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Urbanisme: Une agence au-dessus de Casablanca
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13 janvier 2007 06:50
L’Agence urbaine de Casablanca est un grand instrument avec de grands enjeux fonciers et immobiliers entre les mains du ministère de l’Intérieur. La tenue de son premier conseil d’administration est venue confirmer l’opacité de sa gestion.
Visiblement, les traditions makhzéniennes ont la peau dure. Très dure ! Car ce qui est arrivé le 15 décembre 2006 au siège de l’Agence urbaine de Casablanca démontre, s’il en était besoin, que la “méthode” Basri, l’ex-makhzani en chef du royaume, dans la gestion des affaires publiques a fait des émules. Perpétuant à la lettre les us et les coutumes “basriens” en la matière, Chakib Benmoussa a bouclé, en moins d’une heure, le conseil d’administration de l’Agence urbaine de la capitale économique. C’était pourtant la première fois qu’un tel conseil se réunissait depuis 1983 et il devait évaluer 26 ans d’exercice.
Le ministre de l’Intérieur, avec l’aide du wali Mohamed Kabbaj, a pu obtenir sans le moindre problème le quitus du Conseil d’administration pour 26 ans de gestion de l’Agence. Or, des élus et des présidents des chambres professionnelles qui ont assisté comme des spectateurs à cette réunion parlent d’un conseil d’administration “mascarade”. «Les rapports moral et financier qui nous ont été distribués, et que, bien sûr, nous n’avions pas le temps de les feuilleter, mentionnent la période 1994-2006 alors que le bilan de l’Agence doit commencer en 1983. Et puis, on ne peut pas décortiquer des centaines de pages en 1 heure ou même 24 heures. Cela dit, c’était clair que Benmoussa et Kabbaj voulaient clore à la va-vite ce conseil. Est-ce là la transparence et la démocratie que prône le nouveau ministre de l’Intérieur dans ses discours?», s’interroge ce président d’une chambre professionnelle sous le sceau de l’anonymat.
Deux élus ayant pris part à ce conseil soulignent également les irrégularités qui l’ont entaché : «Nous n’avions même pas le droit à la lecture des rapports moral et financier et nous étions tenus de les approuver», explique l’un d’eux qui reconnaît qu’il n’a pas eu le courage de dire non au ministre de l’Intérieur par peur de représailles. «Après le jugement des élus de la deuxième Chambre, nous avons compris que l’Etat peut rendre la vie difficile à quiconque oserait s’opposer à sa volonté», reconnaît notre élu.
La complicité tacite d’un Etat au-dessus de la loi avec des élus en deçà, ne pouvait générer qu’un conseil d’administration qui expédie 26 ans d’exercice de la première agence urbaine du royaume en moins d’une heure.

Un Conseil d’administration mascarade
Lors d’une conférence de presse tenue quelques jours plus tard, le gouverneur directeur de l’Agence a évité d’aborder cette question.
Allal Sekrouhi a également esquivé toutes les questions sur la mosquée Hassan II et sur le statut particulier de son agence qui relève du ministère de l’Intérieur au lieu du ministère de l’Habitat comme c’est le cas des 20 autres agences urbaines que comptent le Maroc. «Rarement discuté, le statut de l’Agence urbaine de Casablanca pose un sérieux problème. Rien ne justifie aujourd’hui sa dépendance vis-à-vis du ministère de l’Intérieur. Que je sache, nous ne sommes plus dans un état d’exception», s’insurge un député PJD de la capitale économique.
La particularité du statut de l’Agence est liée au contexte de sa genèse.
Après les émeutes de Casablanca en 1981, Hassan II prend une batterie de décisions pour maîtriser ce qu’il considère comme de l’insécurité urbaine. Sous les conseils de son architecte français, Michel Pinseau, le roi défunt met ainsi en place trois grandes mesures. Primo, la promotion de Casablanca en wilaya morcelée en plusieurs provinces et communes. Secundo, la mise au point d’un schéma directeur d’aménagement urbain qui a été élaboré au Cabinet royal. Tertio, la création de l’Agence urbaine de casablanca. L’impact est immédiat : un urbanisme de façade voit le jour. Tous les efforts sont concentrés sur les quartiers centraux bien visibles alors que ceux de la périphérie sont délaissés. Des ghettos comme Moulay Rachid, Sidi Moumen, Lahraouiine, Sidi Lkhadir, etc... en sont les visages laids et un crime contre l’urbanisme. Contre l’humanisme !
Depuis, Hassan II est mort, Driss Basri limogé, quatre ministres de l’Intérieur lui ont succédé, les attentats de Casablanca ont eu lieu, et l’Agence urbaine de Casablanca, elle, navigue toujours à vue et baigne dans l’opacité. Le taux de réalisation des équipements prévus par le premier schéma directeur d’aménagement urbain de la ville ne dépasse guère les 17%. Cette totale défaillance n’a pas convaincu les sécuritaires de “libérer” l’Agence du “joug” du ministère de l’Intérieur. La Communauté urbaine de Casablanca n’a d’ailleurs aucun droit de regard sur cet instrument de gestion, urbaine par excellence. «Avec Hassan II, c’était le sécuritaire qui primait : avec Mohammed VI, ce sont les affaires qui l’emportent. Si le ministère de l’Intérieur s’accapare toujours l’Agence, c’est pour l’enjeu foncier et immobilier que présente la capitale économique. Il ne faut pas oublier qu’en 2007, le projet d’extension du périmètre urbain de Casablanca devra porter sur 6000 hectares», explique ce fonctionnaire à l’Agence nationale de la Conservation. Les promoteurs immobiliers, notamment ceux proches du sérail, doivent se frotter les mains. Du beau foncier dans l’air ! Mais à quel prix ?
Taieb Chadi
lejournal
 
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