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Marock, chroniques d’une jeunesse dorée

1997, la fête bat son plein dans une discothèque tandis qu’un vieil homme fait sa prière entre les voitures. Ghita, une adolescente casablancaise se fait surprendre par un agent de police en pleins ébats amoureux avec un garçon de sa bande. Sa révolte arrogante vis-à-vis de l’agent laisse deviner ses origines bourgeoises. L’argent peut tout acheter... même la conscience d’un policier.

La couleur est ainsi annoncée dès le début du film «Marock» de Laïla Marrakechi présenté en avant-première marocaine, mardi 19 juillet, dans le cadre du festival de Casablanca.

Présenté dans la section «Un certain regard» et en compétition pour la Caméra d’or lors du Festival de Cannes, «Marock» est le premier long métrage de la réalisatrice. Pour cette nouvelle expérience, elle a choisi de raconter ses 18 ans.

Biographique, le film décrit le vécu insouciant de la jeunesse dorée de Casablanca. Au temps du bac, Ghita, ses copains et copines affrontent, chacun à sa façon, les angoisses du passage à l’âge adulte. Quand les uns optent pour l’alcool, la drogue ou le sexe, les autres retournent aux sources. La révolte de Ghita contre les valeurs traditionnelles de sa société est, en quelque sorte, freinée par la spiritualité religieuse de son frère «Mao».

Tourmenté par ses remords, le jeune garçon qui vient de débarquer d’Europe essaie de trouver refuge dans la religion. Il ne s’est jamais pardonné le meurtre d’un jeune bidonvillois alors qu’il conduisait complètement ivre. Sa profondeur apparente sert de contrepoids à l’émancipation superficielle de sa sœur et de ses amis. Une microsociété schizophrène qui paye cher cette dualité culturelle maroco-occidentale.

Quand Ghita, l’arabe musulmane, tombe amoureuse d’un Youri Benchetrit, Juif-Marocain, c’est le basculement de tout un monde érigé sur des bases qui s’avèrent fragiles. Incapables d’assumer une telle «révolution», les deux amoureux redoublent d’ingéniosité pour détourner les interdits sociaux… provisoirement. Car le père de Ghita, qui était jusqu’alors absent de la scène, fait son apparition d’une façon violente pour rappeler sa fille à l’ordre.

La provocation dont regorge le film prend les allures d’une revanche contre l’hypocrisie sociale. Mots crus, scènes assez osées pour un film marocain, attitude choquante (quand Ghita en short cherche son jean en passant devant et au-dessus de son frère qui prie tout en l’insultant pour ça), le film laisse perplexe quant aux attentions de ses créateurs.

Si l’objectif est de défendre le comportement d’une jeunesse tiraillée par ses référentiels culturels trop complexes et difficiles à assumer, le reproche de manque de moralité flagrant peut donner un résultat contraire. Le film, qui s’achève sur un accident mortel de la route de Youri, laisse croire que la mort était la seule solution pour ce casse-tête social et religieux. L’éventualité d’un «suicide passionnel» réconforte dans cette impression de désespoir. Même si Ghita continue son bonhomme de chemin et part en France pour compléter ses études.

«Marock», est un conte urbain à la teinte bourgeoise. Il offre une autre vision du Maroc et de ses composantes. Les jeunes acteurs, qui n’ont jamais joué auparavant, ont interprété leur rôle avec authenticité. Morjana Alaoui (Ghita) et Assâad Bouab (Mao) jouaient avec une justesse troublante. Belle découverte.

Hayat KAMAL IDRISSI
Source : L'Economiste

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