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Les indigents pénalisent le CHU Rabat

Gérer un hôpital comme une entreprise, c’est possible, mais à condition que tout son personnel s’y mette. La tâche n’est pas facile: cela nécessite un changement de fonctionnement mais surtout de mentalité.

Les soins prodigués dans les hôpitaux publics ont toujours été associés à des services gratuits. Au point que, actuellement, les hôpitaux sont incapables d’établir une facture détaillée. «Nous ne disposons pas d’un système de facturation exhaustif», reconnaît Al Mountacer Charif Chefchaouni, directeur général du CHU de Rabat.

Ce volet a été délaissé, puisque l’objectif des hôpitaux n’était pas de réaliser du chiffre d’affaires. Ils se sont toujours appuyés sur le budget de l’Etat pour fonctionner. Ce qui n’a pas aidé les CHU à moderniser leur gestion. Une analyse du compte d’exploitation du CHU Rabat permet de dresser les points faibles (voir encadré): poids élevé de la masse salariale (49% du budget d’exploitation), faiblesse du budget consacré à la maintenance (6% du budget d’exploitation hors masse salariale) et aux dépenses médicales (26%).

Aujourd’hui, tout le défi est de mettre en place une gestion moderne. «Si nous avons un besoin de financement, c’est parce que nous ne sommes pas assez performants. Nous ne mobilisons pas assez de ressources financières», reconnait Charif Chefchaouni.

Depuis quelques mois, le CHU Rabat s’attelle à la mise en place d’un système de facturation et à l’instauration de la notion de client. Il se fixe pour objectif de réussir le passage d’une culture de service public à celle d’entreprise de service. Pour cela, plusieurs chantiers sont lancés: formation du personnel, système informatique et études stratégiques sur la démarche qualité. L’amélioration du service n’est pas seulement focalisée sur les soins, mais vise aussi à garantir moins de risques dans les hôpitaux, un accueil de qualité et une efficacité dans le traitement des dossiers. Actuellement, l’unique critère d’évaluation est la «production de soins», soit le nombre d’interventions chirurgicales réalisées ou de consultations.

Toute la difficulté consiste à inculquer la culture client au personnel. Un comité stratégique est mis en place ainsi qu’un comité de pilotage. Le management compte s’appuyer sur le personnel ayant reçu une formation poussée pour animer cette démarche. Ce « saut » qualitatif est important pour le centre. Il lui permettra de se rattraper dans sa course aux «clients» solvables.

Le constat aujourd’hui est que l’essentiel de la production de soins est réalisé au profit des couches défavorisées: 86% des clients sont des personnes indigentes. En 2006, 60% du montant total facturé n’a pas été encaissé, puisqu’il s’agit de soins prodigués aux personnes indigentes, soit 178,4 millions de dirhams. Ce qui représente 56% de la subvention d’exploitation! Les patients solvables ayant déserté les hôpitaux publics pour le privé.

Ce «retournement» de situation remonte à une dizaine d’années. «Auparavant, les patients choisissaient l’hôpital public pour ses compétences. Mais depuis la mise en place du temps plein aménagé (TPA), l’expertise est accessible dans le privé et dans de meilleures conditions – accueil, temps accordé au malade etc.», explique le DG du CHU Rabat.
Le TPA autorise les professeurs de médecine à exercer dans le privé pendant deux demi-journées. Mais cette fuite des patients solvables a financièrement fragilisée le CHU à tel point que l’on parle de plus en plus d’une éventuelle restriction du TPA.

Ce système n’est pas le seul responsable de la fuite des patients. Les certificats d’indigence distribués à tour de bras maintiennent la gratuité des soins même pour les personnes solvables. Mais avec le Ramed, l’octroi des certificats sera verrouillé, puisqu’il relèvera d’un comité.

Du Ramed, de l’AMO et de la couverture des indépendants dépendra la mise à niveau du système de santé en général et des hôpitaux publics en particulier. Dans le cas des CHU, la convention avec les gestionnaires de l’AMO a permis de revoir les tarifs dans les hôpitaux vers le haut et d’introduire le système des forfaits. «C’est nouveau dans la santé publique. Au lieu d’une facture éclatée, c’est un forfait global qui sera accordé; à charge pour nous de traiter mieux et vite pour dégager des ressources».
L’assurance-maladie exige aussi la mise en place de mesures pour garantir le traitement administratif et comptable des dossiers de recouvrement et une traçabilité des soins. «Une sorte de cercle vertueux va s’installer», indique le DG du CHU.

Source: L'Economiste

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