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Femmes et médias au Maroc, quelle réalité ?

« Les journalistes devraient être la mémoire de leur peuple, et le sont, le plus souvent »
Michel Jobert

Les femmes constituent prés de la moitié de la population marocaine. Leur condition est en interaction avec les structures économiques, politiques et sociales.
Evoquer la place qu’elles occupent dans les médias au Maroc, impose de remonter dans l’histoire de ce pays métisse, plonger dans sa sociologie et puiser dans sa culture.
Toutefois, la diversité des femmes et les situations contradictoires dans lesquelles elles se trouvent créent de grandes difficultés pour ceux qui tentent d’évaluer et de promouvoir leurs progrès.

La femme est sous-représentée dans la société et elle l’est encore plus sur ses lieux de travail. Son combat s’inscrit sur deux fronts. D’une part, celui pour défendre ses droits et d’autre part, utiliser sa plume qui constitue sa force et son ultime arme pour défendre la situation de la femme marocaine et accompagner le développement.
Et pourtant, le chemin de la femme journaliste est jonché de batailles et de luttes pour la liberté d’expression et la promotion des droits. Des femmes comme Malika Al Fassi, Khnata Bennouna ou encore Aïcha Mekki ont consenti de nombreux efforts, sacrifiant temps et énergie pour que les femmes aient droit de cité.

Résultat : Plus de droits et un terrain balisé pour l’essor de la presse féminine. Aujourd’hui, on retrouve des femmes journalistes dans toutes les rédactions et quelquefois, bien que rarement, à des postes de décision. Il est vrai cependant qu’elles continuent de souffrir d’injustice et de sexisme.
L’histoire de la presse conjuguée au féminin est riche en événements et si la situation de la femme journaliste en est encore à ses balbutiements, vu l’inégalité des chances qui n’est sans doute pas une exception de ce domaine, celle-ci a fourni beaucoup d’efforts et a pu montrer qu’elle mérite tout poste qu’on lui confie même si les postes de responsabilité ne sont pas vraiment monnaies courantes. Elles ont fait leurs preuves dans tous les domaines, l’économie et les finances, la santé, le sport et bien sûr la politique et la culture.
Timides au début car se préoccupant seulement des arts et des affaires de société, les plumes féminines se sont renforcées avec le temps. Elles se spécialisent et touchent à tous les domaines, le bâtiment, le sport, l’économie et la politique et la plume timide du début a fait preuve de beaucoup de courage et de force et a fini par s’imposer.
L’arrivée en force des revues dites féminines, à rapprocher la femme de ses préoccupations. Tous les mois, les lectrices ont droit à une belle femme en une, de belles pages modes, des sujets sur la sexualité, le mariage, le prince charmant mais aussi le code de la famille et la transmission de la nationalité. La femme a un grand rôle à jouer et les médias sont le pont.
La presse audiovisuelle a suivi cet élan, des voix féminines enregistrent de grands taux d’audience et leurs émissions ont beaucoup de succès. Elles informent, dénoncent, elles constituent surtout un relais entre l’opinion publique et les faiseurs de l’actualité.
Toutefois, leur présence est encore marginalisée dans les rédactions, car rares sont les femmes qui ont pu atteindre un poste de responsabilité.

D’ailleurs, l’intérêt des médias pour la question de la femme était placé, pendant des années, sous le signe du militantisme. Les différentes publications ou émissions télévisées et radiophoniques n’abordaient les sujets se rapportant à la femme que sous l’angle du plaidoyer et de la revendication. La situation de la femme dont les droits étaient bafoués y était pour beaucoup.
Des intellectuels et des acteurs associatifs, dont une grande majorité de femmes, ont investi la presse pour faire entendre leur voix et leurs efforts longs et ardus ont fini par donner leurs fruits. Aujourd’hui les magazines et les programmes adressés aux femmes et à leurs préoccupations sont plus nombreux et ont changé de ton. Dans les publications dont les titres définissent d’emblée la cible, un peu moins de poings levés et plus de rubriques dites légères. Les droits de la femme ayant connu quelques améliorations au fur et à mesure, il était normal que la presse accompagne cette évolution.
En 2003, le nombre de journalistes femmes présentes dans le paysage médiatique marocain était de 459 journalistes soit 23,57 %. Tout en sachant qu’en 2000, elles n’étaient que 324 soit 24, 39 % des journalistes marocains, selon des statistiques du ministère de la communication.
Pourtant seul le nombre des publications autorisées en 2003 était de 641, ce qui veut dire que la télévision, la radio et la presse électronique pourtant en voie de développement au Maroc ne sont pas prises en considération dans ce chiffre (641) et ce qui suggère aussi que le nombre des journalistes dépasse ce chiffre.

