Menu

Salon du livre de Tanger : Des écrivains de la diaspora à l’honneur

Ici et ailleurs. Tel est le dénominateur commun de l’imaginaire nourri par une nouvelle génération d’écrivains de la diaspora marocaine. Le Sil de Tanger a fait de cette forte dose de l’interculturel l’un des moments forts de la 10e édition. Ils sont tous jeunes, nés au lendemain des années 70, et ont quitté le Maroc entre 6 et 10 ans.

Eux, ce sont les porte-parole d’une nouvelle vague d’écrivains marocains qui défraient la chronique dans leurs pays d’accueil respectifs. Ils n’ont rien à envier aux écrivains seniors. Ils s’appellent Abdelkader Benali (Pays-Bas) auteur du roman («Noces à la mer», prix du meilleur premier roman étranger), Saïd El Haji (Pays-Bas), auteur des «Jours du Sheitane» ou encore Abdellah Taï (Le rouge du Tarbouche et Mon Maroc) et Mohamed Hmoudane de France auteur de «French Dream». Mais il y a aussi Mohamed Leftah du Caire qui vient de publier un best seller: «Au bonheur des limbes». Autre particularité de ces jeunes têtes d’affiche, c’est qu’ils sont très connus et donc sollicités en tant qu’écrivains avérés dans leurs pays d’accueil mais presque méconnus au Maroc. Leur force, ils la puisent de leur différence, qu’ils perçoivent comme une richesse. Ils évoquent dans leurs romans les duretés du réel, l’aller-retour, la pauvreté, l’exil mais aussi le rêve, la vision et l’audace loin du repli sur soi. Autant, au Maroc, une nouvelle génération d’écrivains a fait émerger une écriture sur l’univers carcéral des années de plomb, avec une émergence de femmes écrivaines et d’une littérature intimiste.

Autant ces jeunes d’ailleurs évoquent des singularités, avec un ici bien présent dans l’ailleurs. Une littérature «violente» de la rupture. «On l’a échappé belle, le destin a voulu que l’on bascule vers l’écriture», disent-ils. Car ils savent que rien ne les prédestinait à l’écriture et à la création, encore moins à la célébrité. Aucun de ces jeunes ne s’identifie dans les écrits de Khatibi, Laâbi, Chraïbi, Ben Jelloune et les autres. Ils se disent presque proches du parcours atypique et du style d’écriture de Mohamed Choukry, l’auteur tangérois du Pain nu. Le Salon du livre de Tanger a insisté cette année à ce que cette nouvelle vague fasse des regards croisés, témoignage d’un Maroc pluriel et complexe. L’objectif est de ratisser large auprès d’un public jeune et averti. Le cas de la Hollande est éloquent et intriguant à la fois. Un pays qui connaît l’émergence de plumes qui écrivent en néerlandais et qui sont traduits en français. Un modèle qui rappelle les écrivains latino-américains d’origine syro-libanaise, au Brésil notamment.

Autre figure de proue du salon, Dominique Caubet, spécialisée dans la darija. Une professeur d’arabe maghrébin, qui dirige un centre de recherche et d’étude sur l’arabe. Après avoir traité l’impact de jeunes talents d’origine maghrébine sur la scène culturelle française, elle mène actuellement un travail de fond sur la montée de jeunes talents d’origine marocaine sur la scène culturelle néerlandaise. Elle a publié «Les mots du bled» en 2004 et «Shouf Shouf Hollanda», en 2005. Des livres évocateurs aux titres accrocheurs et sonores qui focalisent le contact des langues et le résultat du mélange, de la mixité.


«Shouf Shouf Habibi» !

Dominique Caubet a mené un travail de fond sur les artistes marocains aux Pays-Bas. «Un gisement inépuisable de talents», confie-t-elle à L’Economiste C’est ce qui lui a inspiré d’ailleurs l’écriture du livre «Shouf Shouf Hollanda», lui-même inspiré du film «Shouf Shouf Habibi». Un film qui a enregistré 350.000 entrées, un record en Hollande, et dont le coréalisateur et l’acteur principal est Marocain (Mimoun Oaïssa). Autre film culte en Hollande, «L’escalope milanaise, ou Het Schnitzelparadijs», avec le Marocain Yahia Gaier (400.000 entrées).
Caubet a également découvert 7 artistes majeurs en Hollande dont un mime, un metteur en scène, un groupe de rappeurs marocains (Intersection) ou encore Ali B, le rappeur. Une star qui, à 23 ans, a déjà sa statue de cire au Musée Madame et ce, au lendemain de l’assassinat de Théo Van Gogh qui était «une sorte de 11 septembre pour les Hollandais. Un meurtre de trop», précise Caubet. Autre talent marocain révélé, Rachid Ben Ali, peintre, qui était sourd-muet durant son enfance. La Reine Béatrice a choisi l’une de ses toiles pour un grand musée néerlandais. «Il est très célèbre, mais très cher aussi», souligne Caubet.


Lancement du 1er prix littéraire en «darija»

«Bladi bladna» est le premier prix littéraire consacrant une œuvre en prose en arabe dialectal marocain. L’idée a été annoncée en grande pompe par des écrivains la veille de la clôture. Parmi eux, Youssef Amine El Alamy et Dominique Caubet, sociolinguiste spécialisée dans les dialectes maghrébins et auteur du livre «Les mots du bled». Le prix cherche à récompenser la création littéraire en darija à travers les romans, nouvelles et récits.

Le nom du lauréat sera proclamé chaque année à l’occasion du Silt. Le prix sera attribué à un seul lauréat, il est doté d’un montant de 15.000 DH. Le manuscrit primé sera imprimé et publié durant la même année. Les manuscrits peuvent être envoyés à www.khbarbladna.org.

Amin RBOUB
Source : L'Economiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com