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Medi1 Sat : Polémique autour de son nouveau statut de chaine publique

Tout a été dit ou presque sur le changement de statut de l’unique chaîne privée du royaume. Entourée par une grande discrétion, la transformation de Medi1Sat en une télé publique suscite encore un vif débat d’autant plus que son cahier des charges n’est pas aussi contraignant en matière de service public.

Qui a dit que Medi1Sat est devenue une chaîne publique? Enfin si…juridiquement parlant elle l’est, compte tenu de son nouveau cahier des charges établi par le gouvernement. En un temps record SVP! A juste titre, on se demande pourquoi l’exécutif avait tellement traîné des pieds pour élaborer les nouveaux cahiers des charges de la SNRT et Soread-2M. Le changement du statut de Medi1Sat a été rapide. Saisie par la Primature fin juillet, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) a approuvé courant septembre la nouvelle feuille de route de la chaîne tangéroise. Si le régulateur du paysage a tout aussi rapidement validé ce nouveau cahier des charges, c’est tout simplement parce que la loi 77-03 portant sur la communication audiovisuelle donne la priorité au secteur public, notamment en matière d’attribution de fréquences. Et ce qui a davantage facilité la tâche à la HACA, c’est qu’elle n’a accordé aucune licence télé lors de la deuxième vague des licences audiovisuelles privées. Du coup, le terrain a été balisé pour Medi1Sat.

Dans tout ce processus du changement statutaire de la chaîne privée, le président du pôle audiovisuel, Fayçal Laaraïchi, n’a à aucun moment été sollicité, ne serait-ce que pour donner un avis consultatif. Ce qui témoigne, selon des observateurs, que les rapports le PDG de la SNRT et 2M avec l’exécutif ne sont plus au beau fixe, surtout après ses récentes sorties dans la presse où il a tiré la sonnette d’alarme à propos de la crise financière que traverse en ce moment le pôle public.

Manque de communication

Curieusement, la transformation de Medi1Sat en une télé publique n’a fait l’objet d’aucune communication digne de ce nom. Et pourtant, l’événement est de taille à l’image de la marocanisation de l’opérateur télécoms Méditelecom. Pas de conférence de presse par exemple pour rendre compte des tenants et aboutissants de ce changement de statut. A l’exception faite de ce communiqué du ministère de la Communication daté de la mi-septembre. Un communiqué laconique annonçant la nouvelle avec une simplicité déconcertante. On apprend ainsi que «Medi1 SAT bénéficiera dorénavant d'une autorisation de diffusion en analogique hertzien et que son cahier de charges s'articule autour d'une nouvelle programmation avec une priorité à la thématique de l'information et une diffusion 24/24». Ce communiqué a au moins le mérite de nous renseigner sur la divergence de visions quant aux obligations de Medi1Sat dans sa nouvelle formule. Au moment où le ministre de la Communication, Khalid Naciri, estime que cette transformation du statut s’inscrit dans le cadre du renforcement du paysage audiovisuel national, et notamment de ses chaînes publiques, Abdeslam Ahizoune a d’autres ambitions pour cette télé. Selon lui, cette chaîne de télévision généraliste et d'information à vocation internationale, avait besoin de ce nouveau statut pour devenir un média de référence pour la région du Maghreb, de la Méditerranée et du Proche-Orient. En d’autres termes, il ne faut s’attendre à aucun changement de taille au niveau de la ligne éditoriale et de la programmation de Medi1Sat. La chaîne continuera à être au service de l’image du royaume à l’extérieur en appliquant le même modèle depuis son lancement en décembre 2006. Or, force est de constater que Medi1Sat n’a pas rempli jusque-là cette mission.

«L’Ahizounation» de Medi1Sat

En l’absence de communication réelle autour de la marocanisation de l’unique chaîne privée du royaume, les commentaires vont bon train. Tout laisse à croire que ce dossier a été géré dans l’opacité la plus totale pour ne citer que l’absence de transparence concernant le timing du rachat des parts de l’actionnaire français la CIRT (Compagnie internationale de radiodiffusion et de télévision) par Fipar Holding et le montant de cette transaction. A l’issue de cette opération, la filiale de la CDG est devenue actionnaire majoritaire à hauteur de 51%. Maroc Telecom détient 30,5% et RMI les 19,5% restants.
Des sources proches ayant suivi de près l’évolution de ce dossier parlent d’une OPA d’Abdeslam Ahizoune sur Medi1Sat. D’autres évoquent un véritable coup de maître du président du directoire de Maroc Telecom qui a pu convaincre le gouvernement d’attribuer le statut de chaîne publique à Medi1Sat tout en échappant à sa tutelle. Si c’est le cas, on se demande comment et dans quelles conditions? Pour se rendre compte de cette réalité, il suffit de reprendre les propos d’Abdeslam Ahizoune lors d’une réunion organisée à huit clos dans le siège du ministère de la Communication le 16 septembre dernier. Ce jour-là, le président de Medi1Sat apprend de la bouche de Khalid Naciri que la Primature a validé le nouveau cahier des charges de la chaîne. Le ministre de la Communication évoque lors de cette rencontre la question de la tutelle de l’exécutif sur la chaîne. Pas question, laisse entendre Abdeslam Ahizoune tout en affirmant que Medi1Sat peut survivre pendant deux ans sans l’aide étatique. Ce qui explique d’ailleurs qu’aucun contrat-programme n’a été conclu entre l’Etat et la chaîne.

