Menu

Enquête: Une affaire «colombienne» près de Zagora

C’est une histoire rocambolesque qui est arrivée à Julian Vallès. Ce promoteur touristique espagnol à Mhamid Al Ghezlane dans la province de Zagora affirme avoir été chassé de son hôtel et menacé de mort par son associé marocain. «Je ne peux plus aller là-bas. Il s’est approprié l’hôtel par la force et a menacé de me tuer si j’y mettais les pieds», dit-il terrorisé.

L’histoire commence en 2000 lorsque, lors d’un voyage dans cette région, Julian Vallès rencontre Mohamed Khalil Sbaï, guide touristique, et le met au courant de son intention de créer une auberge. L’idée était séduisante. Surtout qu’il n’y avait pas d’hôtels dans cette région, pourtant très connue par ses beaux paysages.
L’accord de départ stipulait que Sbaï allait fournir le terrain et Julian Vallès l’argent pour la construction de l’hôtel. La société Azzalie est née, une SARL au capital de 100.000 dirhams, détenue à part égale entre Sbaï et Vallès qui assuraient en même temps la cogérance. Les travaux commencent.

Vers le milieu de 2001, un nouvel associé se manifeste. Arturo Aguinaga, propriétaire d’une agence de voyages à Barcelone, émet le souhait de faire un apport de capital de 375.000 DH pour agrandir le projet.

Une assemblée générale extraordinaire a été convoquée, durant laquelle l’augmentation de capital a été validée. Le PV de cette réunion, dont L’Economiste détient une copie, a été signé par les trois associés: Mohamed Sbaï, Julian Vallès et Arturo Aguinaga.

L’auberge devient un hôtel de 48 chambres avec une salle de conférences et une piscine. Sbaï acquiert deux autres terrains pour agrandir la superficie.

Après l’augmentation de capital, la nouvelle répartition est la suivante: 60% pour Aguinaga, 32% pour Vallès et 8% pour Sbaï sous forme de terrains.

Près de 3.000 mètres carrés ont été construites jusqu’à maintenant. Soit l’équivalent de 22 chambres. Coût: 9 millions de DH. Lors de la dernière AG extraordinaire du 14 avril 2005, Sbaï fait irruption, proférant des menaces à l’encontre de «ses partenaires» espagnols et exigeant leur départ illico presto. Ces faits ont été rapportés par Vallés et deux témoins qui ont assisté à l’AG.

Contacté par L’Economiste, Redouane Aït Idder, expert-comptable de la société, affirme que la scène relevait de «l’incroyable mais vrai». «L’associé marocain a ramené son frère à qui il avait fait une procuration. Tous les deux ont insulté les Espagnols, les ont traité de voleurs et les ont menacé de représailles s’ils ne quittent pas l’hôtel», raconte-t-il.

Après des tentatives infructueuses auprès des autorités de Zagora, Vallès alerte le consulat d’Espagne qui prévient à son tour le ministre du Tourisme. Le wali de la Région a été mis au courant.

· C’est une arnaque!

Un autre témoin, Younes El Fachtali, auditeur, raconte que l’associé marocain n’a pas voulu au départ signer la feuille de présence car il n’était pas d’accord sur l’ordre du jour. Lequel comportait, entre autres, la nomination d’un auditeur, le cabinet Bensinane, chargé d’éplucher les comptes de la société depuis sa création en 2001. Visiblement, ce sont les accusations de l’associé marocain qui ont poussé les Espagnols à solliciter un auditeur des comptes pour prouver leur bonne foi.

Après «les menaces proférées à leur encontre», les associés Espagnols, qui détiennent 92% du capital, ont décidé de relever Sbaï de ses fonctions de gérant. Ce dernier se rebiffe et les chasse de l’hôtel.
Contacté, Mohamed Sbaï n’a pas répondu aux questions de L’Economiste. C’est son frère Abbes qui a pris la parole. «C’est une arnaque», tempête ce dernier. «Les associés espagnols ont profité de la naïveté de mon frère et n’ont jamais voulu mettre à sa disposition la comptabilité de la société», affirme-t-il.

D’après ce médecin maroco-suisse, comme il se présente, l’entrée du troisième associé Aguinaga s’est faite à l’insu de son frère qui «n’a pas été averti». Pourtant, le PV de l’AG comporte la signature de ce dernier.

Le frère Sbaï accuse Vallès d’avoir délibérément «caché les documents comptables et de les avoir falsifiés». Vallès affirme que «les documents sont restés dans le coffre-fort de l’hôtel et qu’il a été empêché d’ accéder à la clé».

«Le fait que la part de mon frère dans la société soit ramenée de 50 à 8% est louche», ajoute Abbes Sbai qui affirme avoir des preuves et qu’il les fera valoir devant la police et la Justice. L’Economiste a demandé à ce dernier un rapport détaillé sur ces preuves. Mais à l’heure où nous mettions sous presse, nous n’avons rien reçu.
En tout cas, il semble que Mohamed Sbaï ne s’est pas rendu compte que sa part allait, en toute logique, être diluée puisqu’il n’a pas participé à l’augmentation de capital.

Son frère a démenti toute «menace de mort» proférée à l’encontre de Vallès. «C’est sa dernière cartouche», répond-il. Et d’ajouter: «Personne ne lui a rien dit. Il s’est enfui avec les documents».
Fuyant les menaces, l’associé de référence Arturo Aguinaga a quitté le Maroc après avoir fait une procuration à Vallès. Ce dernier n’arrive pas «à comprendre pourquoi les autorités locales n’ont pas réagi pour le protéger et arrêter la mascarade». Son avocat Hamid Kani a déclaré à L’Economiste qu’une plainte devait être déposée le 31 mai en justice. Le procureur du Roi, dit-il, a exigé un jugement pour que Vallès puisse recouvrer la gérance de son hôtel. Pourtant, le PV de l’AG d’avril 2005 est clair: Vallès est le gérant de l’hôtel. C’est une affaire «colombienne» qui est arrivée aux promoteurs espagnols. Sur cette partie du territoire du Sahara, la charge politique n’est pas à négliger. En tout cas, l’affaire pose de sérieuses inquiétudes sur la sécurité des investissements au Maroc.

Nadia LAMLILI
Source : L'Economiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com