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Le Maroc, oasis des délocalisations

C'est l'un des projets stratégiques du Maroc. Son nom : Casashore (Casablanca et offshore). Un chantier de 50 hectares à cinq kilomètres du centre-ville. D'ici à la fin 2007, 40 000 mètres carrés de bureaux auront été livrés. 250 000 le seront à la fin de 2009, pour un investissement de plus de 200 millions d'euros. Secteur visé : l'offshoring, c'est-à-dire les délocalisations d'investissements étrangers dans des centres d'appels, des fonctions administratives ou informatiques.


Avec fierté, Naïm Temsamani, son directeur général, détaille ce que sera ce centre d'affaires : des bureaux à moins de dix euros le mètre carré, un réseau de télécommunications ultra-performant, de la visio-conférence... tout cela avec une fiscalité très attractive. "Les premiers contrats seront signés d'ici à la fin de l'année", assure M. Temsamani.

Qui s'installera à Casashore ? A 95 %, des entreprises françaises. La France est aujourd'hui le premier investisseur étranger du royaume. 500 filiales de groupes français y emploient 65 000 personnes.

Le pays est devenu l'une des destinations privilégiées pour le marché francophone des centres d'appels. Depuis 2002, leur nombre est passé de 3 à plus de 70. Ils emploient plus de 9 000 personnes. L'objectif est d'atteindre plus de 90 000 nouveaux emplois pour un chiffre d'affaires de 1,5 milliard d'euros en 2013.

"Le Maroc a des atouts considérables pour la France : la proximité géographique et culturelle, l'absence de décalage horaire, la langue...", fait valoir Frédéric Jousset, président de Webhelp, une entreprise spécialisée dans les centres d'appels. Surtout, les salaires y sont trois fois inférieurs à ceux versés en France, le code du travail y est plus souple et l'on travaille 44 heures par semaine. Avec 2 500 salariés, Webhelp est le premier employeur privé de Rabat. Alice, La Redoute, Noos... lui ont confié leurs relations clientèles.

Avec l'artisanat, le textile, l'industrie aéronautique et automobile, l'offshoring est l'un des piliers de la croissance de l'économie répertoriés dans le plan élaboré, en mars 2005, par le cabinet McKinsey pour le gouvernement. Les auteurs y affirment que sans politique "volontariste" la globalisation profitera aux concurrents à "très bas coûts de production".



Engagé dans une course de vitesse pour résorber la pauvreté, la corruption, l'économie informelle et l'analphabétisme (40 %), investir dans le social, le pays doit aller encore plus loin. "Si les investissements ne sont pas captés aujourd'hui, dans cinq ans ils seront en Inde ou en Tunisie", prévient l'ambassade de France. "Il faut installer des services à plus forte valeur ajoutée qui touchent à l'administratif et à l'informatique", affirme Jean-René Fourtou, le président de Vivendi et coprésident du Groupe d'impulsion économique France-Maroc lancé en 2005 par Dominique de Villepin et son homologue marocain, Driss Jettou. "Nous avons basé notre offre sur le modèle de Bangalore et de l'Europe de l'Est", assure Hassan Bernoussi, au ministère des finances.

C'est dans ce contexte qu'Axa veut délocaliser 1 500 emplois administratifs d'ici à 2012. Pour justifier son choix, l'assureur avance une économie de 75 millions d'euros par an et une meilleure qualité du service grâce à des horaires étendus. Cette décision a créé une polémique sociale, les syndicats ont demandé le retrait de ce projet. Discrètement, BNP Paribas étudie aussi la possibilité de créer une centaine d'emplois au Maroc.

Les sociétés de services informatiques Capgemini ou Atos réfléchissent à développer une offre offshore au Maroc. Précurseur, Unilog s'est installée à Rabat en 2004 et ne propose que de l'offshoring. Un ingénieur marocain débutant est payé trois fois moins qu'un Français.


LA PORTE DE L'EUROPE


Mohammed Lakhlifi a quitté le Maroc pour suivre ses études en France. Après dix-huit ans chez Unilog, il est revenu dans son pays pour diriger la société à Casablanca. "D'ici à 2009, nous emploierons 500 personnes, contre 140 aujourd'hui", affirme-t-il. Racheté en janvier par le britannique Logica CMG, Unilog bénéficie désormais d'une offre offshore à Bangalore. "Il ne faut pas opposer l'Inde et le Maroc. Nous avons gagné certaines affaires grâce à l'Inde", souligne-t-il.

A l'instar du Mexique pour les Etats-Unis, le Maroc veut développer le concept des maquiladoras (usines de sous-traitance de grandes sociétés).

La première sera la technopole de Nouaceur, dédiée à l'aéronautique. Une nouvelle unité de fabrication et d'assemblage de composants pour les réacteurs d'Airbus, d'Embraer et de Bombardier s'y est implantée. Un investissement (19 millions d'euros entre 2006 et 2009) réalisé par Safran.

"Labinal (filiale de Safran) est présente en Europe et aux Etats-Unis. Comme au Mexique, où elle a créé une base pour supporter la production américaine, elle est en train de développer deux bases au Maroc pour supporter la production européenne et maintenir l'emploi en France", souligne Hamid Benbrahim El-Andaloussi, délégué général de Safran au Maroc.

Creuzet Aéronautique (1 000 personnes en France) va créer 250 postes avec son unité de fabrication de composants pour hélicoptères et de moteurs d'avion. Début 2007, Aéro Lorraine mettra en service une nouvelle usine qui devrait employer une cinquantaine de salariés d'ici à 2008.

Hier perçu comme la porte de l'Afrique, le Maroc se positionne désormais comme celle de l'Europe.

Source: Le Monde

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