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Le gouvernement veut relancer le pouvoir d'achat en réformant l'impôt sur le revenu

Le gouvernement prépare activement le deuxième round du dialogue social. Lundi 24 mars, le Premier ministre a donné rendez-vous à tous les ministres concernés, entre autres les finances, l’emploi, la modernisation des secteurs publics et les affaires économiques et générales, pour apporter les derniers réglages à ce qui sera proposé dans quelques jours aux syndicats. Au menu, l’examen du résultat des travaux des deux commissions constituées à cet effet. La première, pilotée par le ministère de l’emploi, devait réfléchir sur les mesures à proposer pour le secteur privé tandis que la deuxième, confiée au département de la modernisation du secteur public (MMSP), devait explorer des pistes pour les fonctionnaires.

Si, pour l’heure, beaucoup d’éléments de cette feuille de route ne sont pas encore arrêtés, l’un d’entre eux est acquis, et il est de taille : il s’agit de la baisse de l’impôt sur le revenu (IR), la deuxième en moins de 3 ans, après celle survenue en 2007.

Pour pouvoir formuler une proposition concrète et réaliste, le Premier ministre avait, parallèlement au travail des deux commissions, demandé au ministère des finances, plus particulièrement à la direction générale des impôts (DGI), de procéder à des simulations et proposer un schéma de baisse.

Peut-on considérer comme aisé quelqu’un qui perçoit un salaire de 5 000 DH par mois ?
Au terme de ces travaux, dont une copie devait être remise au gouvernement le mardi 18 mars, on s’achemine vers un schéma en deux étapes. La première, en 2009, portera sur une baisse de 2% sur toutes les tranches du barème, de manière uniforme, et un relèvement du plafond de la tranche totalement exonérée (0% de taux d’IR) de 24000 à 27 000 DH par an, soit pour la tranche de revenu équivalant à 2 250 DH par mois au lieu de 2 000. Des mesures qui, assure-t-on du côté du ministère des finances, seront introduites dans la Loi de finances 2009. La deuxième étape, prévue pour 2010, portera sur une nouvelle baisse, toujours uniforme, de 2% sur toutes les tranches, et le relèvement du seuil de 27 000 à 30 000 DH. Plus concrètement, le taux marginal, actuellement de 42%, devrait passer à 40% en 2009 puis à 38% en 2010. «C’est pour nous l’idéal», explique un haut responsable au ministère des finances.

Il est certain que de telles baisses engendreront un manque à gagner énorme pour les recettes fiscales, d’autant plus que les revenus salariaux représentent plus de 75% des recettes globales de l’IR. Est-ce suffisant pour autant ? Pas sûr. Car, malgré la baisse de 4% sur deux ans, le problème des tranches intermédiaires restera posé. Et, à ce niveau, les points de vue au sein même du gouvernement divergent. «Peut-on raisonnablement considérer qu’une personne percevant un salaire mensuel de 5 000 DH est aisée ?». La question renvoie bien entendu à la question de l’épaisseur des tranches, certains membres du gouvernement estimant qu’une «baisse uniforme sur toutes les tranches est une solution de facilité». Il faut dire également que, en valeur absolue, la baisse profitera davantage aux gros salaires. Sur un plan purement pratique, un haut salaire, d’un niveau de 120 000 DH par an, par exemple, profitera de la baisse sur les cinq tranches alors qu’un salaire de 45 000 DH profitera, lui, d’une baisse globale sur 3 tranches seulement. D’où l’idée de faire davantage pour les petits et moyens salaires. Solution : augmenter l’épaisseur de certaines tranches et trouver de nouvelles formes d’abattement pour les tranches inférieures.

Deux millions de salariés avaient profité de la baisse de 2007
Dans la copie remise au Premier ministre, la DGI a apporté des débuts de réponse dont on ne connaîtra pas la teneur. Au ministère des finances, on assure que cet élément a été pris en compte et que le réaménagement des tranches fera partie de la réforme.
Bien entendu, une telle réforme pose la question du coût. Une question à laquelle le ministère des finances n’apporte pas de réponses précises. Une chose est sûre : le manque à gagner en termes de recettes sera très lourd. La preuve, la dernière réforme de l’IR, qui remonte à janvier 2007, avait coûté 3 milliards de DH à l’Etat. Pourtant, cette réforme était moins volontariste que celle envisagée aujourd’hui : le taux marginal de 44% avait été ramené à 42%, le seuil d’exonération relevé à 24 000 DH contre 20 000 précédemment, et une nouvelle tranche créée.

