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Le Conseil constitutionnel marocain se range du côté des «petits partis»

Longtemps décrié par certaines formations politiques et surtout les plus «petites», le seuil des 3% imposé aux partis pour participer aux élections législatives n’a finalement pas pu franchir son dernier obstacle.

Présentée par le gouvernement (et plus précisément par le ministère de l’Intérieur) et adoptée par les deux chambres parlementaires, cette disposition a été invalidée par le Conseil constitutionnel le 23 janvier. Ce n’est pas la première fois que ce Conseil invalide une disposition électorale.

L’on se rappelle encore l’opposition de cette instance en 2002 au fameux article 20 de l’ancienne loi électorale qui bloquait l’accès aux élections législatives, aux candidats SAP (sans appartenance politique). Cette fois-ci, c’est l’article 3 de la Constitution qui a été avancé par les membres du Conseil. Cet article dispose que «les partis politiques, les organisations syndicales, les collectivités locales et les Chambres professionnelles concourent à l’organisation et à la représentation des citoyens». Le second alinéa de cet article ajoute qu’»Il ne peut y avoir de parti unique».

Dans sa décision n° 630/07, le Conseil constitutionnel établissant donc un lien entre les deux alinéas, estime que «la volonté de rationalisation du champ politique ne peut se concevoir et se réaliser que dans un cadre garantissant le pluralisme et une libre compétition entre les partis». Une motivation qui rejoint la position de ceux qui ont dénoncé le seuil des 3% et qui n’hésitaient pas à le qualifier «d’entorse aux principes d’égalité des chances et de liberté d’expression politique».

Khalid Naciri, juriste constitutionnaliste et député du PPS est un fervent détracteur de la disposition invalidée. «La logique mise en œuvre par le Conseil constitutionnel pour censurer cette disposition est une logique saine», affirme-t-il. Et d’ajouter que «le but de cette dernière était peut-être noble dans la mesure où elle visait à éviter la fragmentation du champs politique, mais la démarche était contestable parce que la Constitution traite les partis sur un même pied d’égalité».

Le seuil des 3% n’est pas la seule disposition invalidée par le Conseil constitutionnel. Celui-ci s’est également opposé au dernier alinéa de l’article 84 bis du code électoral. Cet alinéa autorise l’autorité chargée de recueillir les candidatures à organiser des élections partielles, en cas de vacance d’un siège.

Le Conseil rappelle que la constatation de la vacance d’un siège s’accompagne d’un avis du Conseil constitutionnel sur les procédures de remplacement. «Cet avis s’impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles». En revanche, le seuil des 6% (initialement fixé à 7%) exigé des partis pour siéger au Parlement a été déclaré conforme à la Constitution.

Qu’est-ce que ça change?


Les dispositions déclarées invalides par le Conseil constitutionnel n’entraînent pas nécessairement une révision de tout le code électoral. Il faut savoir que seules les dispositions déclarées anticonstitutionnelles peuvent être révisées. Dans ce cas de figure, explique Khalid Naciri, député PPS, il existe deux solutions: La première consiste à ce que le Parlement revoit sa copie en ce qui concerne les dispositions invalidées et représente une nouvelle proposition de loi lors de la session parlementaire du printemps. Quant à la seconde, elle prévoit la promulgation du code électoral tel qu’il a été amendé, mais sans les dispositions déclarées anticonstitutionnelles. Et c’est cette dernière possibilité qui semble la plus appropriée.
En effet, la technique de dissociabilité entre les dispositions invalidées et celles conformes à la Constitution est prévue par l’article 24 de la loi organique n° 29-93 régissant le Conseil constitutionnel. Elle permet de valider partiellement un projet et de le rendre publiable au BO, sans qu’il y ait besoin de le réintroduire dans la procédure législative.

Naoufal Belghazi

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