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13 juin 2011 11:30
Syrie : des militaires désertent pour ne plus « tuer les civils »
Par Marie Kostrz | Rue89 | 11/06/2011 | 19H21

Des gradés et des soldats s'opposent à la répression menée par Damas, dont les chars, hélicos ou snipers tuent au nord-ouest.

Dans une interview à la chaîne arabophone Al-Arabiya le 10 juin, Hussein Armouch, lieutenant-colonel de la division 11 de l'armée syrienne, affirme qu'il a demandé plusieurs fois aux forces de sécurité présentes à Jisr el-Choghour le 5 juin d'arrêter de tirer sur les civils. Comme celles-ci persistaient, il affirme avoir retourné ses armes contre elles.

Depuis le début de la semaine, les événements de Jisr el-Choghour restaient empreints de mystère : le régime évoquait le 6 juin la mort de 120 personnes dont 80 soldats, tués la veille par des « bandes armées ». Seule une vidéo, où il est possible de voir quatre cadavres, avait été diffusée à la télévision syrienne.

Hussein Armouch vient donc contredire la version officielle, affirmant également que le nombre de morts est bien inférieur à 120.
Des fosses communes sont découvertes, il déserte

C'est dans une vidéo postée sur YouTube que l'homme avait auparavant annoncé sa désertion. Sur cette bande – dont il est difficile d'assurer l'authenticité même si elle est relayée par des supporters de la révolte très fiables –, Hussein Armoush énonce les raisons pour lesquelles il rejoint le camp des manifestants. Il s'oppose :

* au massacre de civils non-armés perpétrés, depuis le début de la révolte ;

* à l'implication d'officiels de haut-rang et de rang secondaire dans l'attaque de villes et villages pacifiques ;

* au massacre d'enfants, de femmes et de vieillards, la découverte de fosses communes l'a aussi poussé à ne plus répondre aux ordres de son armée. (Voir la vidéo, en arabe)


Aux côtés d'Hussein Armouch, d'autres soldats déserteurs

Des motivations et une manière de procéder qui rejoignent celles de Walid Abd al-Karim al-Qashami. Ce soldat de 21 ans, en contact avec Amnesty International, avait lui aussi enregistré son témoignage sur YouTube après avoir déserté. Il avait refusé de tirer sur des manifestants non-armés à Harasta, près de Damas, en avril.

Relater les faits devant une caméra était un moyen de laisser un témoignage derrière lui en cas d'arrestation. (Voir la vidéo, en arabe avec des indications en anglais)


Dans sa vidéo, Hussein Armouch rappelle lui le rôle que les militaires doivent nomalement endosser :

« Notre mission est de protéger les civils, non de les tuer. »

Selon Al-Arabiya, l'homme a l'intention de se battre contre les forces armées.

Une source syrienne souhaitant garder l'anonymat, que l'on appellera Rami, nous affirme que Hussein Armouch aurait à ses côtés des soldats qui ont aussi fait défection. Il est cependant difficile de savoir combien ils sont.
En représailles, la ville de Jisr el-Choghour est assiégée

Suite à l'annonce du régime syrien le 6 juin, les habitants redoutaient des représailles. Leurs craintes ont été confirmées quatre jours plus tard. La télévision nationale a annoncé que le régime lançait « une grande opération militaire pour arrêter les groupes armés » dans le nord-ouest de la Syrie.

Depuis ce 10 juin, à 6 heures du matin, la ville de Jisr el-Choghour, d'environ 75 000 habitants, est assiégée. Rami précise :

« La ville est très proche de la frontière avec la Turquie. Tout autour se trouvent des villages qui sont occupés par l'armée. Les habitants de Jisr el-Choghour sont coincés. »

« Les personnes âgées et les enfants, des boucliers humains »

Les chars qui roulent vers Jisr el-Choghour ne laissent personne indemne sur leur passage. Ahmad – le prénom a été changé – habite un petit village situé à quelques dizaines de kilomètres de la ville. Joint par Rue89, il raconte :

« Dans les environs, le régime syrien a coupé tout contact avec l'extérieur. Nous n'avons pas d'électricité, pas d'eau, le réseau téléphonique est souvent brouillé.

