la radio pour conquérir le public d’une région où l’illettrisme est très important. Et puis, il y a l’Histoire. La VOA et Radio Free Europe (Radio Libre Europe), avec la promotion de l'American way of life, ont bien contribué à détruire le communisme en Europe de l’Est. Réussiront-elles de la même manière avec le monde arabe ?



Par Hicham Houdaïfa
Source: Le Journal Hebdo

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