Il faut revenir un peu en arrière pour situer le contexte et comprendre le déroulé de l’emprise d’Abdeslam Ahizoune sur la chaîne. Fin 2007, un an seulement après son lancement, Medi1Sat est confrontée à de graves difficultés financières et évite de justesse le dépôt de bilan. Les actionnaires sont appelés à la rescousse. Son ancien président, Pierre Casalta commence à perdre sa cote auprès des actionnaires. Dans une tentative de sauver les meubles, il adresse un courrier au cabinet royal. Entre temps, l’actionnaire français à savoir la CIRT commence déjà à cette époque à insinuer son désir de se retirer du tour table. Et pour cause : l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir en France s’est traduite par une rupture totale avec l’approche de son prédécesseur Jacques Chirac en matière de gestion de l’audiovisuel extérieur de l’Hexagone. Medi1Sat ne représentait aucun intérêt stratégique d’autant plus que le lancement de France 24 était sur les bons rails.

A ce stade, Abdeslam Ahizoune n’est toujours pas entré en action. L’exercice 2008 n’a pas été flatteur pour Pierre Casalta et son bilan laisse toujours à désirer. L’occasion rêvée pour le président de Maroc Telecom pour le pousser à la sortie. Le 16 septembre 2008, le conseil d’administration de la chaîne entérine la démission de Casalta et nomme Abdeslam Ahizoune à la tête de Medi1Sat. C’est lors de conseil, que la CIRT a annoncé clairement son retrait. Le nouveau président n’a qu’un objectif en tête : sauver la chaîne. Comment? Renflouer les caisses? Oui, mais ce n’était pas suffisant pour garantir la pérennité de la chaîne sur des bases solides. Dans une première phase, Abdeslam Ahizoune s’attaque au chantier managérial en nommant en février 2009 Mustapha Mellouk DG de la chaîne (ex-directeur des programmes de 2M et ancien DGA d’Al Jazeera Children’s). Côté toujours ressources humaines, plus d’une dizaine de cadres de Maroc Telecom ont été dépêchés à Tanger pour rejoindre le staff managérial de la chaîne.

Un statut confortable et peu contraignant

Le chantier du management étant bouclé, le nouveau président s’attaque aux choses sérieuses. Il tâte le terrain en adressant plusieurs correspondances durant entre avril et mai 2009 à la HACA . L’objectif étant d’étudier la possibilité de décrocher une licence permettant la diffusion en mode terrestre. Une initiative soldée par un échec puisque la loi relative à la communication audiovisuelle autorise les opérateurs installés dans une zone franche d’émettre uniquement par voie satellitaire. Le cas de Medi1Sat. Abdesslam Ahizoune n’a eu d’autre alternative que de se tourner vers le gouvernement en mettant en exergue le fait que l’actionnaire majoritaire de la chaîne est un organisme public. L’exécutif s’est empressé de concocter un cahier des charges qui, il faut l’avouer, est peu contraignant pour Medi1Sat contrairement aux autres structures du secteur audiovisuel public. Au niveau éditorial, ses missions restes vagues. Ainsi, elle est amenée à offrir un point de vue marocain sur l’actualité du reste du monde. Dans les faits, c’est loin d’être le cas. La chaîne ne fait que défiler les news des agences de presse.

A la lecture de son cahier des charges, Medi1Sat est autorisée à co-utiliser les infrastructures et sites d’émission hertzien analogique et/ou numérique terrestre du pôle audiovisuel public, lit-on. Dans quelles conditions? Il est vrai que la chaîne n’est pas en mesure de supporter des coûts de la mise en place de nouvelles infrastructures pour assurer sa diffusion terrestre. Son top management doit nécessairement composer avec Fayçal Laaraïchi.

D’aucuns estiment que ce changement de statut de Medi1Sat n’a pas été envisagé dans une logique d’enrichissement de l’offre audiovisuelle publique comme le prétend le ministre de la Communication. Il est plutôt considéré comme un sauvetage politique d’une chaîne qui n’a jusqu’à présent pas tenu toutes ses promesses.

Mohamed Douyeb
Source : VisaMedias.info

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