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Maroc : Le mythe de la classe moyenne

Hier marginalisée, la classe moyenne est aujourd'hui au centre des préoccupations des hommes politiques marocains. C'est du moins le message qu'essaient de faire passer ces derniers.

Ne nous leurrons pas, si notre gouvernement en parle aujourd'hui, c'est uniquement sous l'impulsion royale (cf. encadré), qui annonce les prémisses de son émergence. Ne serait-elle que théorique. L'Institut Amadeus et le Club Entreprendre ont organisé conjointement le 29 octobre, une journée de travail consacrée à cette tranche de la population, sous le thème « Classe moyenne : Comment la faire sortir de l'ombre ? »

Et c'est bien de cela qu'il s'agit : Une ombre pesante. Alors que, partout dans le monde, la classe moyenne est un précieux facteur de relance économique. Son existence même constitue un indicateur significatif de développement d'un pays. Mais pourrait-on lui donner une définition ? Pour Abdelillah Benkirane, Secrétaire général du PJD, il n'existe pas de « vie décente en dessous d'un salaire mensuel de 15.000 DH nets ». On est donc bien loin du compte. Cette somme se répartirait comme suit : 5.000 DH pour le logement, 4.000 pour l'alimentation, 1.500 pour la voiture. « Ce qui laisse environ 4.000 DH pour l'éducation, la santé, le transport, les loisirs », explique Khalid Tritki, Journaliste au quotidien Le Soir.

« Ce n'est pas à la classe moyenne d'oeuvrer pour elle-même. C'est à l'élite de le faire » Yasmina Baddou, Ministre de la santé

Cette fameuse classe moyenne existait bel et bien dans les années 70. Les aléas politiques de l'époque ont entraîné – directement ou indirectement – un gel des salaires. A ce propos, 47% des marocains se déclareraient pauvres à ce jour, comme le rappelle Mohamed Laenser, Sécrétaire général du Mouvement populaire (MP). Selon ce dernier, il faut d'abord penser à « améliorer le système scolaire, ce qui contribuera à diminuer les dépenses des ménages ». Il ressort en effet de ce colloque que les plus grosses dépenses de cette tranche de la population se situent au niveau de l'éducation et de la santé.

Le plan 2008 – 2012 du ministère de la santé prévoit un élargissement de la couverture médicale de base, pour couvrir 80% de la population d'ici fin 2010. En plus de généraliser les médicaments génériques et baisser le prix des médicaments. Soudoyer l'infirmier pour avoir un lit, l'ambulancier pour qu'il arrive au plus vite à l'hôpital, le médecin pour être sûr d'avoir un minimum de soin, comment les pouvoirs publics comptent-ils venir à bout de ce qui contribue chaque jour un peu plus à enfoncer cette prétendue classe moyenne dans la pauvreté ?

« La classe moyenne est la zone tampon de la société » Samir Sobh, Economiste, Rédacteur en chef d'Arabies

Pour certains, si cette classe tarde à faire surface, ce serait d'abord du à un retard intellectuel et culturel. En Tunisie, où la classe moyenne est largement représentée (80% de la population), « le peuple a mis l'Etat devant le fait accompli », explique Mohamed Lamine Hafsaoui, Président de la banque tunisienne de solidarité. « Il existe deux conditions qui ont contribué à l'émergence de la classe moyenne : La libération de la femme et la tolérance », renchérit-il. Autant dire, une fois de plus, qu'au Maroc, on est toujours loin du compte.

Le Maroc est aussi confronté à cet éternel problème d'éducation, martèle Abdelillah Benkirane : « L'école privée est chère, et l'école publique est démissionnaire ». Forcément, le ménage marocain ne sait plus où donner de la tête. Cela se réduit presque à avoir à choisir entre offrir une éducation correcte à ses progénitures, et acquérir un logement décent, l'autre gros souci. « La corruption freine le développement de cette classe », ajoute Benkirane. Doit-on en déduire, au vu de ce que vit le marocain lambda, qu'il est encore condamné à vivre, pendant trois ou quatre autres générations, en sachant qu'il peut à tout moment basculer dans la pauvreté la plus extrême ?

« On ne crée pas une classe moyenne par décret » Mohamed Laenser, Secrétaire généra du Mouvement populaire (MP)

Les questionnements sont nombreux, les chantiers sont titanesques. « Il faut redonner de l'estime à cette classe, promouvoir l'égalité des chances, valoriser le travail », affirme Laenser. Redonner de l'espoir à la classe moyenne, qui conserve cette image, souvent justifiée, d'un corps politique aux abonnés absents. En occident, cette partie de la population est profondément ancrée dans le socialisme, contrairement au Maroc, où il semble que ce soit les islamistes qui séduisent les couches en difficultés et défavorisées, dira non sans une certaine fierté le Secrétaire Général du PJD.

Du côté des chiffres, la loi de finances 2009 prévoit une allocation de 16 milliards de dirhams
au profit de l'augmentation des salaires, 29 milliards seront injectés dans la caisse de compensation, et 450 millions de subventions directes profiteront aux zones INDH pour l'éducation. Ceci vendra-t-il à bout des inégalités ? Selon les derniers recensements, 5 millions de marocains vivent dans la précarité, et 5 millions peuvent facilement basculer dans la pauvreté. La classe moyenne est un facteur de relance de la croissance (par le biais de la consommation et de l'épargne). Cette population au Maroc est elle-même sous le menace de l'endettement. Cette même population qui n'a accès ni aux loisirs, ni à aucune forme de culture.

Extrait du discours de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, lors de la fête du trône (31 juillet 2008)

« Aussi, réaffirmons-Nous Notre ferme volonté de veiller à ce que toutes les politiques publiques soient stratégiquement vouées à l'élargissement de la classe moyenne, pour qu'elle soit le socle de l'édifice social, la base de la stabilité, et un puissant catalyseur de la production et de la créativité. Nous sommes, donc, fermement déterminé à oeuvrer pour que les classes moyennes constituent désormais l'épine dorsale de la société équilibrée que nous nous employons à construire. Cette société, Nous la voulons ouverte, ne laissant aucune place à l'ostracisme et à l'exclusion ».

Nezha Maachi
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