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Embellie sur le front de l'emploi au Maroc

Nette amélioration sur le front de l’emploi trois ans après le lancement de la politique de grands travaux, chère au roi Mohammed VI.

Du jamais vu depuis 1971, date des premières statistiques sur le marché du travail marocain ! Au premier semestre 2006, le taux de chômage était passé sous la barre des 10 %, à 9,8 %, contre 11,3 % à la même période en 2005, soit un peu plus de 1 million de sans-emploi. Rendue publique par le Haut-Commissariat au Plan, l’enquête a été menée sur un nouvel échantillon issu du recensement général de la population et de l’habitat de 2004. Pour une fois, c’est le secteur privé qui absorbe la majorité des emplois. Plus attractives et plus compétitives, les entreprises privées offrent de meilleures garanties aux salariés. L’ère du fonctionnariat semble révolue. Mais, à long terme, le marché du travail national pourra-t-il pérenniser les emplois créés et absorber l’afflux massif de main-d’œuvre généré par la politique de « grands travaux » lancée en 2003 par le roi Mohammed VI ?

L’embellie sur le front de l’emploi est en tout cas indéniable. Plus de 500 000 postes ont été créés au total, dont 262 000 en milieu urbain. Une amélioration surtout due au recrutement d’ouvriers dans la construction et, plus largement, d’employés non qualifiés. Le premier rapport de synthèse de la primature sur les retombées des grands chantiers prévoyait la création de 300 000 emplois à l’horizon 2007, dont près de 106 000 dans le bâtiment et les travaux publics, soit 28,6 % de plus qu’en 2005. Aménagement des rives du Bouregreg entre Rabat et Salé, agrandissement de l’aéroport de Casablanca, développement du réseau autoroutier vers le sud au-delà de Marrakech, et vers l’est entre Tanger à Oujda, extension du réseau ferré… Au total, le ministère de l’Équipement et des Transports a mobilisé près de 50 milliards de dirhams (4,5 milliards d’euros) pour étendre et moderniser les réseaux d’infrastructures. Avec un investissement de 16 milliards de dirhams, le projet Tanger-Med est l’un des plus ambitieux. Il comprend la construction du port, l’aménagement des zones de libre-échange et de la zone de logistique, la construction des réseaux ferroviaires et terrestres, et les concessions des quais. Avec une capacité de 3,5 millions de conteneurs, de 500 000 camions et de 5 millions de passagers, ce port deviendra le plus important d’Afrique du Nord. Le gigantesque ouvrage, dont la mise en service est prévue pour le second semestre 2007, emploie actuellement plus de 3 500 ouvriers, techniciens et cadres. Il servira de plate-forme-relais entre l’Asie, l’Amérique, l’Europe et l’Afrique, et de centre d’activité au trafic offshore international. Le port et les zones franches alentour permettront également de créer quelque 150 000 emplois à l’horizon 2020 et d’accueillir un millier d’entreprises.

Parallèlement, un vaste programme de construction de logements sociaux et de lotissements, et de rénovation des parcs immobiliers privés et publics des grandes agglomérations a été lancé par le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement, de l’Urbanisme et de l’Habitat. Les bénéfices records - 60 millions d’euros pour l’exercice 2005 - du groupe Addoha, leader de l’habitat social, témoignent de la vitalité du marché de la construction au Maroc.

Ces projets s’inscrivent dans le cadre de « Vision 2010 », un programme centré sur le développement touristique. Le gouvernement souhaite faire du tourisme la locomotive de la croissance, et table sur 10 millions de visiteurs en 2012. Pour les accueillir, les autorités misent sur le triplement des capacités d’hébergement et la formation de 70 000 professionnels. Avec l’aménagement des littoraux atlantique et méditerranéen, et l’implantation de six nouvelles stations balnéaires, les prévisions d’emplois directs sont de l’ordre de 80 000. Côté Méditerranée, les travaux de construction d’une rocade reliant Tanger à la frontière algérienne et la réhabilitation des complexes hôteliers existants sont déjà bien entamés. Cette route devrait générer 50 000 emplois supplémentaires.

Secteur majeur de l’économie nationale, l’agriculture a également vu ses effectifs augmenter de près de 46 000 au premier semestre 2006, améliorant de 27,2 % le taux d’activité du secteur. Le partenariat entre public et privé a dopé l’emploi dans ce domaine. La cession des terres de la Société de développement agricole (Sodea) et de la Société de gestion des terres agricoles (Sogeta) a contribué à mobiliser des capitaux privés nationaux et internationaux pour soutenir les objectifs principaux assignés aux projets : la remise à niveau des principales filières agricoles, notamment les agrumes, la vigne, la production d’oléagineux et la création de complexes agro-industriels. Le défit majeur sera, d’une part, de créer de nouvelles formes d’activité et, d’autre part, de faire passer les emplois existants du statut « d’aide familiale » à celui de « salarié ». Le Premier ministre Driss Jettou estime, quant à lui, que 17 000 ouvriers et techniciens agricoles seront nécessaires pour mener à bien les réformes engagées.

Du côté des services, 75 000 nouveaux postes ont été recensés, 2,5 % de plus qu’en 2005. La délocalisation vers le Maroc de nombreux centres d’appels a offert de nouvelles opportunités d’emplois. Le royaume est devenu le leader régional dans les télé-services. Cinquante-deux plateaux ont vu ?le jour depuis l’installation du premier centre d’appels, en 1991. L’arrivée de banques internationales comme la BNP Paribas ou la Société générale et de grandes enseignes de l’assurance (Axa, Gras Savoye) amorce la restructuration programmée du secteur financier, grand pourvoyeur d’emplois dans le secteur tertiaire.

Reste cependant quelques zones d’ombre. Aucun mécanisme de reclassement, notamment par la formation professionnelle, n’a été mis en place. Créée en 2002, l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) forme aux métiers de l’hôtellerie et de l’électrotechnique des sortants du système scolaire âgés de 16 ans à 25 ans. Comment, pour ceux qui ont déjà connu un parcours professionnel, acquérir des compétences valorisables sur le marché du travail ? Pour le moment, aucune passerelle n’est prévue pour les personnes qui souhaiteraient se réorienter vers d’autres activités.

Caractéristique spécifique du marché du travail marocain : un taux de chômage des diplômés - 18,6 % - supérieur à celui des sans diplôme. Bien qu’en recul, ce taux reste important. Les activités à forte valeur ajoutée, comme l’ingénierie, la recherche et le développement, ou encore les nouvelles technologies, sont au stade embryonnaire. Pour s’engager sur le chemin de la croissance, le pays devra s’orienter vers ces secteurs. Le spectaculaire bond économique des dragons asiatiques est imputable à leurs investissements dans les technologiques de pointe. Dans ce domaine, le Maroc est en retard. Le dernier Forum économique mondial de Davos, dans son rapport annuel sur la compétitivité des pays du monde arabe, pointe les faiblesses du royaume en matière de généralisation de l’accès aux nouvelles technologies et, surtout, son incapacité, contrairement à tous les autres pays de la région, à enrayer l’analphabétisme. La politique des « grands chantiers » ne semble pas avoir été pensée pour résoudre ces problèmes. Il n’en est que plus urgent de s’y atteler.

Nadia Lamarkbi
Source: Jeune Afrique

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