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“Voyage dans la France musulmane” de Sadek Hajji et Stéphanie Marteau

“On ne demande pas les tendances sexuelles des gens, pourquoi on m’interroge sur mon origine?”. Fayçal, jeune français de culture musulmane est furieux que la France se pose encore de telles questions.

Comme la centaine de personnes interrogées par notre confrère Sadek Hajji et Stephanie Marteau, Fayçal ne comprend pas que la question puisse toujours se poser dans la France de 2005. Il se sent français et comme l’écrasante majorité des jeunes français de culture musulmane, Fayçal estime n’être pas concerné par les débats sur l’intégration. “Intégration, tout le monde sait que c’est bidon, alors maintenant on sort un autre mot, on dit citoyenneté”, déclare un autre jeune employé de la mairie de Lille, qui ajoute: “Le problème, c’est pas d’être moins français que les autres, c’est d’être moins riches que les autres. L’Etat au lieu de régler les problèmes, joue au Scrabble”.

Les témoignages recueillis par Sadek Hajji et Stéphanie Marteau sont à la fois drôles et poignants. Ils tiennent leur force de la spontanéité des émetteurs rencontrés dans les quatre coins de la France, devant les mosquées, dans les bars, à la sortie des collèges, chez les gens ou encore dans les cités.

Il y a dans ce “Voyage dans la France musulmane” de Sadek Hajji , notre correspondant en France, et Stéphanie Marteau, journaliste indépendante, un soupçon du superbe “la Misère du Monde” de Pierre Bourdieu. “Voyage dans la France musulmane” n’est certes pas un ouvrage sociologique: il n’y a pas eu d’échantillonnage et les gens rencontrés l’ont souvent été par hasard. Mais, le soupçon de ressemblance avec “la Misère du Monde” vient de la qualité et de la spontanéité des témoignages de ces dizaines de personnes rencontrées aux Minguettes à Venissieux d’où était partie la marche des Beurs dans les années 80, mais où se concentrent de nombreux fidèles aux discours très alambiqués de Tarik Ramadan, à Strasbourg, Mulhouse , Paris ou encore Lille. Chaque témoignage est unique parce que chaque personne rencontrée raconte son rapport individuel à la France.

Ceux qui prennent la parole, le font parce que c’est la première fois, ou presque, qu’on leur demande de s’exprimer sur leur lien à la France en tant que français. Cela va du salafiste pur et dur qui, tout en rejetant la violence, choisit de vivre en marge de la société parce qu’il ne se sent pas “Français, mais seulement musulman” à l’athée, l’agnostique ou celui ou celle qui ne désire qu’une chose: vivre comme un citoyen français normal sans l’étiquette français d’origine marocaine, algérienne ou turque..., de celui qui se dit prêt à voter Le Pen (extrême droite-raciste) parce que c’est “le seul qui soit pour le voile et qui veuille des femmes décentes” au militant extrême gauchiste, socialiste ou de l’UMP (droite au pouvoir). Le constat qui se dégage de ce “Voyage dans la France musulmane” est rassurant parce qu’il démontre que les Français de culture musulmane ne forment pas un bloc homogène, mais au contraire une diversité qui est à l’image de la société dans laquelle ils se meuvent. Majoritairement en quête d’une citoyenneté à part entière, ils réfutent l’image véhiculée par les médias et les politiques qui est donnée d’eux parce que non conforme à ce qu’ils sont.

Un livre à lire parce qu’il a le mérite de faire voler en éclats tous ces clichés qui handicapent les sociétés d’aujourd’hui.

Amina TALHIMET
Dource : Libération - Maroc

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