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U Wirathu : « Certains disent que je suis le nouvel Hitler birman »
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23 avril 2014 12:38
U Wirathu : « Certains disent que je suis le nouvel Hitler birman »

LE MONDE | 22.04.2014 à 19h42 • Mis à jour le 23.04.2014 à 07h11 | Par Bruno Philip (Bangkok, notre correspondant en Asie du Sud-Est)

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Le moine Wirathu a fait en juillet la Une du magazine américaine Time où il était présenté comme "le visage du terrorisme bouddhiste" pour ses responsabilités présumées dans les violences religieuses qui ont fait des dizaines de morts en mars.

Assis derrière un bureau, le crâne rasé penché sur des papiers, le moine U Wirathu, 45 ans, compulse des textes en ignorant ses invités. Quand ils sont entrés dans le salon d'une « maison de disciples » de la banlieue de Rangoun où il est ce matin de passage, les Birmans se sont jetés à terre pour la triple génuflexion à laquelle il convient de se plier devant un bonze.

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Il se lève enfin, le regard lointain. Après avoir traversé la pièce d'un pas nonchalant, il prend place sur un sofa, dominant ses interlocuteurs assis sur une natte. Pour un moine, il serait doté d'un certain ego, murmure-t-on : dans son monastère de Mandalay, la grande ville du Nord birman, sa chambre de réception est tapissée de photos le représentant, comme si l'étoile montante du nationalisme birman voulait lui-même sacrifier au culte dont il est aujourd'hui l'objet.

Figure de proue d'un mouvement bouddhiste ultranationaliste prônant la « résistance » contre la « menace » islamique en Birmanie, U Wirathu sait aussi polir une image sulfureuse en décochant un sourire des plus éclatants au journaliste de passage. « Certains disent que je suis le nouvel Hitler birman », commence-t-il, expliquant qu'il a fini par répondre à ses accusateurs, « pour plaisanter » : « Je suis le Ben Laden de Birmanie ! » Le sourire s'élargit encore. Avant d'ajouter, sérieux : « Ce que je veux, c'est protéger l'intérêt de la nation contre l'islamisation. »

Une caméra posée sur un trépied filme l'échange. L'an dernier, U Wirathu a eu les honneurs de la couverture de Time Magazine, qui l'a présenté comme le « visage de la terreur bouddhiste ». Depuis, le « bikku » en robe safran se méfie : « Allez-vous écrire un article où vous exposerez vos idées, ou un papier objectif ? », interroge-t-il.

HAINE À L'ÉGARD DE LA MINORITÉ MUSULMANE

Au printemps 2011, la junte militaire au pouvoir depuis 1962 démissionnait, et la Birmanie sortait d'une longue nuit de dictature. Un gouvernement d'anciens généraux s'est alors installé au pouvoir, désireux de lancer un programme de réformes libérales afin de mener le « Myanmar » sur la voie de la démocratisation. Processus imparfait et loin d'être achevé, mais dont l'ampleur et la soudaineté ont surpris les Birmans et les chancelleries internationales.

Or, la levée de la censure, la quasi-libération de tous les prisonniers politiques, la permission de manifester, de constituer des syndicats libres et, partant, l'émergence de la liberté d'expression, a eu son revers : un ancestral sentiment de méfiance, sinon de haine à l'égard de la minorité musulmane (officiellement évaluée à 4 % de la population) s'exprime désormais au grand jour, souvent relayé par les réseaux sociaux.

