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Des vœux pour un nouveau contrat démocratique

Aucun changement ne viendra de l’attente messianique d’un parti «sauveur suprême». C’est d’une nouvelle génération de réformes institutionnelles que le Maroc a besoin. Le temps oligarchique est révolu. Le temps qui vient, c’est le temps du citoyen responsable, qui peut faire entendre sa voix, c’est le temps d’un nouveau contrat démocratique pour le Maroc.

Mes vœux pour chacune et chacun de vous seront d’abord personnels. Vous consacrez quelque temps à la lecture de cette chronique, parfois partageant ses appréciations, parfois plus réservés. Mais je n’oublie jamais que derrière le lecteur, il y a une femme ou un homme, avec ses joies et ses peines, ses inquiétudes et ses espoirs. C’est d’abord à cette femme et à cet homme que s’adressent ces vœux d’une année heureuse, généreuse, personnellement et professionnellement. Quant à nos vœux communs, ils vont évidemment au Maroc. C’est que la situation du pays est imprégnée de ce grand écart traditionnel entre l’optimisme des uns et le pessimisme des autres. La semaine dernière a paru dans ce journal le sondage d’une belle brochette de patrons sur les perspectives de l’année qui s’annonce. Les sondés sont très optimistes sur le dynamisme de l’investissement et de la croissance. Dans la même semaine, un mouvement social protestait contre la hausse des prix et la dégradation des conditions de vie des citoyens. Et ce pessimisme était trans-professionnel, trans-parti. Deux regards contrastés. Les uns s’estiment heureux dans leur activité et vous diront que les Marocains n’ayant pas une grande passion pour l’entreprise et l’économie de marché, ils ont tendance à nier leurs réussites ou à les attribuer à la recherche coupable du profit.

Les autres pensent que les Marocains, dans leur ensemble, sont malheureux, que l’optimisme démesuré des nantis a trop souvent été pris en défaut de manque d’attention aux hommes, que l’environnement se dégrade à vitesse grand V et que les solidarités, qui donnent leur force aux sociétés, se heurtent aux murs d’un égoïsme épidémique. Autant dire que si le moral des patrons flotte sur un petit nuage, celui du petit peuple entame la nouvelle année dans les chaussettes. Pour autant, faut-il trouver dans ce coup de pompe au moral des raisons d’inquiétude ? Que nenni ! Il n’y a vraiment pas lieu de s’alarmer que nos concitoyens regardent la vie en face quand elle ne va pas toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes.

«Suis-je plutôt “pessimiste épidémique” ou plutôt “optimiste invétéré” ?», doit s’interroger chacun d’entre nous. Chacun de vous reconnaîtra ses petits. Ce à quoi le gouvernement, défenseur patenté de l’intérêt général, aura déjà répondu par avance : le pays est en train de réussir et les solidarités se mettent indiscutablement en œuvre. Ce grand écart, pays d’en haut/pays d’en bas ; pays officiel/pays réel ; dirigeants/citoyens, marque la vie nationale Shash depuis des années. En fait, selon moi, le Maroc est schizophrène. Globalement, chacun reconnaît qu’il se porte plutôt mieux. Mais, en même temps, les Marocains sont pessimistes sur le destin collectif du pays. D’où vient ce pessimisme ? D’un état d’esprit et d’une perception des institutions. L’état d’esprit du Marocain exprime une aspiration à un mieux-être et une angoisse quant à l’avenir. Nombre d’entre vous estiment qu’ils s’en sortent difficilement avec les revenus de leur foyer. Nous tous avons tendance à penser que les jeunes d’aujourd’hui ont moins de chances de réussir que leurs parents dans la société marocaine de demain. L’autre facteur de pessimisme, le plus profond et qui, à mon avis, alimente le premier, est celui du regard de défiance porté sur les institutions politiques. Certes, le Maroc n’est pas un pays bloqué, à bout de souffle, aveuglément arc-bouté sur lui-même et que les gouvernants précipitent dans un désastre annoncé. De nombreuses réformes qui semblaient ardues ou impossibles, il y a trente ans, sont en cours. Reste que la crise de confiance vis-à-vis du système politique perdure. Que va-t-il se passer cette nouvelle année ?

C’est la question que tout le monde se pose. Aucun changement ne viendra de l’attente messianique d’un parti «sauveur suprême». C’est d’une nouvelle génération de réformes institutionnelles que le Maroc a besoin. Le temps oligarchique est révolu. Le temps qui vient, c’est le temps du citoyen responsable, du citoyen qui peut faire entendre sa voix, c’est le temps d’un nouveau contrat démocratique pour le Maroc. Nous voulons que les Marocains soient dignement représentés dans les institutions. Cela évitera au Parlement d’être perçu ou traité uniquement comme une chambre d’enregistrement. Nous voulons que les lois soient travaillées, réfléchies, concertées, élaborées et appliquées. Nous voulons que la séparation des pouvoirs, fondation de toute démocratie, soit établie. Nous voulons que nos gouvernants considèrent la société comme un vrai partenaire du pouvoir, comme porteuse de légitimité. Tout ce qu’il faut espérer, en ce début de nouvelle année, c’est que la voix du pays réel ait les moyens de se faire entendre du pays officiel... pour que le pessimisme soit banni des esprits.

Larabi Jaïdi
Source: La Vie Eco

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