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Vote et éligibilité des MRE…en 2012 ?

Plus de 400 personnes issues de la diaspora marocaine sur le continent européen ont répondu à l’appel du collectif Al Monadara. Les Ministres Chakib Benmoussa, Taieb Fassi-Fihri, Nezha Chekrouni ont également fait le déplacement. Débats, échanges, contradictions et... indiscrétions. Moteur !

Les mauvaises langues diront que la première conférence du collectif Al Monadara, qui regroupe des associations basées en Europe, s’est quelque peu transformée en une thérapie collective plutôt qu’en débats de fonds avec un centre d’intérêt purement intellectuel. La présence massive de Marocains résidant à l’étranger (MRE) de 1ère génération, leurs histoires sociales (et politiques) et l’expression de revendications ont fait office de «déjà vu et entendu». Ce qui laisse croire que lors du casting, le Comité Organisateur n’a pas adopté une approche transgénérationnelle. Si Nezha Chekrouni, Ministre Déléguée en charge de la communauté marocaine à l’étranger, éprouve «la frustration de ne pas avoir pu rencontrer plus de jeunes à ce jour», au lendemain de la manifestation, sa frustration a dû être encore plus grande, la jeunesse ayant été oubliée par les organisateurs. Un oubli volontaire? On est tenté d’y croire. En effet, tout au long des travaux, le maître-mot a été la réconciliation. Ce n’est pas la présence (remarquée) de Driss Benzekri, Président du Conseil consultatif des droits de l’homme (et ancien chef de file de l’instance Équité et réconciliation) ou celle de Chakib Benmoussa, ministre de l’Intérieur qui influent cette pensée mais bien la typologie des participants. Pour la grande majorité d’entre eux, ils sont nés au Maroc dans les années 1940/1950, ils étaient opposés politiquement au régime de Hassan II et ils ont rejoint l’Europe pour tendre vers un avenir meilleur. Ainsi, c’est leur condition de vie durant les années de plomb et l’environnement des pays d’accueil qui ont occupé l’essentiel des débats. Des débats parfois difficiles tant au travers des disparités géographiques, des diversités linguistiques (France, Pays-bas, Grande Bretagne, Espagne, Italie), que de l’absence de culture au débat contradictoire.

Si le passé ne doit pas être occulté et l’histoire oubliée, il n’en reste pas moins qu’il est réducteur d’identifier la diaspora marocaine à cette représentativité. D’autant plus que le nombre de MRE 2ème et 3 ème génération est numériquement plus important que celui de leurs aînés et que ses lectures et ses liens avec le Maroc peuvent être diamétralement opposés. En clair, les générations se suivent mais ne se ressemblent pas. «C’est vrai. Néanmoins, il faut savoir que de réunir ces personnes, qui n’ont pas pour habitude de travailler en équipe durant trois jours, relève de l’exploit. Il y a quelques années, cela se serait soldé par un pugilat. Pour toutes ces raisons, ce rendez-vous est une avancée certaine pour instaurer un dialogue durable entre Marocains d’ici et d’ailleurs» déclare un membre du comité d’organisation.

“Chirac et Sarkozy ne doivent pas être reçus en grandes pompes au Maroc”
Si les deux premières journées étaient consacrées à des « auditions» et des ateliers de travail – migration et citoyenneté, migration et développement, identité et culture…), la journée de dimanche a donné lieu à la restitution des travaux et à un débat entre les pouvoirs publics et les membres du collectif Al Monadara. Au rayon des revendications, que retenir? Les problématiques liées à l’identité, à l’exercice de la citoyenneté pleine ici et là-bas, au statut durable d’immigré, aux incohérences des conventions bilatérales…
Est-ce que reprocher au Maroc d’accueillir «en grande pompe» Jacques Chirac, président de la République Française ou Nicolas Sarkozy, ministre français de l’Intérieur (et candidat aux élections présidentielles) est légitime ? «En faisant cela, le Maroc touche notre dignité car la politique menée par ces derniers nous rend la vie impossible. Je prendrai pour simple exemple l’opposition de Sarkozy au regroupement familial. Le royaume doit nous soutenir pour préserver notre dignité. Sans dignité, que reste-t-il ?», lâche en substance un intervenant, responsable associatif dans l’Hexagone.

Un propos qui fait réagir Nezha Chekrouni: «Il est vrai que certaines conventions bilatérales doivent être réactualisées entre le Maroc et la France. Je vous propose la création d’une commission pour travailler sur ces dossiers. Quant à la dignité, nous sommes tous là pour défendre celle des Marocains où qu’ils soient» dit-elle. Même son de cloche au ministère de la Justice par la voix de son Secrétaire général, Mohammed Lididi «Cela fait cinq années que nous nous attachons à mettre à jour des accords bilatéraux de manière qu’ils soient en adéquation avec les réalités sociales comme la moudawana. Des discussions sont engagées avec l’Union européenne mais pour l’heure l’Europe n’a pas la possibilité de débattre sur les accords civils» annonce le représentant du Département de la Justice.

Tout se précise pour…2012
De fil en aiguille, l’épineux dossier du droit de vote et de l’éligibilité des MRE aux élections législatives 2007 s’est invité au débat. Contrairement aux prévisions, le bras de fer n’a pas eu lieu. Bien au contraire, autorités et représentants de la société civile ont croisé le fer. En effet, chacune des parties s’est exprimée en mettant en avant son argumentaire. Selon le Chef de cabinet du ministre de l’Intérieur, «l’exercice de la citoyenneté est une richesse que nous partageons tous, y compris le souci. Depuis le discours royal, nous travaillons pour donner une impulsion pour la participation des MRE aux élections 2007, via un changement du code électoral. Actuellement, nous axons notre action sur la mise à jour des listes électorales dans les consulats basés à l’étranger non sans difficulté car les listes consulaires ne reflètent pas toujours la réalité du terrain». Il précise que «compte tenu de l’expérience de 1984 (1er scrutin législatif avec la participation des MRE), nous travaillons sans précipitation. Si nous n’avons pas les moyens d’organiser la coupe du monde de football nous les avons pour organiser des élections avec la participation de notre diaspora», rétorque le Chef de cabinet de Chakib Benmoussa.

9 mois suffiront-ils pour organiser la logistique nécessaire dans les pays de résidence ? «Aucun pays au monde n’a réussi un tel chantier en 12 mois ! Sa Majesté le Roi n’a jamais précisé que la participation politique de la communauté marocaine à l’étranger devait intervenir en 2007 !» déclare Nezha Chekrouni. Dans la salle, on s’est contenté d’écouter avec attention les précisions apportées par le ministère de l’Intérieur, sans réaction palpable. Il est vrai que les participants étaient motivés par d’autres centres d’intérêts.

Une lecture en filigrane permet de conclure que la diaspora marocaine ne pourra exercer sa citoyenneté pleine dans son pays d’origine qu’à l’horizon 2012. D’ici là, les consulats auront mis à jour les listes consulaires et seront en mesure de tenir des bureaux de vote. Enfin, espérons-le…

Au détour de cette manifestation, on peut dire que l’opération de réconciliation entre la génération Hassan II et l’État marocain est bien amorcée. Reste à convaincre la génération Mohammed VI dont les exigences sont différentes. Pour réussir le doublé, il faudra une stratégie à la hauteur du défi. Un défi qui impose sincérité, humilité et détermination. L’enjeu, évitez de rééditer des «auditions» pour se réconcilier avec une génération…dans 40 ans.

Rachid Hallaouy
Source: La Nouvelle Trinbune

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