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Les violences urbaines...
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11 novembre 2005 14:47

Source yahoogroupes

Violences urbaines ou violences sociales ?
Par Pascal Naizot, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure.


Les récents événements qui embrasent les banlieues doivent nous donner à réfléchir sur des problèmes de fond.

La politique est l’art de poser des paroles sur les choses, des paroles d’apaisement.

D’abord, dans les circonstances actuelles, les manipulations médiatiques, volontaires ou involontaires, sont à l’oeuvre de manière privilégiée, utilisant une technique éprouvée : au montage, on enchaîne les images violentes : des voitures qui brûlent en gros plan (personne ne les voit d’aussi prêt que le téléspectateur), des « jeunes » qui jettent sur des policiers des projectiles... Un bruitage adéquat vient renforcer le caractère spectaculaire de l’émeute.
On passe, en accéléré, d’un quartier à l’autre.
Le commentaire joue son rôle. On égrène, comme un chapelet de mort, des noms de cités, de quartiers, où l’on n’a jamais mis les pieds. N’importe quel téléspectateur, en pleine digestion, les pieds dans ses pantoufles, aura l’impression que le pays est à feu et à sang. Surtout s’il a la chance de vivre à la campagne, loin de tous ces problèmes urbains.
Dénonçons encore une fois la manière dont les journalistes font du spectacle, au lieu de livrer de l’information. Dénonçons la manière dont ils jouent avec la peur. Dénonçons la manière dont le miroir qu’ils présentent à l’opinion est un miroir déformant, un miroir grossissant.

Il y a aussi les politiciens. La plupart ne connaissent RIEN à ces affaires de banlieues. Ils en parlent par ouï-dire. Il y a des cocktails dans les palais de la République, mais pas (encore) de cocktails Molotov. Il y a très peu de députés « beurs » ou « blacks » ( !). Philippe de Villiers avouait récemment, dans un élan de sincérité qui l’honore, qu’il avait pris conscience de la gravité des problèmes d’immigration depuis UN AN ! On en reste stupéfait. Mais peu de politiciens offrent la même honnêteté. Et l’on songe à quel point les zones rurales sont surreprésentées à l’Assemblée, à quel point ceux qui devraient s’inquiéter des problèmes de la France sont des notables qui ont toujours bien mangé et bien digéré leur part du gâteau national. Leurs regards sont plus prompts à se tourner vers Bruxelles que vers Noisy-le-Grand, vers Washington que vers Maubeuge.
Dénonçons encore une fois avec vigueur l’illégitimité grandissante de ces représentants qui ne représentent guère qu’eux-mêmes et les membres des classes moyennes auxquelles ils appartiennent et qui veulent bien aller encore voter pour eux.

Il y a encore les hommes de pouvoir. L’archétype en est le Ministre Sarkozy, aux dents si longues, qu’elles rayent le parquet des palais de la République. Si l’essence de la politique est de poser des mots sur des choses, de nommer avec exactitude la réalité, « nettoyer au Karcher » ou « racaille » sont des termes indignes dans la bouche d’un responsable politique. Le discours d’un véritable homme d’Etat ne peut être qu’un discours de cohésion, un discours d’apaisement, rendant possible l’unité de la Nation.
Et il y a tous ceux qui s’agitent autour de la majorité, dans l’opposition (de droite ou de gauche), qui se livrent à des jeux politiciens, des jeux irresponsables. Eux aussi, dans leurs mots, participent à une surenchère qui déforme une réalité, qu’ils ne connaissent pas. On a beau jeu de réclamer tout et n’importe quoi quand on n’a pas la responsabilité directe des affaires. On a beau jeu, par exemple, d’exiger l’envoi de l’armée contre les banlieues quand on sait que c’est le gouvernement qui, s’il le fait, aura du sang sur les mains. Peut-être y en a-t-il même qui se frottent d’avance les leurs de voir le gouvernement dans l’embarras.

Le seul discours responsable serait, encore une fois, un discours d’apaisement, un discours de soutien au gouvernement légal de la France. Quand la patrie est en danger, il est criminel de songer encore et toujours à ses intérêts partisans. Songeons que Louis XVI, autrefois, avait refusé de lancer la troupe contre les Parisiens qui marchaient sur Versailles.


La politique est l’art de réaliser l’unité de la nation.

Que se passe-t-il dans les banlieues ?

Essayons, avec honnêteté et humilité, de décrire la situation.

Les banlieues en question, dans le généreux élan du « politiquement » correct, ont été rebaptisées : ce sont désormais des « Zones Urbaines Sensibles » (les ZUS) ! Ici le mot couvre la chose.

Soyons clair. Il s’agit de ghettos où se rassemblent beaucoup des laissés pour compte de la société. Habitat dégradé, chômage ou précarité, concentration des « immigrés » et de leurs enfants caractérisent ces lieux. Avant de parler de quoi que ce soit d’autre, disons clairement qu’y vivent ceux qui se situent dans les marges économiques et sociales de la société, ceux qu’on osait appeler autrefois les pauvres. Il y a des Français de souche parmi eux. Il y a peut-être aussi quelques « vieux » qui y vivent encore par nostalgie de ce que furent les villages de leur jeunesse.
Le « communautarisme » cache en fait une véritable fracture sociale.

La « délinquance », dans ces ZUS (horribile dictu) est, semble-t-il, plus importante qu’ailleurs !
Mais ceci appelle immédiatement une réflexion. Affirmer que les pauvres, parce qu’ils sont pauvres, sont potentiellement des criminels est une infamie.

Mais cela peut, hélas, circonstanciellement, devenir exact quand cette pauvreté est vécue dans une société prospère, la société de consommation telle qu’elle s’est développée après la dernière guerre. A l’expérience déjà terrible de la misère matérielle s’ajoute une autre misère : humaine, absolument intolérable parce qu’elle est vécue au milieu de la prospérité générale.

Je soutiendrai que la société de consommation, dans son fonctionnement même, engendre la violence à laquelle nous assistons. Cette société est fondée sur l’exacerbation du désir. Un slogan, qui s’affiche actuellement un peu partout, agresse tout un chacun : « Laissez-vous tenter ! ». On se souvient d’un temps où une prière quotidienne exprimait tout le contraire : « Ne nous soumettez pas à la tentation et délivrez-nous du mal ».

Quand on est pauvre dans une société globalement richissime, mais dans une société qui a perdu, pour l’essentiel, le sens de la solidarité, où l’homme est transformé en consommateur égoïste, où le « système » partout, de façon agressive sollicite le désir, inévitablement on vit dans la frustration.
 
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