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Ben Barka: «J'ai vu tuer...», le film d'un scénario piège


Le Péron raconte le guet-apens tendu à Ben Barka: le faire participer à un documentaire.

J'ai vu tuer Ben Barka
de Serge Le Péron, avec Charles Berling, Jean-Pierre Léaud, Josiane Balasko, Fabienne Babe, Simon Abkarian... 1 h 41. Sortie mercredi.

Quand il fut enlevé devant la brasserie Lipp, à Paris, le 29 octobre 1965, Ben Barka avait rendez-vous avec le cinéaste Georges Franju. C'est en partant de cette étrange rencontre qui n'eut jamais lieu que Serge Le Péron redéroule le fil de ce qu'on appela «l'Affaire Ben Barka». Cette affaire fit une autre victime, «suicidée» d'un coup de revolver en janvier 1966 dans son studio parisien : Georges Figon, un dandy au passé douteux, habitué des escroqueries minables, proche du Milieu mais bénéficiant de l'intérêt d'intellectuels.
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Le Péron commence son film en tournant autour de ce cadavre, qui, en voix off, évoque son destin fatal de loulou à la manière d'un film noir façon Sunset Boulevard. Figon y raconte son histoire, lui qui, début 1965, à la recherche d'un coup juteux, se lance dans le cinéma et trouve de mystérieux financiers pour un documentaire sur la décolonisation à tourner d'urgence. Figon réunit un casting de rêve : Franju ­ cinéaste (les Yeux sans visage,...) et documentariste renommé (le Sang des bêtes, le TNP...) ­ à la réalisation ;Duras ­ écrivaine, scénariste (Hiroshima mon amour) et militante (le «Manifeste des 121» contre la guerre en Algérie) ­ aux commentaires ; et Ben Barka en «conseiller historique». On aurait aimé voir le film, dans l'esprit du «nouveau cinéma» qui souffle alors sur le septième art. On ne le verra jamais car c'est un leurre des meurtriers de Ben Barka pour l'émoustiller et le conduire à un vrai-faux rendez-vous.

J'ai vu tuer Ben Barka tient une note juste car elle est la composante de tonalités contradictoires. Une reconstitution jusqu'aux détails (Le Péron a tourné chez Lipp, dans le studio de Figon et la villa Bouche-seiche où fut tué Ben Barka). L'extravagance d'un récit de polar, que fut l'affaire elle-même, décrite comme telle dans ses confessions par Figon, ce que rend la construction du film en points de vue enchâssés. Et une incarnation cinématographique assez miraculeuse : Charles Berling en Figon, Josiane Balasko en Duras, Simon Abkarian en Ben Barka, aux antipodes physiques du personnage mais traversé par le tragique de l'histoire. Et Jean-Pierre Léaud en Franju : cinéaste lyrique et poète halluciné, puis manipulé, porté par une croyance qui l'aveugle, celle placée dans le cinéma. Mais un cinéma qui peut tuer au nom de son idéal.

Source: Libération

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