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La plus grande course de dromadaires au monde

Samedi 21 juillet au matin. 9h30, hôtel à 25 kilomètres de Laâyoune, vue sur la plage et mer sablonneuse. Le vent souffle fort et les vagues sont belles.

Rendez-vous a été pris la veille pour que le jour même toute l’équipe se dirige vers le nouveau camélodrome, en bordure de la ville, pour assister à … la plus grande course de chameaux jamais organisée au monde. En fait ce sont des dromadaires, car ils n’ont qu’une seule bosse, mais tout le monde dit des chameaux, alors…
Tout le monde embarque dans le 4*4, et direction Laâyoune. En route pour l’aventure.
Après quelques minutes, enfin se dessinent au loin les quelques tentes plantées pour l’occasion, bordées par les drapeaux flottant dans ce paysage semi-aride.
Là, au milieu de nulle part, se sont regroupées les grandes familles d’éleveurs et de propriétaires de camelidés de toute la région. C’est plein de voiture et de minibus. Mais, nulle trace de box pour les bêtes attelées, et encore moins de construction pouvant les accueillir après un si long voyage ou pour la préparation d’avant la course.

Après quelques minutes d’étonnement, on réalise enfin que c’est sur cette piste à peine damée que les bêtes vont courir. Quatre kilomètres d’un parcours de souffrance, où le chamelier surexcité et chargé d’adrénaline, s’acharne sur le pauvre animal, à coup de bâton, afin de pouvoir remporter la course, sous les bravos de la tribu venue en masse pour le soutenir.
Finalement, jouant des coudes et des relations, l’équipe embarque dans une jeep pour, au cœur de l’action, suivre la course parmi les concurrents. C’est la confusion qui règne sur la ligne de départ, mais quand le juge de piste baisse son drapeau vert, tous les dromadaires filent droit devant. Enfin presque…Quelques-uns refusent d’avancer, d’autres bifurquent directement hors piste, au grand dam de leur jockey. Car l’animal, il faut le dire, a un vrai caractère …de chameau. Sa réputation n’est pas usurpée soit, mais l’animal ne mérite pas le traitement qu’on lui réserve s’il désobéit. Furieux, mais surtout honteux, l’homme assène sèchement plusieurs coups sur le crâne de l’animal, essayant vainement de l’obliger à reprendre le tracé normal de la course. Peine perdue. Quand il décide de s’arrêter, le dromadaire s’arrête, un point c’est tout. Rien n’y fait. Ni les cris, ni les coups. Et si l’homme ne comprend pas que l’animal n’en fait qu’à sa tête, c’est le vol plané garanti. Quelques-uns, d’ailleurs, ont eu le privilège de goûter la piste.

Les malheureux, la tête entre les mains, le sang dégoulinant sur leurs tuniques bleues, mais virant rapidement au rouge, ont cruellement compris, finalement, qui des deux était le maître. Belle revanche de l’animal, sur l’homme. Enfin presque, car la bête finira certainement dans son assiette…
Pour les plus chanceux, c’est différent. Perché sur une selle calée sur la bosse, les pieds nus et cramponnés de chaque côté du corps, l’homme doit coûte que coûte franchir la ligne d’arrivée le premier. Il en va de l’honneur de la tribu, ou du clan. On ne badine pas avec ces choses-là, surtout ici!!! Revoilà donc notre jockey favori, au coude à coude avec son ennemi juré d’un jour, chacun rivalisant de technique pour que sa monture s’envole vers la victoire.
A plus de deux mètres de hauteur et à près de 30 km/h (le compteur de la jeep faisant foi), notre homme imagine déjà la récompense qui l’attend au bout de ce dernier virage. Plus que quelques mètres et l’affaire sera conclue.

Le dromadaire, écume aux lèvres, faute d’entraînement, halète sous l’effort. Les muscles tendus, la tête haute, il ne distingue plus la piste, car une tempête de sable fait rage, et balaye tout sur son passage.
La visibilité est nulle, mais il faut avancer, et toujours... plus vite. Insensible aux coups de bâtons, notre «chameau» attend enfin qu’on le délivre. L’a-t-on déjà traité de la sorte? Un coup d’œil rapide en arrière pour s’assurer qu’il n’y a personne, quelques coups encore, et les derniers mètres sont franchis. Le soulagement est immédiat. L’animal, enfin libéré, s’accroupit, beugle et reprend son souffle.
Le vainqueur descend alors, tel un héros, salue la foule venue l’acclamer sous les «youyous» de rigueur. Dédaignant même regarder sa monture, il s’avance au loin, pour serrer les mains tendues qui s’offrent à lui.
C’est l’heure de la gloire, de l’honneur et des récompenses, qui commence. Notre ami camelidé, lui, goûte un repos bien mérité. Mais pour combien de temps? Car cette première course n’était qu’une course de qualification. Il y avait encore 2 jours de course avant la finale, et là c’est sûr, il lui faudra encore se donner à fond.

Alexis BENSAAD
Source : L'Economiste

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