Menu

Jamel Debbouze : « J’ai un ange gardien : ma mère »

André (Jamel Debbouze dans Angel-A de Luc Besson), menteur et escroc, a décidé d’en finir avec la vie. Alors qu’il va se jeter d’un pont, il aperçoit une sublime créature qui veut également se suicider. Elle saute dans la Seine. Il la sauve. Mais c’est elle, Angela (Rie Rasmussen) qui, étendant ses ailes salvatrices, l’aidera à s’aimer. Angel-A, féerie en noir et blanc, permet à Jamel Debbouze de montrer l’étendue de son talent dramatique. Rencontre avec « un cas exceptionnel » comme il s’amuse à se définir, et, plus sérieusement, avec un homme bien.

Luc Besson vous offre avec Angel-A votre premier rôle dramatique. Une appréhension au départ ?
Aucune, je n’ai retenu que l’opportunité artistique.

Partagez-vous des points communs avec André ?
C’est un looser qui ne s’aime pas, qui baigne dans un univers froid. Moi, j’ai toujours reçu l’amour de ma mère et le soutien de ma famille. J’ai eu beaucoup de chance de ce côté-là. Alors, un mec qui veut se suicider parce qu’il est au bout du rouleau, c’est un sentiment que je n’ai jamais ressenti. J’ai vécu dans un bidonville à Casa, puis à Barbès et, enfin, en banlieue, à Trappes. Chez les pauvres, j’ai connu toutes les classes ! Et je ne connais pas de pauvre qui ait envie de se suicider. Dans mon univers, on était plus occupé à chercher de quoi manger ou à trouver de la chaleur.

Lorsque Angela vous demande d’apprendre à vous aimer, on sent chez vous une vraie douleur et vos larmes ne sont pas du cinéma. Bien dans votre peau ?
J’ai appris à m’aimer le jour où je suis monté sur scène. J’ai réussi à affronter d’autres regards, à assumer qui j’étais. Et à être fier de mon appartenance.

Vous êtes riche de deux cultures, française et marocaine. Et d’autres encore : la culture de la rue et celle, aujourd’hui du VIe arrondissement ! Vous habitez à Saint-Germain-des-Prés alors que vous aviez toujours dit que vous ne quitteriez pas Trappes. Pourquoi avoir changé d’avis ?
A partir du moment où, le dimanche matin, on est réveillé par les voisins qui vous demandent de les aider à renouveler la carte grise à la préfecture de police ou de changer la bougie d’une Citroën, ce n’est plus possible. On me prenait pour le mécano, le MacGyver du cinéma français !

Vous avez toujours voulu rester en dehors de la politique. Le temps est-il maintenant venu de vous impliquer ?
La politique m’intéresse parce que j’ai une conscience politique. Cela fait vingt ans que j’en fais à travers mes spectacles et que je suis dans les circuits associatifs.

De quelle association vous occupez-vous ?
De L’Heure joyeuse, qui aide les enfants des rues, les femmes maltraitées, les filles-mères. Elle oeuvre en France comme au Maroc. Je souhaite étendre son action en créant une fondation. Par ailleurs, je suis le parrain du collectif Devoir de mémoire. Nous voulons faire prendre conscience aux gamins de quartier que la seule manière d’être efficace, ce n’est pas de brûler les Fiat Panda mais d’aller voter. Ils doivent aller s’inscrire avant la fin de l’année.

En 2002, vous votiez pour Jacques Chirac.
On n’avait pas le choix.

Et en 2007 ?
On votera pour ceux qui feront le moins de promesses et qui les tiendront ! J’ai confiance. Je crois en la France. J’ai grandi ici, vécu ici, je suis un « icissien ». Traiter la banlieue comme un cas à part, c’est déjà être dans le faux. Sinon on continue à créer des clans, on se tire une balle dans le pied. Nous faisons partie intégrante de la force française.

C’est dans cette optique que vous avez produit et joué dans Indigènes, de Rachid Bouchareb ?
Oui, c’est un devoir de mémoire et un hommage aux tirailleurs marocains, algériens qui étaient en première ligne dans l’armée du général Juin en 1944 face aux troupes allemandes en Italie. Dans les archives du ministère de la Guerre, j’ai retrouvé le nom de mon arrière-grand-père, Said Dabbouz, qui avait combattu lors de la Première Guerre mondiale. Il se sont fait tuer pour défendre la mère patrie. Si on prend en compte le sacrifice de ces hommes, on s’aperçoit à quel point on est français.

Lorsque Le Figaro a publié le montant de votre cachet, plus de 2 millions d’euros, pour Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, d’Alain Chabat, il paraît que vous étiez furieux.
Non, jamais de la vie ! Le jour de la sortie de l’article, j’étais au Festival de Cannes. Je marchais fièrement avec Le Figaro sous le bras. Et j’ai « pécho » plein de gonzesses ! (Rire.) Ce qui m’énerve, c’est que, encore aujourd’hui, les journalistes me demandent combien je prends par film. Ce n’est pas une question qu’ils posent à mes collègues !

C’est grâce à ce cachet que vous avez acquis votre palais à Marrakech ?
Oui, c’est ma « Chabat House » ! Je l’ai offerte à ma famille. J’ai pris beaucoup de plaisir à la décorer. Même si j’adore chiner à Saint-Ouen, j’ai pratiquement tout fait réaliser sur place. J’avais engagé soixante artisans qui ont travaillé pendant huit mois dans mon jardin à fabriquer des meubles.

Vous êtes aussi bon que Numerobis, l’architecte ?
J’ai moins de talent que lui ! (Rire.)

A Marrakech, vous avez huit personnes à votre service.
L’ancien propriétaire voulait les virer.

Quel genre de patron êtes-vous ?
Un patron exploité ! Et le directeur d’une MJC.

Comment ça ?
A partir du moment où il y a des activités, je suis content. Il y a le « dormage », le « parlage », le « théiage à la menthe », sans oublier le « bouffage » avec le tajin au maksoul.

Au fait, avez-vous un ange gardien ?
Oui, j’ai fait sa connaissance le 18 juin 1975 à Paris, le jour de ma naissance. Il s’appelle Fatima Debbouze et c’est ma mère. Une femme qui a toujours le sourire, qui dédramatise et désamorce les situations les plus graves. Une belle leçon de vie reçue en héritage.

Emmanuèle Frois
Source : Le Figaro

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com