Alors que de nombreux pays de l'Afrique subsaharienne œuvrent au renforcement de leur démocratie, le Zimbabwe semble se précipiter tête baissée dans la direction opposée, a déclaré, le 23 février, le sous-secrétaire d'État adjoint aux affaires africaines, M. Thomas Woods, lors d'un colloque organisé par l'American Enterprise Institute de Washington.
Alors qu'ailleurs, notamment au Ghana, au Niger et au Malawi, les « élections libres et justes » sont en train de devenir la norme, le gouvernement du Zimbabwe « est maintenant devenu un exemple classique de gestion mauvaise et illégitime des affaires publiques ».
« La tendance générale vers la bonne gouvernance et la démocratisation dans les pays de l'Afrique occidentale et méridionale » rend la chute libre du Zimbabwe encore plus tragique et désespérante.
Le pays qui était autrefois le « grenier de l'Afrique », a-t-il déploré, ne peut plus aujourd'hui nourrir sa population. « Au cours des cinq dernières années, l'économie du pays a implosé, se contractant de 40 %. Le pays a ainsi acquis la triste distinction d'être l'économie qui décline le plus rapidement au monde. »
M. Woods a ajouté que le Zimbabwe connaissait en outre une réelle fuite des cerveaux, puisque trois millions de Zimbabwéens, la plupart d'entre eux très éduqués, étaient partis en exil, surtout vers l'Afrique du Sud et d'autres pays voisins.
« Il y a une oppression politique, une oppression des individus et une oppression de la presse. Seuls quelques membres privilégiés du parti au pouvoir (le ZANU-PF) prospèrent. Alors que la démocratie et le libre-échange se sont solidement enracinés dans de nombreuses régions de l'Afrique, le Zimbabwe est un contre-exemple flagrant d'un dirigeant (Robert Mugabe) prêt à tout pour s'accrocher au pouvoir au détriment des intérêts et de la volonté de son peuple. »
Évoquant la récente déposition de la secrétaire d'État Condoleezza Rice devant la commission sénatoriale des relations étrangères, durant laquelle elle avait qualifié le Zimbabwe de « l'un des six avant-postes de la tyrannie dans le monde », M. Woods a affirmé qu'aider à promouvoir la liberté dans le monde était « notre mission essentielle au Zimbabwe ».
À cette fin, a-t-il précisé, la Loi sur la démocratie et la relance économique au Zimbabwe demeure la clé de voûte de notre politique à l'égard de ce pays. En vertu des dispositions de cette loi, les États-Unis - et l'Union européenne et d'autres partenaires - maintiennent les sanctions financières et les restrictions des déplacements qui sont le signe de la désapprobation internationale de la façon dont l'élite dirigeante du Zimbabwe a piétiné les libertés démocratiques. Ces sanctions constituent en outre une incitation à la modération du comportement de ce gouvernement.
M. Wood a tenu à souligner que ce faisant, les États-Unis n'avaient jamais rien fait pour nuire au peuple zimbabwéen. « Il n'y a ni blocus, ni sanctions commerciales, parce que nous ne voulons pas nuire aux innocents. Nous continuons de mettre en œuvre le plus vaste programme de lutte contre le VIH/sida jamais déployé par un pays donateur. Et nous aidons à nourrir plus de 5 millions de Zimbabwéens » qui ont subi les conséquences négatives de la politique agricole du gouvernement Mugabe.
Faisant allusion aux élections législatives qui doivent avoir lieu le 31 mars prochain, M. Wood a déclaré que l'on craignait qu'elles ne soient ternies par l'intimidation du principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique, et de l'électorat en général. Toutefois, ces élections, aussi imparfaites soient-elles, « pourraient être un tournant, un premier pas vers le rétablissement national, si elles débouchent sur un parlement reflétant l'ensemble de l'électorat et offrant une voix à tous les éléments de la sphère politique ».
« Tous les groupes politiques doivent avoir accès aux médias ; il doit y avoir un débat politique ouvert permettant aux candidats de communiquer avec tous les éléments de la population. Robert Mugabe a le pouvoir de créer toutes ces conditions. S'il ne le fait pas, les élections ne seront qu'une parodie et n'accompliront rien, si ce n'est perpétuer l'isolement et la crise économique du Zimbabwe. »
Malgré tous ces éléments négatifs, de nombreuses conditions augurent bien de la démocratisation du Zimbabwe : une population éduquée, les vestiges d'une infrastructure économique productive, et une vaste société civile très active.
Enfin, a dit M. Wood, la clé de la démocratie au Zimbabwe se trouve dans la région. « Les gouvernements et les opinions publiques de la région ont plus d'influence sur le déroulement des événements au Zimbabwe que des pays éloignés comme les États-Unis. Le gouvernement de Harare est soucieux de sa position dans la région. » article retransmis par : acharif moulay abdellah bouskraoui.