Par ailleurs , cette réforme de 2007 a profité à 2 millions de salariés qui ont vu leur revenu s’apprécier de 5% en moyenne, selon les estimations fournies par le ministère des affaires économiques et générales. L’on peut donc raisonnablement s’attendre à des effets plus importants si la réforme touche toutes les tranches du barème. Un argument de plus pour convaincre les partenaires sociaux.
Une question reste cependant posée : comment les syndicats accueilleront-ils ces propositions ? Du côté de la Primature, on garde espoir tout en rappelant que «la baisse de l’IR n’est qu’une composante du package qui sera proposé aux partenaires sociaux».

Certes, et contrairement à la baisse de l’IR, pour la plupart il ne s’agit encore que de pistes. Mais certaines semblent déjà recueillir des avis favorables. La première concerne l’épineuse question du Smig, promise à un débat passionné. La preuve, alors qu’ici et là, certains syndicats ont laissé entendre que le niveau acceptable serait de 3 000 DH, du côté du gouvernement, on estime d’emblée que «passer de 1 800 à 3 000 DH d’un seul coup serait suicidaire pour l’économie». Pourquoi ? Parce que, estime un haut responsable, une hausse du Smig se traduit automatiquement par des réductions d’effectifs du côté des entreprises et par une pénalisation de leur compétitivité. Cela dit, l’idée d’augmenter le Smig n’est pas totalement écartée mais devra être modulée en fonction des secteurs. «Certains, qui produisent de la valeur ajoutée et de la rentabilité, peuvent se permettre mais pas d’autres, sachant que 90% des entreprises affiliées à la CNSS déclarent moins de 10 salariés», argumente un haut responsable, pour qui «l’on ne peut pas décréter une hausse du Smig dans l’absolu et de manière uniforme pour tous les secteurs».

Une retraite minimale de 600 DH ?
Autres points à l’ordre du jour : l’augmentation des allocations familiales (AF) qui sont importantes pour les petits salaires. Premier scénario retenu par les commissions de réflexion : augmenter les AF de 150 à 200 DH. Résultat: rien que pour les salariés du secteur public, une telle mesure engendrerait un coût supplémentaire de 700 MDH par an. Sera-t-elle appliquée dès 2008 ? On reste évasif sur la question. Pour l’année 2008, il semble que l’on s’occupera plus de faire du préventif, en d’autres termes d’arrêter l’érosion du pouvoir d’achat.

Toujours dans le registre social, les équipes travaillent également sur le principe d’une pension de retraite minimale de 600 DH par mois. L’idée est séduisante mais pose elle aussi un problème : «Que faire quand, parallèlement, une autre personne, qui a travaillé et cotisé pendant 40 ans, perçoit 650 ou 700 DH par mois ?»

Il est clair que l’exercice ne sera pas de tout repos pour le gouvernement. D’abord, des contraintes multiples et souvent contradictoires : d’un côté, un pouvoir d’achat à protéger voire rétablir très rapidement suite à la flambée des prix qui sévit depuis quelques mois, de l’autre, un tissu économique toujours fragile dont la compétitivité pourrait s’effriter très rapidement sous les coups de charges sociales supplémentaires, sans oublier, enfin, le Budget de l’Etat, déjà mal en point.

Tout cela fait dire à ce haut responsable que, finalement, il ne faut pas s’attendre à des miracles : «Pour trouver des solutions à tous ces problèmes, estime-t-il, il faut mettre tout le monde autour d’une table et discuter loin de la surenchère politicienne et syndicale».

En attendant, le gouvernement devra arrêter une première liste de propositions concrètes à soumettre lors du prochain round du dialogue social. Lequel, selon la Primature, devrait démarrer à la fin mars. D’ici là, les politiques devront choisir, parmi les options présentées par les techniciens des différents départements, celles qui présentent le moins de risques pour l’économie du pays tout en permettant la protection du pouvoir d’achat. Car, et comme le fait remarquer un haut cadre du ministère des finances, «la croissance en 2005, 2006 et 2007 a été tirée essentiellement par la consommation des ménages»

Saâd Benmansour
Source : La Vie Eco

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