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Berkane : Un investisseur MRE fait faillite à cause de l'Etat

L'Etat bloquerait-il les investissements dans l’Oriental? En tout cas, l’affaire de Capgel, première société marocaine spécialisée dans le traitement du poisson fumé dans la région de Berkane, prête à réflexion.

La société, en proie à de graves difficultés, dispose d’un jugement condamnant l’Etat du Maroc à lui verser un peu plus de 30 millions de DH de dommages et intérêts. Mais l’exécution traîne.
L’affaire remonte à 1989, date à laquelle, Abdelkader Dkhissi, MRE natif de Berkane et pharmacien de formation, est contacté par Mohamed Belhaj, directeur de la société publique Sicor (qui était sous le giron de l’ex-Office de développement industriel, actuellement ANPME). En quasi-banqueroute, Sicor propose alors à plusieurs investisseurs de la région, spécialisés dans l’industrie agroalimentaire, de louer les terrains et les installations dont dispose la société étatique. Le projet séduit Dkhissi, qui décide de conclure un contrat avec Sicor. Il crée Capgel, une unité spécialisée dans «le traitement du poisson fumé et des produits traiteurs». Outre le saumon, Capgel traite toute sorte de poisson frais ou fumé. Il s’agit par exemple de la truite, de l’espadon, de la palomette, de l’ombrine, de l’anguille, des œufs de cabillaud, des coquilles de Saint-Jacques et de la chair de crabe. Capgel est également spécialisée dans des produits très «select» tels que le caviar de Russie ou encore les cuisses de grenouille. Celles-ci sont essentiellement destinées au marché français.

Installations défectueuses

Selon les termes du contrat conclu avec la filiale de l’ex-ODI, celle-ci devait fournir à Capgel «les bâtiments industriels et le personnel pour l’exploitation et le traitement du poisson contre le paiement d’un loyer fixé à 5% du chiffre d’affaires de Capgel».
Lorsque la direction de la société s’installe dans ses nouveaux locaux, elle se rend compte que ces derniers sont défaillants. «Le toit était perméable; et les machines, défectueuses. Sicor ne pouvait même pas fournir une unité de congélation pour ma matière première. Nous étions obligés de congeler le poisson avec des fruits et légumes des autres industriels. Ce qui est en totale contradiction avec les normes d’hygiène de l’UE, notre principal marché», se rappelle Dkhissi, qui est aussi trésorier du Club des investisseurs marocains à l’étranger.
Bien décidé à ne pas lâcher prise, le directeur essaye de régler partiellement les problèmes en puisant dans ses propres finances. Il arrive tant bien que mal à exporter vers le marché européen, dont la France (son pays d’accueil). Toutefois, le sursis sera de courte durée. La mise à niveau, promise mais jamais réalisée, de Sicor lui ferme définitivement la porte du marché européen. Capgel se tourne alors vers le marché intérieur et installe des antennes notamment à Casablanca, Marrakech et Agadir. Mais en 1992, Sicor arrête définitivement son activité. Ses installations ne sont raccordées ni à l’eau ni à l’électricité. Capgel est alors contraint de licencier 60 salariés et de faire face aux banques qui réclament les échéances. «A ce moment, les banques réclamaient leur argent et commençaient à menacer de faire jouer les garanties. Celles-ci étaient principalement constituées de terrains familiaux», raconte Dkhissi. Il essaye durant quelques années de trouver un accord avec l’ex-ODI, mais en vain.
Face à ces difficultés, le MRE décide de porter l’affaire en Justice. En 1999, le TPI de Berkane condamne l’Etat du Maroc (Sicor est alors passée sous le giron du ministère des Finances et de la Privatisation après la disparition de l’ODI), à payer 30 millions de DH de dommages et intérêts à Capgel. Le TPI s’est basé sur un rapport d’expertise qui liste toutes les sommes dépensées par la direction de Capgel qui ont atteint plus de 30 millions de DH. Aucune des deux parties n’interjette appel, et le jugement devient ainsi définitif, sans jamais être appliqué.
Actuellement, Capgel et son personnel sont en quasi-arrêt. La mauvaise gouvernance publique met ainsi en péril un projet original à l’export pour une région qui en a grandement besoin.

Naoufal BELGHAZI
Source : L'Economiste

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