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Prospective: C’est pas toujours la faute à la concurrence

Le Maroc a les moyens d’être un acteur majeur du futur. Mais ses responsables doivent cesser de rejeter la faute sur l’autre (conjoncture internationale, concurrence…) et attendre que le salut vienne d’ailleurs. L’idée est de Hughes de Jouvenel, directeur général du groupe Futuribles, l’un des centres les plus prestigieux d’études et de réflexion prospective sur le monde contemporain.

Lors d’une conférence de presse organisée vendredi dernier à Rabat par le Haut-commissariat au Plan (HCP), De Jouvenel a noté que les choix faits actuellement engageront le pays pendant des décennies. Pour leur succès, deux préalables sont à garantir: le désir de se prendre en main et la mobilisation de tous. La prospective peut servir d’instrument. De Jouvenel a rappelé à cet égard l’importance du rapport du développement humain au Maroc (1955-2005) et les perspectives à l’horizon de 2025. Mais toute prospective doit être au service de l’action. «Et en matière d’action, il n’y a pas de juste-à-temps», a rappelé l’expert. Les pressions qu’exerce un environnement international compétitif sont aussi nombreuses que les forces multipolaires en présence. «Mais il faut également se méfier des démons qu’on agite (déferlante chinoise, suprématie américaine écrasante…). Les rapports entre Etats sont le fruit d’un lien d’alliance-concurrence où il faut savoir se positionner», a expliqué De Jouvenel. Dans ce schéma, de quel apport pourrait être l’Union européenne au Maroc? «L’Europe est dans une mauvaise situation. Son effet d’entraînement a du mal à prendre forme à l’intérieur même de l’Union. L’UE s’est certes acheminée vers une économie intégrée, notamment à travers la monnaie unique, mais elle n’a pas mis en place une politique industrielle et commerciale commune. Elle s’est confinée dans un seul espace Schengen sans avoir harmonisé sa politique sociale. Les coopérations se sont évidemment renforcées, mais il n’existe pas de noyau dur à même de booster l’ensemble des pays européens.

«D’un autre côté, l’Union du Maghreb Arabe ne va pas bien non plus. Dans la région Euromed, on voit s’instaurer un bilatéralisme qui va au-delà des deux rives du pourtour méditerranéen», a jouté De Jouvenel. Donnant pour exemple la qualité des relations entre les Etats-Unis et le Maroc.

L’Europe, elle, limite ses actions en faveur de la rive Sud à ses intérêts. Il en est ainsi de sa politique d’immigration qui prend pour cible exclusive les cerveaux et les cadres, au détriment des pays dont ceux-ci sont originaires. Auteur de plusieurs ouvrages dont «Les enjeux du vieillissement démographiques en Europe à l’horizon 2025», De Jouvenel a tenu à nuancer cette menace. «Il n’y aura pas de politique systématique de transferts des connaissances et compétences «. Le défi reste de taille. «Il ne suffit pas de produire des cadres qualifiés, il faut savoir les garder». Sauvegarder ces intelligences nécessite la création d’un environnement où celles-ci peuvent s’épanouir.


Expertises

La visite de De Jouvenel au Maroc s’inscrit dans le cadre du programme «Prospective: Maroc 2030», conduit par le HCP. La première phase de ce programme est arrivée à terme. Elle a été consacrée à l’examen de l’environnement géostratégique et géo-économique du Maroc, ainsi qu’à son potentiel de développement sociétal. Entamée, la deuxième phase concerne la construction des scénarios.
Le HCP s’est en cela appuyé sur des experts étranges en matière de prospective. De Jouvenel en fait partie. Auparavant, le HCP avait également fait appel au professeur Emilio Fontela, doyen à l’université Antonio de Nebrija, et à Nathalie Bassaler, actuellement chargée de mission au Centre d’analyse stratégique de Paris.

Tarik QATTAB
Source : L'Economiste

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