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Maroc : Les gros loupés des marchés subsahariens

L’Afrique subsaharienne est tristement connue pour être le plus grand «producteur de clandestins». Mais voilà une région riche en opportunités d’affaires (où les marges sont parmi les plus confortables dans le monde, selon la Cnuced-Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement), mais où il est difficile de les faire, compte tenu des tensions politiques et sociales de certains pays. Du moins c’est le principal frein diagnostiqué par les experts, et aussi celui cité par les hommes d’affaires. Pourtant, la Chine elle, n’y voit pas d’inconvénients majeurs: elle a augmenté en 5 ans ses exportations vers l’Afrique de 700%. Elle compte sans complexe devenir acteur majeur sur le berceau de l’humanité.

Pourquoi pas le Maroc, qui se dit intégré dans son continent, et qui a signé moult accords commerciaux(1) avec 11 pays de la région? C’est ce que suggère le récent rapport de la DEPF (Direction des études et des prévisions financières) sur «le positionnement économique du Maroc en Afrique subsaharienne» (juillet 2006). Deux recommandations majeures: réadapter l’offre à la demande et une stratégie de pénétration basée sur les coûts (cost leadership). Les échanges marocains avec la région sont insignifiants, voire ridicules par rapport aux cadres commerciaux définis entre les partenaires.

Selon la DEPF, «la faiblesse du niveau actuel du commerce avec les partenaires africains s’explique par la faible utilisation des exportateurs marocains du régime de commerce préférentiel établi avec ces pays», mais aussi l’inadaptation de la production nationale aux besoins des marchés africains. Pour le textile par exemple, là où le Maroc a un vrai savoir-faire et une industrie, c’est la Chine et d’autres pays qui raflent les mises. «L’essentiel des achats africains de textile-habillement s’effectue auprès de la Chine, de l’Inde et de la France», indique le rapport de la DEPF. La part de marché du Maroc sur le marché africain est de…0,5% des importations en textile-habillement de la région. Elles représentent seulement 0,8% des exportations globales marocaines de textile-habillement.

Pour les produits chimiques, les exportations du Royaume vers l’Afrique subsaharienne représentent 1,6% du chiffre d’affaires national et 0,2% des importations globales de l’Afrique. L’agroalimentaire, autre secteur-phare du pays, est botté en touche sur le marché africain: sur la dernière décennie (1990-2003), les exportations de produits agroalimentaires du Maroc vers ces pays est de 3,7% des exportations totales de ces produits et représente seulement 0,7% des importations globales de l’Afrique de ce genre de produits.

En fait, suggère le rapport, la stratégie de conquête des marchés basée sur les coûts «permettrait le recours à la production de masse de produits de faible ou de moyenne qualité, notamment au niveau de la filière textile et des produits de consommation courante». Ce que ne savent pas faire encore les producteurs nationaux. En fait, c’est le point nodal du problème de l’export du Maroc.

Les économies d’échelle, les synergies, les consortia ne sont pas encore la panacée. Et l’on n’arrive pas à organiser et densifier l’offre marocaine, cela même pour conquérir et renforcer ses positions sur les marchés traditionnels (France, Espagne, UE en général), encore moins pour le marché américain (cf. L’Economiste du mercredi 16 août, www.leconomiste.com). Pour certains produits par exemple, le Royaume n’arrive même pas à atteindre les contingents permis dans le cadre de l’accord d’association avec l’Union européenne (cas de la tomate, des agrumes…).

Ceux qui y sont déjà
LES groupes Chaâbi et Tazi (Bâtiment et travaux publics) sont présents en Côte d’ivoire, au Mali, au Sénégal, en Guinée. Pêche, irrigation sont aussi des secteurs investis par les Marocains en Afrique. Les banques ne sont pas en reste : BMCE Capital Dakar va réaliser un emprunt obligataire de 50 millions d’euros pour le compte du port autonome de Dakar. Maroc Telecom détient 50% du capital de Mauritel. L’ONE (Office national d’électricité) détient une petite part du capital de Senelec (l’équivalent de l’ONE au Sénégal). RAM (Royal air Maroc) a des participations dans le capital d’Air Sénégal. La compagnie nationale, explique le rapport, a signé avec la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) un protocole d’accord sur la création d’une compagnie aérienne sous-régionale, Air-Cemac.
Mais tout cela reste embryonnaire, cela va sans dire. Le Maroc jouit pourtant d’une bonne image auprès de ces pays, dont il ne profite nullement.

(1) Le Maroc a signé des conventions commerciales et tarifaires avec: Gabon, Côte d’Ivoire, Cameroun, Mali, Burkina Faso, Guinée, Niger, Nigeria, République démocratique du Congo, Sénégal et Bénin.

Mouna KADIRI
Source : L'Economiste

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