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Arrhash : Un devoir de mémoire sur la Guerre du Rif

L’un des passages les plus sombres de la Guerre du Rif a pendant des années été occulté, envoyant aux oubliettes ceux qui, dès 1923, ont subi de la part de l’aviation espagnole des bombardements à l’arme chimique, les premiers de l’histoire. Les gouvernements espagnol et marocain ont fait l’impasse, les populations elles, ont pardonné, mais jamais oublié…

« La mémoire, c’est un scorpion, enterré sous des roches de mensonge et de silence. Lorsqu’il vous pique, son venin vous contamine pour des générations ». Ainsi s’exprime Tarik Idrissi, jeune rifain résident à Madrid, dans l’un des extraits de son documentaire intitulé « Arrhash » (le venin, en Amazigh). Avec Javier Rada, journaliste espagnol, il s’est fait la voix de l’histoire, et est allé à la rencontre des derniers témoins de la « vengeance chimique ».

Petit rappel historique, lors de la Guerre du Rif (1921-1927), l’armée espagnole avait été repoussée par les autochtones, et n’occupait, en 1923, plus que quelque territoires dans le nord du pays. C’est alors que l’aviation espagnole commença à bombarder les populations civiles rifaines au gaz moutarde, plus connu sous le nom d’ypérite. Des milliers de personnes ont péri, les survivants auraient pu suivre le même chemin sans avoir témoigné de l’horreur qu’ils ont vécu. Heureusement, l’un des enfants du pays a pu recueillir leurs voix, pour la postérité.

Arrhash c’est donc cela, les souvenir exhumés de ceux qui ont vécu l’enfer du Rif. Mohamed Faragi, plus de 100 ans, est l’un deux. Dans un témoignage il déclare : « beaucoup d'enfants sont morts, le venin était partout (...) on voyait des gens respirer le poison et s'effondrer l’instant d’après ».

Un autre témoin oculaire du massacre, Mohamed Santiago, raconte : « mes sœurs et ma mère toussaient jour et nuit, jusqu'à ce que ça les tue. Mon frère a bu le venin dans l'eau et en est mort". Larbi Chuaib lui aussi présent à l’époque, a perdu une main pendant la « pluie d’ypérite » ; il était âgé d’à peine 9 ans.
Ces témoignages, Tarik Idrissi et Javier Rada sont allés les chercher dans les montagnes du rif, rencontrant une à une les personnes qui ont témoigné, complétant ainsi celui des historiens.

Le documentaire de même qu’il rend hommage à ceux qui ont perdu la vie pendant ce raid, est un héritage aux jeunes générations, pour que cette tranche de l’histoire ne sombre pas dans l’oubli. Le gouvernement espagnol n’a d’ailleurs jamais reconnu officiellement ces faits, qui peuvent être à juste titre, considérés comme un « crime contre l’humanité ».

D’après le quotidien barcelonais La Vanguardia, en 2007 la proposition du parti catalan ERC demandant au gouvernement espagnol de reconnaitre officiellement les faits et d’indemniser les victimes, s’est heurtée au véto des deux grands partis que sont le PP et le PSOE.

Le gouvernement marocain n’a pas de son côté, insisté davantage, pour préserver ses relations diplomatiques avec le voisin ibérique. Toujours est-il que pour Javier Rada, « cette histoire doit être connue », et même, figurer dans les livres d’histoire.

Pour assurer la survie de ce précieux document historique, il a été montré dans de nombreux festival, et figure dans les archives de plusieurs prestigieuses universités dans le monde. Sur la toile, le documentaire qui est librement accessible a été salué par plusieurs internautes. Plusieurs chaînes de de télévision, dont Al Jazeera l’ont même diffusé. Prochaine étape, peut-être un chapitre dans les livres d’histoire, ce qui serait la consécration logique pour ce devoir de mémoire.

Document Arrhash en espagnol

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Yann Ngomo
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