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Tourisme. Le Maroc manque de ressources humaines

A deux ans du terme de la Vision 2010, le problème de la formation reste entier. En qualité comme en quantité, les objectifs sont loin d'être atteints. Les projets tou­ristiques prolifèrent et les besoins en res­sources humaines grossissent.

La rencontre sur la problématique «emploi et compétences dans l'ac­compagnement de la vision 2010», n'a pas manqué de piquant. Orga­nisée mercredi dernier au siège de la région du Grand Casablanca, par l'Anapec et la préfecture Al Fida-Mers Sultan, en présence du minis­tre de l'Emploi et de la formation professionnelle, le débat y a été très animé, parfois même tendu.

Pour Az El Arab Kettani, prési­dent de l'Association marocaine des restaurateurs, si en quantité, la formation des jeunes répond plus ou moins aux objectifs initiaux, la qualité n'est pas toujours au rendez-vous. Ce que confirme son collègue Ali Ghannam, vice-président de la Fédération nationale du tourisme. Pour lui, plusieurs chantiers de la Vision 2010 avancent, mais celui de la formation ne donne pas du tout satisfaction. Même sur le plan quantitatif, Ghannam affirme que l'objectif des 72.000 lauréats n'est pas atteint, alors que la qualité est une autre affaire.

Prenant la parole, Hafid Kamal, directeur général de l'Anapec, pré­cise que Marrakech a besoin, entre 2008 et 2010, de 20.000 emplois. Mais il explique qu'à moyen ter­me, il n'y a pas de visibilité sur la quantité des besoins en ressources humaines. «Dans quelles régions y aura-t-il des tensions dans les années à venir?», s'interroge t-il. Az El Arab Kettani, quant à lui, annonce que dans 3 mois, 3 unités vont ouvrir à Saïdia, nécessitant 1.500 ressour­ces. «La cadence de Saïdia nous inquiè­te. Avec une telle station de28.000lits, aurons-nous les compétences nécessai­res ?», lance-t-il d'un air soucieux. Kettani, abondant dans le sens du DG de l'Anapec, s'est demandé si le ministère du Tourisme commu­nique aux professionnels toutes les études réalisées pour leur donner une meilleure visibilité.

D'un autre côté, Hafid Kamal a indiqué que certaines régions du pays disposent d'une réserve de res­sources formées alors que d'autres n'en ont pas. «Avec les coûts du loge­ment à Marrakech et les salaires pra­tiqués, ce n'est pas évident d'attirer des candidats de Meknès ou d'Errachidia, par exemple», estime-t-il.

Les critiques des professionnels sur la qualité de la formation n'ont pas laissé Abdellatif Mounir indif­férent. Le directeur de Dévelop­pement de l'OFPPT affirme que l'Office forme jusqu'à 10.000 per­sonnes annuellement. Un chiffre qui va passera 13.OOOFannée prochai­ne, ajoute-t-il. Il n'a pas manqué, lui aussi, d'exprimer des reproches à l'adresse des associations profes­sionnelles. «Elles ne sont pas suffisam­ment impliquées dans le processus de formation», indique-t-il. Il recom­mande alors de les «mouiller» da­vantage à travers une co-gestion des établissements de formation. Mou­nir ajoute que plusieurs opérateurs espagnols et italiens ne cessent de contacter l'OFPPT pour recruter les lauréats, «mais nous préférons les garder pour le marché marocain qui en a énormément besoin».

Formé au tourisme par accident

Quelle est l'attractivité du secteur touristique pour les jeunes ? C'est la question que pose Mohamed Moufakkir, secrétaire général du département de l'Artisanat, en constatant qu'une bonne partie des lauréats de l'ISITT (Institut supérieur internatio­nal du tourisme de Tanger) travaillent à leur sortie dans les banques et assurances. «Il est nécessaire d'avoir une grille salariale transparente dans le secteur du tourisme», recom­mande t-il. Cela dit, par rap­port à la qualité des jeunes lauréats, Catherine Barut, du groupe de restauration Resto Pro, révèle que lors de ses recrutements, le groupe se retrouve face à «une popu­lation de lauréats qui a suivi une formation en tourisme, non pas par choix mais parce que le centre de formation touristique est le plus poche de chez eux». Par conséquent, ces jeunes se retrouvent dépourvus d'un élément capital pour réussir dans ce secteur, la motivation et l'amour du métier, expli­que Barut. «Si on n'aime pas le métier, on aura de grandes diffi­cultés à faire face à un environ­nement dur : nombre d'heures de travail élevées, travail durant les jours fériés, etc.», ajoute la dirigeante de Resto Pro. D'où l'importance de réussir l'intégration des nouvelles recrues dans l'entreprise, affirme Tijania Thepegnier, DRH du groupe Accor. «Il faut les accompagner, les fidéli­ser et leur donner une visibilité sur leur carrière», développe-t-elle. L'attractivité du secteur, pour un participant, passe par la valorisation des carriè­res proposées par le secteur, chez les élèves par exemple. Autre obstacle auquel fait face le secteur, le manque de formateurs qualifiés, «Pour recruter des formateurs, nous avons reçu 1.200 candidats dont nous n'avons pu retenir qu'une centaine», annonce Abdellatif Mounir de l'OFPPT, qui ajoute : «Pourquoi ne pas avoir une école de formateurs, à l'instar des CPR et des ENS du ministère de l'Education natio­nale ?». Hafid Kamal, de son côté, propose de faire appel, au moins à court terme, à des professionnels étrangers fraî­chement retraités pour for­mer des candidats et des for­mateurs. «Les opérateurs privés gagneraient à créer leurs propres centres de formation, à l'image de l'Académie d'Accor», suggère-t-il. Pour Ali Ghannam, le modèle des chaînes hôte­lières qui réservent jusqu'à 3% de leur chiffre d'affaires à la formation est à suivre par les opérateurs touristiques.


Alae Sibari
Source: Le Soir Echos

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