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la vision de la france est ethnicisée...
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29 juin 2007 10:00
Maryse Tripier est professeur émérite de sociologie à l’université Paris-Diderot, auteur avec Andrea Rea de Sociologie de l’immigration (éd. La Découverte, 2003). Elle a participé au forum organisé par le réseau Terra et plusieurs associations de chercheurs en sciences humaines (lire ci-dessous). Elle analyse la posture de Nicolas Sarkozy face aux questions d’immigration.

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Pour vous, la création d’un ministère dont l’intitulé associe immigration et identité nationale n’intervient pas aujourd’hui par hasard.
Elle institutionnalise une forme de lepénisation des esprits à laquelle participent de nombreux médias depuis vingt ans sur fond de très forte dérive populiste. L’immigré, c’est l’«autre», forcément dangereux, menaçant. Elle instaure une logique unilatérale de tri entre les «bons» et les «mauvais» immigrés, voire les «bons» et les «mauvais» Français (enfants d’immigrés, par exemple). La vision de la nation est totalement figée et ethnicisée. Elle préexisterait, fixe et homogène, et ne serait pas agitée de conflits internes, de combats qui la construisent. Or nul Etat ne peut en donner la définition. D’ailleurs les immigrés ne s’intègrent pas à un objet abstrait mais dans les milieux ­populaires.
Ne faites-vous pas un procès d’intention à Nicolas Sarkozy ?
Pour moi la ligne jaune a été franchie avec les expulsions d’enfants. Brice Hortefeux, lui aussi, annonce un chiffre d’expulsions en 2007 et 2008 et contredit par avance l’analyse «au cas par cas». Il rend institutionnelle une logique de suspicion. Pour limiter à tout prix les possibilités pour les étrangers de venir s’installer en France, on durcit encore le regroupement familial, on externalise les frontières, on réduit drastiquement le droit d’asile, qui a été injustement absorbé par le nouveau ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale.
Comment Sarkozy a-t-il réussi à s’allier une majorité de l’opinion publique ?
Il a réussi un casting «de rêve» pour son nouveau gouvernement. C’est sa vitrine, et pour les gens ça n’est pas simple de décrypter ses intentions.
N’est-ce pas votre rôle à vous, universitaires, spécialistes des questions d’immigration, que de rétablir une certaine vérité ?
Le principal obstacle pour nous, c’est l’anti-intellectualisme, la délégitimation des intellectuels qualifiés de «petite intelligentsia» . L’opinion publique dirait : «Vous ne savez pas, mais nous nous savons ce qui se passe près de chez nous.» Il faut que nous, chercheurs et enseignants-chercheurs, nous nous battions sur ce terrain, car nous produisons des connaissances, savons lire les chiffres. Nous menons des enquêtes, nous ne faisons pas que produire de la pensée simplifiée. Il nous faudra sans cesse rétablir les faits et les enseigner. Plus concrètement, dans la période, que nous réalisions des synthèses de nos travaux, des argumentations audibles. Le suffrage universel ne peut condamner au silence toute réflexion critique.

liberation
29/06/2007
 
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