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Les MRE et le Maroc : Voter ? Oui, mais…

Le recours devant la Cour suprême de Rabat en 2002, assignant en justice le Premier Ministre de l’époque, Abderrahmane Youssoufi pour l’exclusion des marocains résidant à l’étranger (MRE) des élections, a ouvert une vaste offensive pour l’obtention du droit de vote. Cette offensive a été menée par le milieu associatif marocain à l’étranger pour l’essentiel. Les partis politiques ont encore une fois démontré leur incapacité à relayer les préoccupations citoyennes. La décision royale récente accordant le droit de vote au MRE a mis fin au feuilleton revendicatif. Les choses sérieuses pourront commencer en vue des élections de 2007. Si la revendication paraît légitime et l’octroi du droit de vote au MRE est considéré comme une reconnaissance, nombreux sont ceux qui se posent des questions sur l’organisation pratique des élections, sur les candidats potentiels…
Pour en savoir plus, nous avons interrogé les internautes dans le cadre de nos enquêtes interactives mensuelles. Plus de 1100 participants ont répondu. Analyse...

A l’évidence, c’est l’enthousiasme qui l’emporte. L’octroi du droit de vote à la communauté marocaine de l’étranger a déclanché un tonnerre d’applaudissements chez les premiers concernés. En effet, ils sont plus de 68% à manifester leur volonté de participer au processus électorale de 2007. Mohamed, militant syndicaliste et élu dit toute sa satisfaction « C'est une très bonne initiative que de rétablir le droit de vote aux marocains résidents à l'étranger. Mieux ils peuvent être candidats. Notre citoyenneté est rétablie, à nous maintenant de nous prendre en charge et d'agir en tant que citoyenne et citoyen pour le bien être de toutes et tous » et d’ajouter « préparons nous à cette nouvelle situation... Aller voter ». Malgré la satisfaction générale, certains relativisent cette avancée en la replaçant dans le contexte politique marocain de manière générale, Marwane, quant à lui, considère que « ce geste est une bonne avancée et une reconnaissance de nos droits en tant que citoyen marocain même si nous sommes un peu éloignés de notre pays. Maintenant il est vrai que c'est un droit que je considère uniquement symbolique car aujourd'hui le pouvoir qui est accordé aux citoyens marocains, RME ou non, est très dérisoire » mais le jeu en vaut la chandelle d’après cet internaute « il faut quand même en user en espérant que la distance qui nous sépare d'une véritable représentativité du peuple dans les instances dirigeantes soit réduite le plus rapidement possible », voilà qui est dit ! Il ne s’agit pas de voter pour voter mais pour faire entendre sa voix par le biais d’une représentation nationale.

La représentativité, il en est justement question dans les milieux de l’immigration. Plus que jamais la bataille est lancée. Les MRE seront représentés au parlement comme tous le marocains ainsi qu’au sein du conseil supérieur de l’émigration crée pour l’occasion. Ce conseil dont on ne connaît pas les modalités de constitution si ce n’est que le roi va nommer ses membres, crée de l’agitation chez certains acteurs de l’immigration. Chacun revendique sa part. Amazigh, un proche du Congress « Congrès des citoyens d'origine marocaine »-une association qui se veut un interlocuteur privilégié
des autorités marocaines- revendique la paternité du congress dans la création du conseil supérieur, « le Congress a fait de cette question son fer de lance depuis sa création en 2001, il était le seul à avoir présenter le projet du Conseil Supérieur de l'émigration et le roi et effectivement pris en considération ce projet... ».

Le principe de participation des MRE dans la vie politique marocaine étant acquis, la tension va monter crescendo. Les partis politiques marocains, en très large perte de vitesse au Maroc comme à l’étranger peinent à se réimplanter dans l’hexagone. La poignée de militants gauchistes qui fréquentent les rares activités politiques organisées en France, n’a aucune assise dans l’immigration d’aujourd’hui. Le milieu associatif vit les mêmes problèmes. Les dernières tentatives destinées à rassembler les marocains en France ou dans « le monde » menées par le conseil des marocains de France (CNMF) « crée en 2003 » ou le Congress sont également minées par les ambitions personnelles et noyautés par « les barons de l’immigration » présents partout et nulle part !

