L'affaire du vol de la vaisselle royale et la presse marocaine

Bien qu’il s’agisse d’«affaires royales», autrement dit d’une importance capitale pour Le Matin Du Sahara, ce dernier s’est contenté de reprendre une petite dépêche de la MAP.
Ce qui est sûr, c’est que le personnel de la résidence y est pour beaucoup dans ces vols. Chose «Difficilement digérable» pour Aujourd’hui Le Maroc : «Comment se fait-il que les serviteurs des demeures royales se permettent de basculer dans ce genre de comportement ?». Le journal n’est en est pas au bout de ses interrogations. En effet, si la question de vol est avérée, celle de recel est objet à controverses.

Plusieurs personnalités liées à cette affaire ont été entendues par la police. Mais la presse marocaine ne semble en voir qu’une seule: Fadel Iraki, parce que actionnaire principal du Journal Hebdomadaire et Assahifa. Pour les deux journaux en question, les coups pleuvent de partout. «L’implication de Fadel Iraki a été instrumentalisée par certains media affidés à l’Etat» arguent-ils. La MAP aurait jeté en pâture ce «simple collectionneur d’objets d’arts» en affirmant prématurément qu’il était «impliqué» dans cette affaire de vol et surtout en forçant le lien qu’il entretient avec «le Prince rouge» Moulay Hicham, cousin germain du Roi. Ces détails sont cités non seulement par la MAP, mais aussi par l’AFP, comme si c’était «une situation aggravante» estime le journal.

La Gazette du Maroc, elle, publie un entretien avec Fadel Iraki où il affirme «avoir été cité arbitrairement dans cette affaire». Il ajoute être «un acheteur de bonne foi qui n’a eu aucun soupçon au moment de l’opération de vente sur le circuit frauduleux qu’auraient emprunté les verres incriminés». Maroc hebdo International en fait même la couverture de son numéro où Fadel Iraki s’explique. L’hebdomadaire se livre à un récit très minutieux de «cet épisode à sensation» qu’a vécu «ce magnat de la presse à la sensibilité à fleur de peau». C’est « Une tempête dans un verre de thé », à en croire le journal, qui en se livrant à ce mélodrame un peu particulier, ne rappelle que furtivement son chroniqueur Mustapha Sehimi, également cité dans cette affaire.

La Nouvelle Tribune apparaît très soucieuse du devenir de la presse au Maroc. «Fadel Iraki doit quitter la presse», question d’éthique, bien sûr. « Quelle crédibilité accorder à la ligne éditoriale du "zorro" de la presse (le Journal Hebdomadaire) quand son copain et co-actionnaire se fait receleur d’objets volés dans une résidence royale ? ». Beaucoup seront peut être déçus, mais les acheteurs finaux de cette vaisselle ne seront pas poursuivis, vu que le Palais renonce à se constituer en partie civile. Le bouc émissaire de cette affaire n’a donc plus rien à se reprocher.

La presse étrangère a également eu vent de cette affaire. Le Monde affirme que «l’héritage d’Hassan II agite toujours le Maroc». En effet, les vols dans les palais royaux font de plus en plus les choux gras de la presse. Chose dont s’étonne Jeune Afrique l’Intelligent, considérant cela comme un fait nouveau pour le Maroc : «On vole dans les palais royaux et la presse en parle…».
La presse marocaine a fait bien plus qu’en parler. De la vaisselle volée du Palais Royal de Rabat, on se retrouve avec un mélange d’arrestations, d’interrogatoires, de boucs émissaires (ou plutôt d’un bouc émissaire), de torture, de règlements de comptes, de fausses news…Le tout bien assaisonné «à la marocaine», ce qui à une incroyable capacité à surdimensionner les choses. Nos chers journaux n’y sont pas allés de main morte. L’affaire a été «analysée» en long, en large et surtout de travers.
C’est à une presse nettement immature que l’on doit le show de ce début de Ramadan, comme quoi les feuilletons médiocres ne passent pas qu’à la télé.

Salma Daki
Copyright Yabiladi.com