Menu

L'Indépendance des juges marocain ?

Est-ce que la justice est indépendante au Maroc? Constitue-t-elle un véritable 3e pouvoir, ou bien souffre-t-elle de l’ingérence de l’exécutif et du législatif?

C’est à ces questions qu’ont essayé de répondre, tant bien que mal, une dizaine d’intervenants (universitaires et praticiens) lors du colloque organisé par l’Amicale Hassania des Magistrats (AMH), le 15 décembre à Casablanca. Une rencontre qui a fait salle comble (ils sont plus de 3.000 magistrats inscrits à l’Amicale). Alors qu’on s’attendait à ce que Mustapha Farés, président de l’AHM et célèbre magistrat de la chambre criminelle à la Cour d’appel de Casablanca préside la conférence, c’est Mohamed Alami Machichi, ex-ministre de la Justice et professeur de droit qui en a pris la charge.

D’emblée, Machichi appele à une économie du discours en invitant les intervenants à cibler les points qui font divergence. «Essayons d’analyser l’indépendance de la justice par rapport aux institutions constitutionnelles et vis-à-vis de la personne du juge lui-même», résume Machichi.

L’invité de marque de cette rencontre a sans doute été le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ qui a été très en vue au cours de la conférence, puisque presque tous les intervenants ont évoqué l’indépendance du système judiciaire par rapport à son ministère de tutelle. Ainsi, Alaoui Moulay Hachem, chef du cabinet du ministre souligne «que les réformes initiées dans le Royaume, notamment depuis la nomination de l’actuel gouvernement, visent à adapter plusieurs lois aux conventions internationales des droits de l’homme en vue de doter la justice des outils à même de renforcer davantage son impartialité».

Devant les multiples rappels à l’ordre du modérateur, Alaoui a conclu son intervention sur la problématique des ressources humaines.
Quant à Mohamed Al Ansari, président de la commission de législation à la Chambre des conseillers, il met en exergue l’article 51 du code de procédure pénale (CPP).

Cette disposition donne au ministre de la Justice le pouvoir de déclencher l’action publique et le positionne en tant que «tuteur» de la politique criminelle qu’il dicte aux procureurs généraux. Une prérogative qui reflète la grande dépendance du système judiciaire par rapport à son département de tutelle.

Al Ansari, qui s’est également attaqué au rôle que doit jouer le Parlement pour garantir l’indépendance des juges, n’a malheureusement pas développé la problématique constitutionnelle de séparation des pouvoirs.

Une question qui demeure incontournable lorsqu’on parle de l’indépendance des magistrats. Parmi les interventions intéressantes, celle de Youness Moujahid, secrétaire général du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM).

Moujahid a soulevé la problématique de l’indépendance de la justice, notamment dans certaines affaires de presse. «Citons à titre d’exemple l’affaire d’Ali Lmrabet: il est clair que dans certaines affaires politiques surtout, le système judiciaire montre encore quelque dépendance vis-à-vis du pouvoir», souligne le secrétaire général du SNPM.

Dans le même ordre d’idée, Ce dernier propose une politique criminelle spécifique au journalisme. Concrètement, cela se traduirait par la mise en place d’une chambre dédiée aux délits de presse. Une solution dictée par l’évolution actuelle de la presse écrite et du paysage audiovisuel.

Juge et journaliste, même combat
«La justice doit également être indépendante par rapport à la presse et à l’opinion publique», souligne Mohamed Al Ansari, président de la commission de législation au Parlement. Selon lui, la presse peut constituer un moyen d’influence sur le juge, mis entre les mains du pouvoir exécutif. «L’indépendance du juge implique également celle du journaliste qui ne doit pas céder aux pressions externes et recouper au maximum les informations auxquelles il accède», conclut Al Ansari.

Naoufal Belghazi
Source: L'Economiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com