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Premier bilan du passage à GMT+1 au Maroc

Instauré le 1er juin dernier, dans le cadre de la politique d’économie d’énergie lancée par les pouvoirs publics, l’horaire GMT +1 devait durer jusqu’à fin septembre. Mais le gouvernement a finalement décidé d’écourter l’expérience puisque, depuis le 1er septembre, l’horaire légal est revenu à ce qu’il a pratiquement toujours été : GMT tout court.

L’explication à ce retour à GMT donnée dans les milieux officiels est simple : l’avancement d’une heure avait pour objectif de profiter de l’ensoleillement qui dure longtemps en cette période de l’année et donc de faire des économies d’énergie. «Or, avec l’arrivée du Ramadan, le comportement de la population change complètement, car rythmé par d’autres phénomènes et d’autres considérations, puisqu’on se couche plus tard que d’habitude.

Du coup, l’opération n’a plus de raison d’être, elle a perdu sa pertinence en terme de réduction de la consommation». Le cadre supérieur de l’administration centrale qui s’exprime ainsi exclut par conséquent que le retour à GMT ait été motivé par des considérations purement religieuses.

Pourtant, pour un pays dont la dépendance énergétique avoisine les 100%, l’expérience de cet été a été très intéressante. Selon les calculs faits par le département de l’énergie, depuis l’ajout d’une heure le 1er juin dernier, ce sont en effet 90 MW en moyenne qui ont été économisés chaque jour, ce qui correspond à la puissance maximale appelée d’une ville de 600 000 habitants, comme Meknès, indiquent des sources ministérielles sûres.

Pour avoir une idée sur l’importance de ce résultat, il faut savoir qu’avec ces MW économisés, ce sont d’énormes investissements qui ont été évités ou reportés. Ainsi, en un mois, ce sont 2 700 MW d’économie qui ont été réalisés, soit l’équivalent d’un peu plus que la capacité de deux centrales comme celle qui sera construite à Safi (1 320 MW).

A cela, il faut bien sûr ajouter les gains en termes de carburants non utilisés pour la production d’électricité. Selon la même source ministérielle, durant ces trois mois de GMT+1, 5 000 tonnes de fioul ont été économisées, soit un gain de 24 MDH. Le chiffre peut paraître modeste, voire insignifiant, mais il faut savoir que le fioul, coûtant cher en dépit de la subvention de l’Etat, n’est utilisé qu’en période de pointe, le charbon demeurant le combustible de base.

Le pic de la demande : 4200 MW le 30 juin 2008
En tout cas, grâce à ces MW économisés, la marge de réserve s’est améliorée de 20%, et l’été s’est finalement passé sans dégâts, alors même que l’une des unités de la centrale de Jorf Lasfar (il en existe 4) était en période de maintenance. Il est vrai cependant que, cet été, les températures ont été clémentes : les périodes de grandes chaleurs qui sévissent habituellement en juillet et août ont duré moins longtemps que prévu. D’ailleurs, le pic de demande, souvent enregistré fin juillet/début août, a été observé cette année au mois de juin.

La journée du 30 juin dernier a en effet été celle de la puissance maximale appelée qui a atteint un pic de 4 200 MW, en hausse de 5,5% par rapport au pic du 1er août 2007 (3 980 MW). Sans GMT+1, la hausse eût été sans doute plus importante.

Très clairement, l’installation de GMT +1 a eu des effets bénéfiques certains. D’abord en soulageant fortement le réseau, ce pourquoi le système a été mis en place. Beaucoup ne paraissent pas sensibles à cette question, et pourtant la réalité est là : en dépit de sa relative amélioration avec le système de GMT+1, la marge de réserve au Maroc n’est plus que de 300 MW, soit 5,7% de la puissance installée. C’est un niveau très faible, puisque, selon les règles de sécurité, la marge de réserve doit représenter l’équivalent de la capacité de la plus grande centrale du pays (celle de Jorf, par exemple, avec 1 300 MW).

Avec, d’un côté, une demande qui augmente au rythme moyen de 8% par an depuis 2003, et, de l’autre, des investissements qui n’ont pas suivi, il faudra, selon les estimations de l’Office national de l’électricité (ONE), installer, pendant dix ans, 500 à 600 MW chaque année pour satisfaire cette demande ! Cela revient à investir 10 milliards de DH chaque année, ce qui est énorme ! Une politique d’économie d’énergie, désormais érigée en priorité nationale, devrait pouvoir aider à mieux répondre à une demande dont la croissance ne se tassera partiellement (aux alentours de 6%) qu’à partir de 2017.

Selon les chefs d’entreprises, les effets sont positifs
Dans tous les cas, et quel que soit le scénario retenu, le ministère de l’énergie et des mines, dans la stratégie énergétique présentée il y a quelques semaines au Souverain, à Oujda, table sur une multiplication de la consommation «par 4 au minimum et par 6 au maximum entre 2007 et 2030». Rappelons ici que la consommation nationale brute en 2007 a été de 22 608 GWh. Et dans cette hypothèse, la puissance appelée, qui a atteint 4200 MW cet été, a été estimée entre 12 000 et 20 000 MW à l’horizon 2030 par le ministère de l’énergie.

Pour le monde de l’entreprise, il est évidemment difficile d’obtenir un bilan chiffré de l’impact de GMT+1 ; il n’empêche que ce système a produit une impression globalement positive chez les chefs d’entreprises. Même dans le secteur de la restauration, parmi les plus exposés à d’éventuelles désaffections de la clientèle pour cause de changement d’horaire, GMT+1 n’a pas eu d’impact majeur sur l’activité, de l’avis même de certains restaurateurs.

Alors, pourquoi revenir, précipitamment, à l’ancien horaire. Parce qu’en cette période de Ramadan, l’effet recherché de GMT+1 «est nul». C’est ce que l’on dit, mais cela reste à démontrer ! En réalité, vu sa situation, le Maroc devrait, en été, ajouter deux et non pas une heure à son horloge. Dans les pays qui ont des systèmes horaires GMT+1 ou même GMT+2, les gens prient, font le Ramadan, et ne sont pas moins musulmans que les autres.

Salah Agueniou
Source: La Vie Eco

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