U Wirathu, qui fut emprisonné durant neuf ans au temps de la junte militaire pour ses prises de position enflammées, nie que ses discours incendiaires – « le sang des bouddhistes est en train de bouillir », a-t-il un jour déclaré – aient pu inciter à la violence. Plus de 250 personnes, la plupart musulmanes, ont été tuées lors d'émeutes intercommunautaires qui ont ensanglanté le pays à trois reprises en 2012 et 2013. Durant lesquelles des moines radicaux se distinguèrent parfois…

« Quand un éléphant furieux entre dans un village, on ne le tue pas car nous, les bouddhistes, respectons la vie. Mais il faut ériger des barrières pour l'empêcher de nuire », énonce sentencieusement le moine. Sa rhétorique, consistant à brandir la menace d'une radicalisation islamique dans un pays où les musulmans ne penchent pas vers le fondamentalisme militant, a notamment pour ambition de provoquer un boycottage des commerces tenus par les disciples du Prophète. « Les musulmans s'enrichissent aux dépens des bouddhistes », prévient-il. Et quand on lui demande comment le bouddhisme (80 % de la population) pourrait être menacé par une communauté si minoritaire, il s'en sort par une nouvelle métaphore : « Dans une forêt, il suffit d'un seul tigre pour dévorer les gazelles. »

LOIS INSPIRÉES PAR DES MOINES RADICAUX

Les craintes d'U Wirathu ont fini par être, indirectement du moins, relayées au plus haut niveau du pouvoir, alors que se profilent en 2015 de nouvelles élections générales. Le président Thein Sein, qui pourrait être tenté par un nouveau mandat, sait qu'il lui faut compter avec une opinion publique volatile. Et que celle-ci, même si elle n'a pas basculé dans le camp des ultras, est sensible aux thèses fantasques d'une islamisation. Le chef de l'Etat a donné son approbation à la rédaction de propositions de lois inspirées par des moines radicaux, afin d'instaurer un contrôle des naissances et d'empêcher ou de rendre plus difficile la conversion interreligieuse.

Les musulmans, même s'ils ne sont pas nommés, seront les premiers visés : polygamie, taux de natalité important et obligation pour les femmes bouddhistes de se convertir à l'islam quand elles épousent des musulmans sont autant de prétextes à ériger les « barrières » souhaitées par U Wirathu. Pour lequel il n'y a pas de contradiction à combiner les enseignements du bouddha avec la défense de la « race et de la nation » : « Il ne faut pas tout mélanger, professe-t-il : appliquer les préceptes de la compassion bouddhiste à l'égard des êtres vivants est une chose. Mais quand on est attaqué, on ne peut plus s'en tenir seulement à ces préceptes. »

Le mouvement du moine Wirathu, baptisé « 969 » – chiffres symboliques des qualités du bouddha et de la « sangha », la communauté monastique bouddhiste – ne cesse de prendre de l'ampleur. Distributions de tracts, autocollants apposés sur les murs des villes et sur les pare-brise de taxis, moines et militants antimusulmans s'efforcent de disséminer leur propagande.

Dans une petite pièce de la branche de « 969 » à Rangoun, située dans un immeuble délabré du centre, deux bonzes en robe lie-de-vin acceptent de répondre aux questions. Une dizaine de laïques sont présents lors d'une interview placée elle aussi sous surveillance : trois caméras, plus les téléphones portables de l'assistance sont brandis vers le journaliste enregistrant la conversation.

« Ici, vous êtes dans l'un des 200 bureaux de notre mouvement, explique l'un des deux moines, U Saddhama Moungye. Notre but est d'aider le peuple face à des musulmans qui sont prêts à passer à l'attaque dans tout le pays. » Le ton est donné. Il précise, anticipant la question sur les dangers de la radicalisation : « Nous devons prêcher la compassion pour tout le monde, mais on ne peut pas empêcher que les bouddhistes ne soient pas capables, dans certains cas, de maîtriser leurs émotions. » Dans l'assistance, Kyaw Nanda Ko, un chômeur de 28 ans, complète respectueusement la parole du moine : « On peut cohabiter avec les chrétiens et les hindous, mais avec les musulmans, c'est impossible. »