Les forces armées ont brûlé les moissons, sachant que c'est la saison de la récolte de blé, et que c'est le seul moyen de vivre d'une grande majorité de la population. Elles ont brûlé beaucoup de maisons dans la région, sous prétexte que s'y trouvent des manifestants. »

Ces opérations de « ratissage » ont poussé les Syriens de la région à se réfugier en Turquie. Ahmad jure :

« Depuis quatre jours, les maisons sont presque vides maintenant : il n'y ni manifestant, ni insurgé, ni résistance et ni terroriste comme le régime veut le faire croire au monde.

Les personnes âgées et les enfants qui n'ont pas pu fuir vers le nord et la Turquie sont arrêtés, humiliés, traînés dans les rues et obligés de marcher devant les chars, comme boucliers humains. »

Une version des faits qui est confirmée par l'interview de Hussein Armoush à Al-Arabiya : lui aussi affirme que les habitants de Jisr el-Choghour qui n'ont pas pu fuir sont malmenés.

Beaucoup de Syriens de la région ont fui. Selon le ministre des Affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu, ils seraient plus de 2 500 à être arrivés en Turquie.
Des hélicoptères qui tirent sur la foule

Si les habitants redoutaient les représailles féroces du régime, Rami affirme que même sans la mort des soldats en début de semaine, l'armée serait venue dans le nord-ouest du pays :

« Les forces armées vont partout où la contestation enfle. Après Deraa, Banias, Homs et d'autres, c'est au tour de Jisr el-Choghour. »

Le 4 juin, la tension avait été très forte dans la ville. Durant les funérailles de manifestants auxquelles plusieurs milliers de personnes participaient, un sniper a commencé à tirer sur la foule. Selon Rami, la foule, excédée, n'est pas restée passive, contrairement à d'habitude : le sniper a été roué de coups et tué.

Le régime aurait répliqué rapidement. Ahmad affirme lui avoir été blessé au bras après que deux hélicoptères ont tiré sur la foule le 5 juin.
Des manifestants 100% pacifiques, et sans arme

Rami insiste sur le caractère exceptionnel des violences perpétrées par les manifestants :

« La foule est pacifique, elle a tué l'un des quatre snipers présents lors des funérailles car elle était excédée : en moins de trente minutes, il avait déjà tué neuf personnes.

Nous essayons au maximum que tout se passe dans le calme car nous savons pertinemment que le régime n'attend qu'une seule chose : des actes violents pour discréditer les manifestants. »

Un constat que confirme Bassel Hadnan, habitant de Damas :

« Je n'ai pas remarqué un usage plus important des armes, même si cela est possible. C'est sûr à 100% que les manifestants ne sont pas armés et sont pacifiques. »

Sentant la répression venir, le comité de Jisr el-Choghour s'est réunit dans la nuit du 5 au 6 juin. Dans une vidéo, les hommes clament leur innocence :

« Nous refusons l'entrée des forces armées dans la ville. On confirme qu'il n'y a pas de bande armée. »

Brandissant des rameaux d'olivier, symbole de paix, les hommes scandent à l'unissons « Silmieh Silmieh », ce qui signifie « pacifique ». (Voir la vidéo, en arabe)


Malgré le danger qui guette les habitants de Jisr el-Choghour, Rami affirme que les hommes ne quitteront pas la ville :

« Ils sont prêts à résister et ils ne veulent pas laisser la ville aux “chabihat” qui vont tout détruire. »

Les « chabihat » – qui vient du mot fantôme, « chabih », en arabe – sont les supérieurs des « moukhabarat », les services secrets syriens. Crânes rasés et affubés d'une longue barbe, ils participent à la répression brutale des manifestants aux côtés des forces armées et de la police secrète.

Créés dans les années 80, ils sont connus pour être à la tête de trafics en tout genre et pouvoir agir en toute impunité dans la société. Une position confortable qui assure leur allégeance au président Bachar al-Assad, comme en atteste leur devise :

« Bachar ne t'en fais pas, on boit du sang, ya Bachar. » (Voir la vidéo, en arabe, à partir de 1'02'')


Le terme « chabihat » est par extention aussi utilisé par la population pour désigner la police secrète, qui réprime également férocement le peuple syrien.

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