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Atlas de l’émigration marocaine : Un traité de géographie humaine

L’Atlas de l’émigration marocaine en Espagne est une œuvre collective d’envergure qui a tenu la promesse de faire une radiographie précise de ce phénomène. En fait, elle est allée bien plus au-delà: dans la description des différentes régions d’origine de l’émigration marocaine, de ses causes, de ses motivations et de son accueil dans les pays destinataires.

L’originalité du travail, dirigé par les Pr Bernabé Lopez et Berriane pour coordonner deux équipes de travail, l’une au sud et l’autre au nord du détroit, est remarquable parce qu’il fait appel à plusieurs spécialités, bien que les méthodes de la sociologie politique et de la géographie soient dominants. La richesse du travail, mais aussi ses quelques insuffisances, proviennent de ce choix.

Le noyau de l’ouvrage est constitué par l’étude de l’émigration à travers ses lieux d’origine. La démarche est celle du géographe qui privilégie autant les potentialités et les handicaps de la région considérée que la configuration de sa démographie. A ce stade, l’Atlas se convertit en un traité de géographie humaine. D’où son utilité principale.

Le Maroc ne dispose pas vraiment d’ouvrage de référence géographique fournissant une vue générale de l’ensemble de ses régions: cartes bien faites à l’appui, avec leurs caractéristiques dont le relief, les données climatologiques, la cohérence ou incohérence territoriale, le potentiel agricole, la variété des cultures, le tourisme, les structures et la production industrielle, l’urbanisme ou les avantages qui peuvent être tirés de leur positionnement géographique. Dans ce noyau dur, l’ouvrage consacré à l’émigration se transforme en Atlas tout court du pays, présenté de part en part sans toutefois, et c’est cela qui est judicieux dans ce travail, que la question de l’émigration éclipse les autres problématiques de son ensemble territorial.

Mais l’émigration reprend sa place centrale dans la partie suivante de l’ouvrage, lorsqu’il s’agit de traiter des lieux de destination et d’accueil de la population immigrée. A ce niveau, l’étude est fouillée et pleine d’enseignements sur les métiers, le travail et le rôle que celle-ci est appelée à y jouer.

C’est l’occasion à ce sujet de traiter aussi des réactions des populations locales des lieux d’accueil à l’égard des nouveaux venus: le sujet est traité sans tabous et ne cache ni les réactions normales ni celles marquées par la méfiance, le racisme ordinaire ou la xénophobie. Sur tout cela est posé un regard marqué par une grande dose d’objectivité.

Une drôle de loi

Pourtant, il reste des aspects qui auraient mérité meilleur traitement. S’il faut saluer le travail des géographes lorsqu’ils ont traité des questions de leurs spécialités ou des politologues pour les questions qui entrent dans leurs domaines de compétences, il est aussi des sujets qui ont eu moins de chance. Il s’agit particulièrement de la question du statut légal de l’émigration du point de vue marocain.

Le Maroc a promulgué en 2003 une nouvelle loi relative à l’émigration. Il y est fait allusion. Mais de façon anecdotique. Cette loi est pourtant d’une importance cruciale, relever par exemple qu’il est aberrant pour un pays d’origine de l’émigration (bien qu’il tende à devenir pays de transit aussi), d’y promulguer une loi en copiant celle des pays européens. C’est une loi marocaine mais en fait elle est à maints égards valable plutôt pour les pays d’accueil. Le Maroc de ce point de vue a procédé comme s’il était un pays de Schengen.

Mohammed LARBI BEN OTHMANE
Source : L'Economiste

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