DES MILLIERS DE MUSULMANS SURVIVENT DANS DES CAMPS DE RÉFUGIÉS

La méfiance des Birmans à l'égard de l'islam est une vieille affaire. Les musulmans du « Myanmar » sont pour la plupart des descendants de migrants indiens arrivés au temps de l'Empire des Indes britanniques, auquel était rattachée la Birmanie jusque dans les années 1930. L'histoire du pays a été émaillée de graves violences anti-indiennes dont les musulmans ont souvent payé le prix fort. Aujourd'hui, le déchaînement des passions se focalise sur l'ethnie des Rohingya, cette communauté musulmane de l'Etat de l'Arakan, aux frontières du Bangladesh. Considérés par la plupart des Birmans comme des « Bengalis », dépourvus pour la plupart de toute citoyenneté, ils ont été les cibles des émeutes du printemps et de l'hiver 2012. Des centaines de milliers survivent désormais dans des camps de réfugiés.

Si beaucoup de Birmans continuent de faire la différence entre les musulmans installés de longue date dans le pays et cette soi-disant migration « récurrente » et « clandestine » qui déverserait sur leur pays le trop-plein de la population bangladaise, l'ensemble de la communauté musulmane commence à être la cible des bouddhistes radicaux. On a vu récemment des moines défiler dans les rues, brandissant des banderoles où il était écrit : « Opposez-vous à l'islam, une religion d'animaux ! Les musulmans se reproduisent comme des lapins. »

Tous les moines de la « sangha » ne partagent pourtant pas ces thèses, même s'il est difficile d'estimer le nombre de modérés. Dans un monastère de Rangoun, l'un d'eux a accepté de dévoiler le fond de sa pensée. Mais en demandant que son nom ne soit pas cité, preuve des difficultés à critiquer le mouvement croissant de l'intolérance.

LE CONCEPT DE NATION EST ÉTRANGER AU BOUDDHISME

« Il y a en Birmanie 600 000 moines, affirme le bonze, et parmi nous, les nationalistes ne sont qu'une minorité. » Pour lui, il ne fait pas de doute que le discours de ces derniers est « totalement en contradiction avec l'enseignement du bouddha ». « Le concept de nation est étranger au bouddhisme, explique-t-il. U Wirathu, en proclamant que les musulmans sont mauvais de la même façon qu'Hitler disait que les juifs allaient dominer le monde, incite les gens à la violence. Bien sûr, la nature des choses et des êtres fait qu'il est difficile parfois pour les gens d'accepter d'autres religions. Mais nous assistons en ce moment en Birmanie à un phénomène nouveau. »

D'autres voix s'élèvent pour tenter d'enrayer les dérapages nationalistes. Le blogueur et journaliste Nay Phone Latt vient ainsi de lancer le mouvement Dites-le avec des fleurs. Dans son bureau du centre de Rangoun, le jeune homme montre des tracts rédigés pour inciter les Birmans à faire preuve de modération dans leurs écrits et leurs propos. Emprisonné durant huit mois pour avoir autrefois défié la junte sur Internet, il mesure aujourd'hui les dangers de l'instrumentalisation de libertés fraîchement conquises : « Sur Facebook, il y a désormais trop de pages qui incitent à la violence. Il ne faut pas confondre la liberté de s'exprimer avec celle de dire n'importe quoi et d'inciter à la haine religieuse ! »
23 avril 2014 12:59
salam,

un pourriture comme d'autres, il finira comme ses comparses inch Allah, la mort d'Hitler ou la fin de vie de Mladic n'est pas reluisante...

oussalam
M
24 avril 2014 11:24
je crois que derriere lui il y a le pouvoir briman, cette junte qui a du lacher du lest mais qui a choisit d'utiliser la fibre nationaliste pour contrecarrer les projets de libéralisation des démocrates.
L
24 avril 2014 11:57
Lui et le 969 ne feront pas long feu...se développent partout dans le monde des soutiens aux rohingyas, la situation est médiatisée chaque jour davantage, viendra le moment où la transition démocratique amorcée il y a quelques années deviendra inévitable.

Quand les militaires et les hauts fonctionnaires lui tourneront le dos, il se retrouvera bien seul le moine...
 
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