Cette situation fait craindre à Amazigh, la mise sous tutelle des MRE « Quel est le risque aujourd'hui? Nous risquons comme ce fut le cas par le passé que ceux qui sont concernés par le conseil et le vote aux législatives soient une fois de plus récupérés manipulés et traités comme des mineurs qu'il faut prendre sous sa tutelle:
Le gouvernement ou le palais peut sortir de sous son chapeau une liste de personnalités qui siégeront au conseil sans qu'ils aient une réelle assise au sein de la communauté établi à l'étranger », mais qui a une réelle assise au sein de la communauté ? La question mérite réflexion.

Les détracteurs de la participation à ce processus ne sont pas nombreux, mais déterminés, en effet, ils ne sont que 12%. Certains trouveront que c’est déjà beaucoup au regard de l’enjeu « l’obtention d’un droit essentiel à la vie démocratique ». Jawad lâche son argumentaire « Un simple petit avis de jeunot qui vient à peine de voter pour la première fois lors du référendum de M. Chirac. Déjà qu'on n'use même pas, si ce n'est très peu de nos droits de vote ici, en France, pays où l'on réside 11 mois sur 12, alors comment exploiter ce nouveau droit? C'est bien, on va pouvoir voter, mais pour qui? Pour quoi?
Voila, ce n'était que le simple message d'un petit jeune banlieusard; je peux retourner à mes occupations ».

Ce témoignage résume à lui seul la mutation de l’immigration marocaine, pendant que les premières générations continuent à batailler ferme pour leurs droits au pays, les autres générations (plus nombreuses) regardent plus prés de chez elle, les attaches sont plus nombreuses dans leur pays de naissance et la citoyenneté n’est pas encore acquise même au sein de l’Union Européenne « havre de paix et de démocratie ». L’élite politique marocaine ne semble pas prendre la mesure de cette mutation. Les politiques ne cessent de faire des diagnostics, très justes au demeurant, mais force est de constater l’immobilisme généralisé. La question qui reste posée : Y a-t-il une vraie volonté de faire participer les jeunes générations de l’immigration à la vie politique marocaine ?

Ils sont encore plus nombreux à manifester de l’indifférence à l’égard du droit de vote, 20% ne se sentent pas concernés. Timilia « pense que c'est une bonne chose, pour nos parents qui connaissent déjà les hommes politiques du Maroc. Pour nous, enfants du Maroc, nés en France ou un autre pays, je pense que c'est plus compliqué », la raison semble d’une frappante évidence « Pour beaucoup, je suis certaine que cela ne changera rien dans leur vie » mais Timilia concède qu’ « il faut s'intéresser à la vie politique du Maroc, lire la presse marocaine, et ça, je sais que moi-même je ne le fais pas, mis à part quand je suis en visite chez mes parents ». Les rencontres avec le Maroc ont jalonnés la vie de beaucoup de jeunes nés hors du Maroc, ces rencontres se traduisent souvent par une passion pour le pays, sa culture, ses petits gens, et un rejet presque maladif du système politico-administratif. Ils sont trop marqués par les humiliations des parents aux portes du Maroc, sur ses routes, au sein de ses administrations, pour croire au changement surtout quand ils vivent dans le détachement permanant, ne s’informant sur le Maroc que par intermittence. Dounia résume l’hésitation des jeunes marocains de l’immigration « Je ne dis pas que c'est un mal, mais qu'encore faut-il que les marocains vivant à l'étranger aient un réel intérêt pour la vie politique marocaine, surtout en voyant toute cette corruption qui sévit lors de leurs séjours ».

Si l’écrasante majorité accueille très favorablement cette mesure tant attendue, il n’en reste pas moins qu’au moment de passer à l’acte « vote », ils seront nombreux à hésiter. Les questions logistiques, les relations tendues avec nos consulats, le manque de confiance, le manque d’intérêt pour la vie politique marocaine, la prolifération de représentants autoproclamés des MRE, sont autant de raisons qui risquent de transformer ce plébiscite en échec cuisant. Si les partis politiques et le gouvernement veulent réellement une représentation digne des trois millions de citoyens établit à l’étranger, il est plus que nécessaire de changer de méthode, d’abandonner la logique clientéliste et d’avoir une véritable vision stratégique. Le traitement du dossier MRE ne laisse guère d’espoir, excepté l’opération de transit (plus ou moins réussie), le reste laisse à désirer. Il est vrai que le Maroc est en « transition », c’est entendu ! Mais confier les affaires des MRE à un ministère sans budget ni stratégie c’est le contraire de toutes les promesses, c’est le discrédit !

Rachid
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