La femme dans les médias est aussi celle qui fait cette actualité, grâce à laquelle des pages sont écrites, des reportages réalisés et des émissions animées. Elle constitue cette matière première pour le travail journalistique, les questions politiques, les campagnes publicitaires à cause ou grâce, c’est toutefois relatif au contexte, à des atouts physiques qui font d’elle inconsciemment et des fois de plein gré un corps sans âme.
Bref, depuis qu’elle a su hausser le ton, réclamer ses droits, transcender les frontières de son pays et attirer le regard attentionné de la scène internationale, la question de la femme constitue plus une carte politique qu’un vrai débat et une réelle problématique liée et faisant partie intégrante d’un puzzle appelé « Société ».

La femme marocaine a fait preuve de beaucoup de maturité. Elle n’a pas eu peur de s’ouvrir sur un monde inconnu. Si, dans les villes ses exploits sont énumérés et la presse en fait l’éloge, dans les campagnes et zones reculées du Maroc, la femme est active à sa manière. Ses progrès ne sont cités dans aucun manuel et le mode d’emploi ce n’est qu’elle qui en détient les secrets. La différence demeure toutefois, dans le fait que la femme rurale en majorité ne réclame pas sa libération à l’image de sa concitoyenne dans le milieu urbain.
Et pourtant, elle collabore depuis des siècles au progrès et ce à tous les niveaux. La première université marocaine a été initiée par une femme.
Au milieu du IXème siècle, Fatima Al Fihrya a construit l’université Al Quaraouyine, un joyau architectural et un centre d’éducation islamique et de savoir religieux depuis le moyen âge qui illumine par sa présence la capitale spirituelle du Maroc, Fès .
Une autre femme marocaine s’est démarquée pendant l’empire Al Moravide. Zineb al Nafzaouia, épouse de Youssef Ibn Tachafine a su grâce à sa diplomatie et ses conseils préserver l’empire et aider son mari à maintenir son pouvoir en place.
Au XVIIIème siècle, l’épouse de Moulay Ismaël , Khnata Bent Bakkar prend les règnes du pouvoir pendant 25 ans après le décès de son mari alors qu’elle occupait le poste de ministre et secrétaire personnelle de ce dernier.
L’année 1912 marqua la colonisation du Maroc. Les français s’y installent et le pays est en crise. La participation des femmes alla de pair avec celle des hommes. Leur contribution fut énorme aux côtés de Abdelkrim Al Kattabi dans la guerre du rif et en 1913, une énorme manifestation contre le colonialisme a lieu à Kenitra. Cette manifestation était à l’initiative des femmes.

C’est dire que contrairement aux discours véhiculés aujourd’hui, la volonté de la femme Marocaine de faire entendre sa voix ne date pas d’hier, elle est bien plus ancrée et si aujourd’hui le combat continu c’est bien dans le soucis de préserver les efforts consentis par de grandes dames qui ornent notre histoire. Citons l’exemple de Malika El Fassi, la première femme journaliste, aujourd’hui âgée et épuisée, mais savoir que des femmes comme elles ont existé est rassurant et encourageant car c’est un catalyseur pour aller de l’avant et s’investir encore plus pour pouvoir passer le flambeau aux générations futures, un flambeau digne de ce nom.

Meryem kaf
Journaliste - Chercheur à l’Institut français de géopolitique
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