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Faire de la politique en France quant on est immigré

C’est à l’initiative du Haut Conseil d’Etat français à l’Intégration, de Sciences-Po Paris (dont les anciens sont nombreux parmi les hauts cadres au Maroc) et de l’Agence nationale de la cohésion sociale, en partenariat avec le quotidien Le Parisien, que le colloque «Diversité et représentation dans le paysage politique français» s’est tenu, samedi 28 octobre 2006. Une première action avait été menée par le Cercle des élus issus de l’immigration, présidé par le MRE Ahmed Qerrouani (également adjoint au maire de la ville de Dreux), en mai dernier, avec au menu, une rencontre avec les parlementaires siégeant au palais du Luxembourg (Sénat).

Pour ce rendez-vous d’automne, trois axes majeurs ont été abordés par les quelque 800 personnes qui ont répondu à l’appel des organisateurs. Dans un premier temps, il s’agissait de procéder à un état des lieux de la diversité en politique.

Pour cela, plusieurs personnalités ont pris place dans la tribune, le «sarkoziste» Yves Jego (UMP); Malek Boutih, porte-parole du PS; Marie Georges Buffet, secrétaire générale du PC; Nicolas Perruchot, porte-parole de l’UDF; et Yvan Wehring, des Verts. A leur côté, on apercevait Stéphane Rozes, de CSA Sondage, et Vincent Tiberj, du Centre d’étude de la vie politique française (Cevipof). Inutile de préciser que le parfum de la «présidentielle» embaumait un «amphi» coloré avec la présence d’élus de la diversité, de jeunes de banlieues, d’enseignants, sociologues, éducateurs…

Que faut-il retenir? Un énième arbre à palabre? «Il convient de saluer l’effort particulier réalisé par les formations politiques en faveur des minorités visibles sur le terrain. Cependant, il faut reconnaître que l’élection d’un député issu de cette communauté est plus que problématique au vu du nombre d’adhérents dans les circonscriptions», déclare un élu. Autrement dit, la communauté MRE (et d’Afrique du Nord) n’est pas assez «représentée» dans les partis. «A de rares exceptions, les adhérents de nos partis ne sont pas forcment un panel représentatif de la diversité française», renchérit-il.

D’après les intervenants du jour, cette réflexion est également valable pour certaines catégories socioprofessionnelles, comme la classe ouvrière, les demandeurs d’emploi, les «RMIstes», alors que cette population est de 7 millions de personnes. De plus, la situation se complique pour les «beurs», car une partie conséquente d’entre eux fait partie de ces catégories sociales. En clair, l’intgration politique doit devenir effective à la fois pour cette communauté mais aussi pour les catégories sociales les plus populaires. Chacun s’est accordé à dire qu’une réflexion globale doit être mené et qu’un effort particulier doit être réalisé sur ces couches sociales, car cela un impact, par ricochet, sur les représentants des minorités visibles.
Selon des membres du Cercle des élus issus de l’immigration, la France -notamment les responsables politiques- doit impérativement tirer les enseignements des différentes politiques conduites depuis des décennies. «Notre société doit accepter, une bonne fois pour toute, qu’on peut être de confession juive, catholique ou musulmane, est partager les mêmes aspirations. Il ne faudrait pas que les enfants puis les petits-enfants de ces anciens libérateurs du nazisme oubliés vivent le même genre d’injustice, alors qu’un demi-siècle s’est écoulé», indique Ahmed Qerrouani.

Il est vrai que si ce sentiment d’injustice s’installe et se développe, la société française n’a pas fini de débattre sur les causes des violences dans les cités, sur les raisons de la hausse de la délinquance, sur le désespoir qui envahit les banlieues… D’autant que cette injustice en question concerne des centaines de milliers de personnes, également électeurs et élus potentiels. Et là, injecter des millions d’euros pour reconstruire un lien social, pour favoriser la diversité, ne sera plus suffisant. D’après les instituts de sondages, la balle est dans le camp des partis politiques, car les Franais se déclarent prêts à voter pour des responsables politiques issus de l’immigration maghrébine. Pourquoi existe-t-il une sorte de schizophrénie chez les dirigeants politiques? interroge un président d’association de quartier. Il poursuit.

Pourquoi parle-t-on de «Liberté-Egalité-Fraternité», pourquoi dénonce-t-on les politiques urbaines qui ont fabriqué des ghettos, de discrimination positive alors qu’on amalgame immigration et insécurité…? Son voisin prend le relais. «Contrairement aux discours, on continue à créer des quartiers ghettos que l’on équipe d’interphone et de grilles fermées pour leur donner des allures de résidence. Et dans le même temps, on licencie des bagagistes à Roissy sous prétexte qu’il sont musulmans et donc suspects» dit-il.

Autant dire que l’hiver s’annonce chaud dans l’Hexagone!

Rachid Hallaouy
Source: L'Economiste

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